58. Du tribunal à la tendresse
Arthur
- Et alors ? Je dois vérifier ou je peux juste leur dire quand on va y retourner qu’elle est noire ?
Je vois que Julia est tendue et stressée comme je ne l'ai jamais vue sur le terrain et j’essaie de la détendre un peu alors que nous montons un petit escalier qui mène à un étage où il y a trois chambres. Elle m’attire derrière elle vers celle du fond, qu’elle ouvre avant d’entrer la première et de me faire signe de la suivre.
- Tu as le droit de vérifier, me dit-elle en réalisant un tour sur elle-même, faisant voltiger sa jupe. Tu l’as vue ?
- J’ai vu du rouge, mais il faudra peut-être que je vérifie ce soir plus en détail, tu ne crois pas ?
- Je te propose de te la donner, et tu la sors à table en disant à mon imbécile de frère que c’est toi qui portes la culotte. T’en penses quoi ? soupire-t-elle en se laissant tomber sur son lit.
- Quelle excellente idée !
J’éclate de rire à la suggestion de ma jolie soldate et détaille ce qu’elle a entreposé dans son espace. Le mur derrière son lit est couvert d’une mappemonde où figurent des petits drapeaux. Je m’approche alors qu’elle ne me quitte pas des yeux et essaie de comprendre ce que ça représente.
- Ne me dis pas que ce sont tous les endroits où tu as été en opération, quand même ?
- Si. J’ai fait pas mal de missions courtes. Ma mère la tient à jour depuis que j’ai acheté mon appartement et fugué de cette baraque de fous.
- Ils pensent quoi, tu crois ? Que je suis un gourou qui va abuser de ton innocence ? J’espère que je n’ai pas été trop sec ou trop vif dans mes réponses…
- Franchement ? Ils peuvent bien penser ce qu’ils veulent, je m’en fiche. Je sais ce que je veux, et il est barbu, beau gosse et parfois insupportable, il a une famille de dingues et un sourire à tomber.
- Nous ne sommes pas gâtés avec chacune de nos familles, quand même !
- Franchement, ils sont géniaux, en dehors de ces moments-là. Enfin, un peu étouffants, mais ça passe. Et ta sœur est cool.
- C’est vrai, tu as raison. Et ça, c’est quoi ? demandé-je en trouvant sur la commode un bâton argenté. Ne me dis pas que tu as fait la pom-pom girl quand tu étais jeune ? Ce n’est quand même pas un sextoy, ce truc ?
- Pourquoi, ça te fait complexer ? rit-elle. J’ai fait du Twirling bâton. C’est mieux que les pom-pom girls, tu fais de la gymnastique en même temps. Deux ans de torture, ma mère voulait absolument que je sois une fille féminine.
- En tous cas, ça explique ta souplesse au lit ! Tu as des photos de cette période ? Je suis sûr que si je demande à ta mère, on finit le repas sur les souvenirs de toi petite !
- C’est certain, et au moins peut-être qu’ils te ficheraient la paix. Je suis désolée, Arthur, Hector est particulièrement insupportable.
- Il protège sa grande sœur. C’est mignon, même si c’est un peu macho. Ne sois pas désolée, les voir, ça m’aide à te comprendre. C’est avec eux que tu t’es entraînée sur ta voix de Cheffe ?
- Ouais, et je les ai couchés plusieurs fois après mes cours de self-défense. Je me suis vengée de plusieurs années de domination des petits frères.
- J’aime bien quand tu montres que tu as du caractère comme ça. Tu veux encore rester ici un peu pour qu’ils s’imaginent les plus viles folies ou retourner les voir ?
- Quitte à les laisser imaginer des folies, autant les faire, non ?
Je la regarde amusé, intrigué… Et excité. J’essaie de voir si elle est sérieuse ou pas, mais son expression reste neutre.
- Tu rigoles ou tu as vraiment envie ?
- Je ne dirais pas non, mais Hector est capable de débouler à tout moment, soupire-t-elle en se levant avant de s’appuyer sur mon avant-bras et d’enlever sa petite culotte pour la glisser dans la poche de mon jean. Prends-la, je te laisse porter la culotte, Beau Bûcheron.
Je la serre contre moi et caresse ses fesses désormais nues sous la jupe alors que nous échangeons un nouveau baiser passionné que nous continuons en sortant de la chambre de mon amoureuse. Nous revenons dans l’antre des Vidal et tout le monde se tait brusquement. Pas très difficile de savoir ce qui était l’objet de leurs discussions.
- Ça sent bon, ici ! Que nous avez-vous préparé de bon, Madame Vidal ? Vous avez besoin d’un coup de main ?
- Un gratin de courgettes, mon p’tit ! Vous m’en direz des nouvelles ! Profitez-en, et s’il en reste, je vous ferai un paquet. Julia est douée pour beaucoup de choses, mais je doute que vous mangiez du fait maison depuis que vous êtes rentré !
J’hésite à lui dire qu’elle se trompe et que j’ai beaucoup dégusté du fait maison. Du fait très maison, d’ailleurs quand je pense au goût qui se dégage de son excitation, mais je me retiens et garde mon sérieux.
- Quand elle s’y met, elle cuisine très bien, Julia. Je ne suis pas inquiet, je ne mourrai pas de faim. Vous voulez que j’amène le plat de gratin à table ? Vu que je suis debout, autant que j’en profite pour vous aider un peu.
- Je veux bien, merci, sourit-elle avant de poser sa main sur mon avant-bras. Arthur, honnêtement, Julia s’en sort vraiment bien, sur le terrain ? Elle ne se met pas en danger ? Elle n’est pas trop malmenée par tous ces soldats ? Et, est-ce qu’elle aime ce qu’elle fait ? J’ai parfois l’impression qu’elle cherche juste à nous contrarier ou à fuir sa famille…
- Honnêtement ? Elle fait tellement bien son travail que même moi qui n’aime les militaires, je suis tombé amoureux d’elle. Vous vous rendez compte ? Et vu comment vous lui manquez quand elle est en mission, je peux vous garantir qu’elle fait sa mission avec cœur et passion et pas du tout pour vous fuir. Et je vous jure sur tout ce que vous voulez qu’elle se brosse les dents tous les soirs ! ris-je en lui prenant le plat des mains pour l’amener à table.
- Merci, Arthur, me dit-elle avec un sourire aux lèvres, semblant me remercier pour plus que simplement son plat.
- De rien, mais je vous laisse faire le service, il faut que je me prépare pour la prochaine salve de questions.
Je jette un œil autour de moi et constate que tout le monde s’est arrêté de parler et de manger pour écouter mon échange avec la mère de Julia.
- Alors, qui se lance ? demandé-je, toujours debout, hésitant à aller m'installer ou à donner un coup de main à la cuisinière.
- Arthur va faire le gendre parfait, dit le père de Julia en me faisant signe de m’asseoir. Il vient déjà de plus aider votre mère que vous deux depuis au moins un an ! C’est à noter !
- Il essaie de vous mettre dans sa poche, lance Hector sans se douter de ce qu’il y a dans cette poche.
- Ou il est simplement gentil et serviable, bougonne Julia. Fous-lui la paix et laisse-moi vivre ma vie, en fait. Tu ne lui laisses même pas une chance, c’est fatigant.
- Oui, c’est vrai, dit la mère de Julia. On n’est pas au tribunal, ici. Je crois qu’on peut tous être rassurés, Julia a trouvé un joli garçon bien sympathique et serviable qui a l’air follement amoureux. Que demander de plus ? Alors, on va manger ce gratin et après le dessert, je vous propose de libérer notre si joli couple pour qu’ils puissent profiter du peu de temps qu’ils ont ensemble avant le départ d’Arthur. Et le prochain qui ne respecte pas ça, je le colle au coin comme quand vous étiez petits ! Compris ?
- Oui Maman, disent les deux frères en chœur, avant d’éclater de rire, ce qui détend tout de suite l’atmosphère.
- Et donc, qui porte la culotte chez les Vidal ? rit Julia en se levant pour embrasser sa mère. Tu vois de qui je tiens ma voix de Cheffe, Arthur ?
- Je vois ça ! Et ton calme olympien vient de ton père, souris-je en le montrant manger tranquillement, comme s’il était seul au monde.
Le repas s’achève dans une atmosphère bon enfant. Les questions continuent d’arriver, mais c’est dans le cours de la conversation, sans arrières-pensées. La nourriture est excellente, le vin que tout le monde boit, sauf moi qui vais conduire pour rentrer, aide à les dérider et à délier les langues. Je constate avec joie que Julia est plus détendue et plus souriante. La pression a quitté ses épaules et elle se répond même au baiser que je me permets de lui donner devant toute sa famille. Sa belle-sœur réagit immédiatement.
- Hector, tu vois, c’est ça un homme amoureux ! Prends-en de la graine, mon grand !
- J’étais comme ça aussi au début, non ? C’est tout beau, tout neuf. Je suis sûr qu’ils baisent comme des lapins et se disent ‘je t’aime’ toutes les deux minutes. Et puis on emménage ensemble, tu passes ton temps à te plaindre de mes chaussettes qui traînent et on fait des gosses. Finie la vie à deux, les parties de jambes en l’air n’importe où, n’importe quand, et les bisous tout mignons. C’est la vie, Sarah, ça n’enlève rien à l’amour qu’on se porte.
- Tais-toi et fais lui un bisou, Microbe, c’est tout ce qu’elle te demande ! grogne Julia à mes côtés.
Toute la tablée éclate de rire alors que Sarah se penche sur son mari et qu’à leur tour ils échangent un baiser chaste mais plein de sensualité. A notre surprise, la mère de Julia fait de même avec son mari dans un élan de tendresse qui est craquant. Ce repas qui a commencé en Tribunal se termine en pièce de théâtre romantique et mignonne à souhait. Tout le monde a le sourire aux lèvres et c’est avec le sentiment de la mission réussie que je quitte la maison familiale des Vidal aux bras de la femme qui partage ma vie.
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