75. Où est Zrinkak ?

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Julia

Je soupire en composant le numéro sécurisé qui me permettra d’avoir Marina. J’espère que la conversation sera moins compliquée que celle que j’ai eue hier soir avec Eric. Difficile d’expliquer à un homme que sa femme a été enlevée, qu’on ne sait rien de ce qui a pu lui arriver, et qu’on a très peu d’informations sur ce qu’il s’est passé. Eric était à la fois désespéré et furax, et j’ai rarement été autant suppliée et insultée à la fois. Terrible. Je me suis sentie tellement impuissante !

- Je suis déjà au courant, Julia. Vous avez du retard.

Oups. Foutus espions sur le camp, bordel ! Au moins, la première réaction, la plus violente, ne me sera pas réservée cette fois.

- Je suis désolée, Marina, j’ai dû avertir le mari de Sylvia, et inventer une histoire à dormir debout pour Lila qui ne m’a pas lâchée d’une semelle après ça. Je vous assure que je comptais vous avertir au plus vite.

- Au plus vite ? En attendant toute la nuit ? Je vous ai connue plus vive d’esprit, Lieutenant, se moque-t-elle froidement.

- Je me doutais que vous seriez déjà au courant, de toute façon, soupiré-je. J’ai fait au mieux, avec mes obligations, Lila à gérer, et un cerveau en ébullition. Bref, vous comptez m’engueuler ou on peut essayer de s’entraider pour retrouver vos enfants ?

- S’entraider ? Parce que l’armée française peut faire quelque chose ? C’est quoi vos pistes ? Qui a osé les enlever ? A part le Gouvernement, je ne vois pas qui ça pourrait être.

- Je n’ai pas de pistes ou presque. Je voulais déjà m’assurer que vous n’aviez pas monté un plan pour les récupérer, je ne sais trop pourquoi, mais le procédé m’a fait penser aux Rebelles. Pas de soldats tués de notre côté, je l’ai vécu, ça aurait très bien pu être signé de chez-vous.

- Sur mes propres enfants ? s’énerve-t-elle. Ça aurait été une belle connerie, non ? J’ai pas eu tous les détails, vous pouvez me les donner ? C’est forcément le Gouvernement. Ou alors, un groupe rebelle dissident ? Non, impossible…

- Herses sur la route, trois soldats silvaniens tués, Snow assommé, l’autre soldat attaché et conscient. Un groupe d’hommes en noir ultra bien équipé qui est intervenu. Ah, et Snow a dit que les soldats silvaniens qui l’ont accompagné étaient des remplaçants, que les autres avaient été réquisitionnés par le Général, énoncé-je rapidement.

- Je vais me renseigner et savoir pourquoi il a réquisitionné les troupes, ce dégénéré. C’est étrange. Pour le reste, ça peut en effet être un mouvement de la Rébellion. Mais je ne vois pas où ils auraient pu trouver leurs armes. Un soutien de la Russie ou de la Chine ? Mais pourquoi ?

- Je n’en sais rien, je suis paumée, là. Je ne comprends pas. Vous me tenez au courant ? Lorena a dû poser des questions de son côté sur le camp, je vais la voir bientôt. Je… Peu importe les décisions de l’armée, je ferai ce qu’il faut pour les retrouver, vous savez ?

- Vraiment tout ? Parce que l’armée française risque de ne pas approuver ce que je vais organiser. Je ne vais pas attendre leur accord si on retrouve mon fils et ma fille, je peux vous le garantir, Julia.

- J’en suis. Je refuse de perdre une seule seconde à blablater avec mes supérieurs, sauf si c’est pour avoir des troupes supplémentaires dans l’heure.

- Je vous tiens au courant, Julia. Merci pour votre aide. A tout à l’heure.

- Merci à vous…

Je raccroche rapidement et vais ouvrir la petite fenêtre de la salle des opérations en grand pour prendre un bol d’air. Mes pensées sont toujours aussi désordonnées et je ne parviens pas à lier les informations entre elles. Il faut dire que la nuit a été bien mauvaise, et que la fatigue ne m’aide pas à rassembler mes idées pour les rendre prolifiques.

Cela va bientôt faire vingt quatre heures qu’Arthur et Sylvia ont été kidnappés, et nous avons zéro piste. C’est flippant.

- Je dérange ?

Je sursaute et me retourne vivement pour tomber sur le regard bleu marine de Lorena.

- Non, entre… Les Anciens nous rejoignent ?

- Ils arrivent. Ils ont l’air inquiet pour Arthur et Sylvia. Tu tiens le coup, toi ?

- Non, mais je n’ai pas vraiment le choix, dis-je honnêtement avant de me reprendre, enfin, disons que certains moments sont plus durs que d’autres. Il faut juste qu’on ait des informations, histoire d’avancer. Je ne baisserai pas les bras, mais j’ai besoin de concret.

- Il y a des rumeurs… Mais bon, il vaut mieux que je les laisse parler… Tu connais la valeur de ces rumeurs… Souvent plus de fumée que de feu.

- Il nous faut un truc sur lequel nous appuyer pour la suite, sinon on n’avancera jamais. Et je préfère encore m’épuiser à fouiller du côté de rumeurs plutôt que d’attendre là, totalement impuissante.

- D’accord. On verra ce que les Anciens vont nous dire, alors.

- On verra, oui, dis-je alors qu’on frappe à la porte.

Je vais ouvrir aux deux Anciens restant sur le camp. Il faut croire que la Silvanie aime diviser les équipes. Ils me saluent d’un signe de tête alors que je les invite à entrer, et nous nous retrouvons tous les quatre autour de la table. Je ne peux m’empêcher de jeter un coup d'œil à ces chaises vides qui me serrent le cœur une fois de plus. Arthur me manque atrocement, Snow passe son temps à dormir, et le Commandant… Subit je ne sais quoi à cause de cet enfoiré de Général. On dirait bien que notre équipe se réduit à vue d'œil.

- Merci d’être venus, dis-je alors que Lorena joue, une fois de plus, le rôle de traductrice. Honnêtement, j’espère que vous avez plus d’informations que moi, parce que je n’ai pas grand-chose à vous dire de mon côté...

- Les Hommes en noir, tout le monde pensait que c’était un fantasme de l’ancien Président, Madame Julia, dit l’un des des anciens.

- Donc, ça viendrait du Gouvernement ?

- Depuis la mort de Lichtin, c’est difficile à dire. On ne les avait plus vus. Est-ce qu’ils ont rejoint le Général Ankhov ? Est-ce qu’ils se sont trouvés un nouveau chef ? On ne sait pas trop. Mais en tous cas, ce sont des troupes d’élite. Les meilleurs militaires silvaniens. S’ils ont rejoint Ankhov, c’est qu’ils sont sûrs qu’il va garder le pouvoir. Ce sont eux, les faiseurs de roi. Mais s’ils ont choisi un autre chef, il faut que la Gitane le contacte.

- D’après Snow, certains militaires qui surveillaient le camp ont été rappelés au Palais par le Général. Vous pensez que ces Hommes en noir auraient pu encore être dans l’armée ?

- Non, le Général a peut-être eu peur d’eux et rassemblé ses hommes près de lui pour se protéger. Ou il leur a laissé le chemin libre pour faire leur mission. En tous cas, il faut aller se renseigner auprès du Général. Lui doit savoir.

- Hum… La Gitane pense que l’enlèvement pourrait venir du Général. Vous en pensez quoi ?

- C’est le seul qui a quelque chose à gagner de cet enlèvement. Ça peut être lui.

- C’est la merde, si c’est ça… L’armée française n’interviendra jamais contre le Gouvernement en poste, soupiré-je, dépitée.

- Mais la Gitane va pas se gêner, elle. Et si on mobilise les médias, ça va barder pour le Général.

- Mon supérieur m’a interdit d’avertir les médias, ça ne doit pas fuiter d’ici.

- Si c’est le seul moyen de faire réagir les troupes, il faudra le faire. Il faut utiliser les armes qu’on a, sinon ça ne sert à rien de se battre.

- Vous avez raison, murmuré-je. Je vais finir en taule avec toutes ces conneries, moi.

- Ou heureuse ici avec Arthur qu’on aura sauvé de ses geôliers ! Il faut qu’on se batte. Nous, on est prêts, en tous cas.

Je soupire lourdement et me perds une fois de plus dans mes pensées. Ils ont tous un côté rêveur ici, c’est pas possible autrement. Heureuse ici, avec Arthur, je veux bien, mais sans jamais plus pouvoir rentrer dans mon pays ? Avec le risque de me faire attraper un jour ? Magnifiquement joyeux. Et ma famille, dans tout ça ? Est-ce que je suis prête à risquer tout ceci alors que je pourrais les laisser intervenir sans moi ?

- On va déjà essayer de savoir où ils sont… Et s’ils sont en vie, dis-je sans pouvoir m’empêcher de grimacer. Mais s’ils sont au Palais, il ne faudra pas non plus se précipiter. C’est une véritable forteresse.

- Si c’est au Palais, on vous aidera à y pénétrer, Julia. La Gitane connait du monde là-bas.

- Je crois que le Général vient de réveiller la Rébellion, la Gitane ne voudra pas la jouer discrète, elle va tout détruire sur son passage et devenir une vraie mère louve.

Pour la première fois depuis que j’ai compris que les Zrinkak avaient été enlevés, je peux dire que j’avance dans mes recherches, et ça fait plaisir. Enfin, plaisir est un bien grand mot. Disons que tout n’est pas perdu, et que j’entrevois une minuscule lumière au bout du tunnel. Si Arthur et Sylvia ont été kidnappés par le Général, cela signifie qu’il veut s’en servir contre Marina. Et donc, qu’ils sont en vie. J’en viens presque à espérer que ce soit le cas, même si s’introduire au Palais va être une horreur qui causera sans aucun doute ma perte. Au moins, cela certifierait qu’ils sont vivants, tous les deux.

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