91. La jumelle
Julia
J’ondule lentement sur le corps d’Arthur, pressée contre lui, sentant sa hampe tendue au creux de moi. Je crois que je ne me lasserai jamais de ces moments intimes avec lui, du plaisir de l’acte comme de la connexion qui se fait entre nous. Faire l’amour avec cet homme est un bonheur sans nom. Je touche du doigt l’apaisement ultime du corps et de l’esprit chaque fois que nous fusionnons de la sorte.
Il est tôt, Lila dort à quelques mètres de nous et je n’ai pas pu m’empêcher de réveiller mon Bûcheron pour profiter encore de tout son être. J’ai retrouvé mon homme, nous sommes en sécurité et libres de nous aimer. Je m’en fiche que les hommes sur le camp sachent que nous sommes ensemble, je n’en ai rien à faire que le Colonel me réprimande à ce sujet. Tout ce qui compte, c’est lui et moi, notre amour et cette intimité que nous avons déjà partagée à plusieurs reprises depuis notre retour au camp hier, en fin de journée.
J’accélère la cadence, le nez niché dans son cou, ses hanches qui calquent leur rythme au mien, ses mains qui se promènent sur ma peau échauffée. Je suis épuisée, lui aussi, mais rien ne peut nous empêcher de profiter l’un de l’autre. C’est viscéral, tout simplement. J’ai envie de lui, envie de vivre, envie de jouir, de savourer, encore et encore.
C’est en silence que nous gagnons la partie, partageant une nouvelle jouissance qui me sonne. Je le sens se déverser au creux de mon corps pris de spasmes, et je peine à retenir mon extase vocalement.
Arthur me serre contre lui avant de lâcher un petit rire qui fait vibrer tout son corps sous moi.
- Tu es douée pour les réveils, Julia.
- J’y peux rien, murmuré-je. On dort dans une couchette tellement étroite que j’ai passé ma nuit collée contre un corps viril qui appelle à l’orgasme. C'est ta faute, en fait.
Nous avons tous deux eu le sommeil peuplé de cauchemars, et quoi de mieux que le sexe pour apaiser l’esprit ? Cela m’a rappelé notre première fois, dans la cave de la cabane de la Gitane. C’était il y a tellement longtemps, j’ai l’impression, alors qu’en réalité, il ne s’est écoulé que quelques mois.
- Rien que ça ? Et c'est encore la même vieille histoire de l'armée qui rejette la faute sur les civils, s'amuse-t-il à me répondre.
- Non, c’est juste la femme qui rejette la faute sur son homme, Beau Bûcheron, ris-je. Et arrête de dézinguer l’armée ou je te colle de latrines.
- Ah ? C'est là que tu souhaites que je te fasse voir des étoiles la prochaine fois ?
- Y a mieux comme lieu, mais tant qu’on peut se retrouver imbriqués l’un dans l’autre, ça me va.
- C'est vrai qu'on peut faire plus romantique, mais quel que soit l'endroit où tu vas me coller, comme tu dis, sache que je n'hésiterai pas à abuser de toi !
- J’ai hâte de voir ça, Chéri-Chéri, souris-je en l’embrassant.
Arthur approfondit notre baiser et use d’ingéniosité pour nous retourner, se positionnant au-dessus de moi. Un nouveau round nous attend et mon corps n’est même pas encore calmé de l’orgasme précédent qu’il en redemande. Mon Bûcheron presse sa hampe contre mon pubis et ondule lentement en m’embrassant dans le cou, et nous sursautons tous les deux quand la voix de Snow se fait entendre à l’extérieur de la tente.
- Julia, dit-il en tapant sur la toile. Réveille-toi, t’as deux minutes pour être prête, Lieutenant.
Je soupire et Arthur tire la couverture sur nous quelques secondes à peine avant que Mathias n’entre. Il grimace en nous voyant et met la main devant ses yeux.
- Bordel, ça pue le cul ici, vous avez pas honte ?
- La ferme, bougonne Arthur, Lila dort.
- Et près de la petite, en plus ! s’indigne-t-il.
- Tu voulais la garder peut-être ? demandé-je en tâtonnant le sol près de la couchette pour trouver mes vêtements. Qu’est-ce qu’il se passe ?
- Le Colonel t’attend.
- Quoi ? Il est là ? m’affolé-je en repoussant Arthur qui manque de s’étaler.
- Oh merde, stop, là. Attendez au moins que je sois sorti. J’avais oublié à quoi ressemblait ton cul, le Bûcheron ! Le Colonel est en visio.
Je pouffe alors qu’Arthur le fusille du regard. Lila bouge dans son lit pendant que Mathias se retourne pour nous laisser un minimum d’intimité, et je me dépêche de me lever pour m’habiller. Mon corps frustré me demande de retourner au lit, mais je ne peux pas faire attendre Germain. J’espère qu’il n’a pas entendu parler de ma présence au Palais, sinon je peux dire adieu à ma carrière.
- Julia, tu t’en vas ?
Lila se frotte les yeux, assise dans son lit, et je vais m’installer à ses côtés pour la serrer dans mes bras.
- Je reviens, jolie Lila, mon chef veut me parler, c’est tout. Je reste dans le camp. D’accord ?
- Oui, d’accord, me répond-elle en baillant.
Je me lève en la gardant contre moi et vais la déposer dans le lit d’Arthur qui a enfilé son boxer bon gré, mal gré et semble vouloir achever Snow. Le sourire de Lila qui se love dans ses bras me fait chavirer, et je les embrasse tous les deux avant de sortir de la tente, accompagné de mon Lieutenant préféré.
- Tu sais que tu as le don pour débarquer au mauvais moment ? dis-je alors que nous nous dirigeons vers la grange.
- J'aime bien, moi, partager ma frustration. Mais ne t'inquiète pas, Justine va plus tarder à revenir. Food Crisis a besoin de fonds et donc de communication. Il semblerait que le responsable soit trop occupé pour faire cette partie du travail !
- Crois-moi, vu le nombre d’orgasmes que j’ai au compteur sur les douze dernières heures, tu es bien plus frustré que moi, ris-je. C’est cool si Justine revient, mais n’oublie pas que tu es le chef ici. Il va falloir éviter trop de distractions, Beau Blond.
- J'ai été formé par la meilleure des cheffes, je te rappelle. Je vais suivre ton bel exemple, se moque-t-il gentiment.
- C’est-à-dire ? Résister à la tentation ? Je doute que tu en sois capable, me moqué-je à mon tour.
- Oui, je vais résister à la tentation de me constituer prisonnier à l'ennemi juste pour un bisou de mon amoureuse !
- Tu comptes me reprocher ça toute ta vie ? Parce que je risque de vouloir l’écourter si tu deviens trop lourd, souris-je en montant les marches qui mènent à la salle des opérations.
- Tu risques de ne pas en avoir l'occasion si le Colonel te renvoie en France. J'espère pour toi qu'il n'est pas déjà au courant de tout !
Je hausse les épaules en soupirant. On verra bien, j’espère que ce n’est pas le cas, mais les dés sont déjà jetés. Je salue le militaire présent dans la pièce en arrivant et m’installe devant l’ordinateur où le visage du Colonel est déjà affiché. Je me passe la main sur le visage en voyant ma tête, et m’attache les cheveux rapidement en le saluant.
- Excusez-moi, j’étais sur le point de partir sous la douche, Colonel, je ne m’attendais pas à cette visio.
Oui, je mens effrontément. Mais comment lui expliquer que j’ai passé ma nuit à faire l’amour avec un civil ? Que je suis épuisée de ma journée de folie de la veille et que je n’ai aucune envie de devoir me justifier auprès de lui ?
- Est-ce qu’il y a un problème, Colonel ? continué-je pour changer de sujet.
- Bonjour Lieutenant. Je ne pense pas qu'il y ait de problème, non. Juste que vous deviez me faire des rapports réguliers et que je n'ai rien vu venir ces dernières heures. Snow a essayé de couvrir vos fesses mais je sens un truc louche. Dites-moi tout, Lieutenant. Je veux tous les détails !
- Mes excuses, Colonel. Il n’y a pas grand-chose à dire, en vérité. Les Rebelles ont ramené Arthur et Sylvia hier en fin de journée, après une attaque au Palais. De ce que j’ai compris, le Général est mort. La Gitane est déjà en train de faire le nécessaire pour que des élections aient lieu, elle envisage de demander de l’aide à l’ONU, je crois. Je ne sais rien de plus.
- Je sais tout ça, s'énerve-t-il. Mais vous, où étiez-vous ? Snow m'a dit que vous étiez indisposée. C'est suspect tout ça. Surtout que j'ai reçu ici au QG une invitation à me rendre à la capitale et qu'il est mentionné de venir avec, je cite, "la Lieutenant qui a tant fait pour notre pays." Tout ça est étrange, si vous voulez mon avis.
- Heu… Je ne sais pas, Colonel, mais personnellement j’étais couchée et, effectivement, plutôt mal en point, dis-je en mentant effrontément. Vous avez la chance de ne pas savoir ce que c’est que les règles douloureuses, je peux vous l’assurer !
- Ah, je vois, répond-il, gêné comme tous les mecs un peu coincés. Je compte sur vous, en tous cas, pour vous remettre au service rapidement. Et… Lieutenant ?
- Je vais mieux, Colonel, c’était l’affaire d’une journée. Je vous écoute.
- Vous regarderez les images de la télévision nationale. Vous verrez, il y a une jeune femme vêtue d'une courte robe qui sort du Palais. Elle vous ressemble étrangement. Heureusement que vous étiez au lit alors, on aurait facilement pu vous confondre toutes les deux. C'est fou ce que le destin fait bien les choses, n'est-ce pas ?
- Oh, vraiment ? Eh bien, j’ai peut-être une jumelle cachée, alors, dis-je, mal à l’aise. Je regarderai ça. Quand est-ce qu’on va au Palais, du coup ?
- Demain matin. Il semblerait qu'on nous demande de l'aide pour les élections comme vous l'avez indiqué. En tous cas, si vous croisez votre double silvanienne, vous pourrez la féliciter. Il semblerait qu'elle ait fait du bon travail pour nous débarrasser de ce Général complètement fou.
- Comptez sur moi, souris-je. J’espère pouvoir la rencontrer. Bonne journée, Colonel, et à demain.
J’ai bien compris qu’il n’était pas dupe, mais je ne m’avancerai pas à avouer que j’étais présente. En tous cas, le Colonel semble plus détendu que ces derniers mois. Je crois que, quand bien même nous ne devons pas prendre parti, la pression sur ses épaules a enfin disparu et il peut envisager une fin de mission plus calme. Comme nous tous, d’ailleurs. Je ne sais pas pourquoi la Gitane, ou le Commandant, ou je ne sais qui, a posé ces mots sur l’invitation du Colonel, toujours est-il qu’ils auraient pu me foutre dans la mouise, si mon supérieur n’était pas aussi compréhensif. Parce que clairement, j’ai de loin dépassé ma mission de base. Enfin, si on s’arrange avec la vérité, l’un dans l’autre, j’ai protégé les réfugiés en faisant ça, non ?
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