Chapitre 5 - Ce que Dieu n'a pas pu brasser

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*Ugo

Le nabot au nez rouge ne voyait pas vraiment pourquoi le magicien mettait autant de temps à venir… Il savait se téléporter, non ? Assis sur sa chaise au milieu du parking souterrain de Camden Town de Londres, il avait choisi à la fois son meilleur et pire moment pour attendre : la coupe nationale de cricket se déroulait au Stade de Stamford, donc tous les rosbeefs s’étaient tirés de là… aussi parce que Ugo avait engendré une débandade façon Black Friday sur Enfield Town. Et puis, comme il s’agissait d’un parking pour les clients, en plus de laisser une pancarte : « infestation de rats » sur chaque entrée de voiture et d’un faux mail, lancé il y a deux semaines, destiné aux gardiens pour qu’ils empêchent les allées et venues pendant quelques minutes… personne ne viendrait.

Le féru de mathématiques fit tourner un objet entre ses mains en faisant une moue désabusée ; cette chose, d’apparence plutôt étrange – une petite flasque faite de peau inconnue – lui avait permis de comprendre comment arriver à Londres en l’espace de trois minutes et cinquante-quatre secondes par l’intermédiaire d’un trou de ver miniature situé dans le troisième toilette du rez-de-chaussée en partant de la fenêtre. Pour pouvoir l’atteindre, Ugo avait dû tirer la chasse trois fois, toucher le dessin de bite et chantonner Let the world rain de Vash ; la porte avait vibré, il l’avait ouverte pour se retrouver comme prévu dans le parking, installer les pancartes et la chaise… bref, tout s’était déroulé selon ses « calculs » et grâce à cette flasque étrange.

Sauf le magicien : ce gredin était à la fois prévisible et imprévisible, parce que dès qu’il passait son vortex, les « calculs » du lutin farceur devenaient erratiques. Ce mystérieux phénomène ne lui semblait cependant pas illogique, compte tenu que le magicien était… bah, magique, quoi : la flasque et son contenu ne permettaient que de prévoir les événements liés à la Terre et aux lois de la physique unifiée. Pour le trouver, il avait dû user de quelque chose de plus sûr que des pouvoirs surnaturels… Comme une adresse postale, par exemple.

Les signes, les signes ! C’était si simple de les voir.

Ce fut avec satisfaction que le nabot entendit le grondement caractéristique d’un portail magique. Dans le doute, il fallait faire confiance à sa propre intuition.

* * *

*Mage

Synnaï sortit du vortex qui, semblable à un sourd grondement de moteur, faisait un bruit épouvantable, au point de faire trembler les dents du mage ! Il le ferma aussitôt, et inspecta alors les lieux plus en détail : il se trouvait dans un appartement miteux, plutôt vieillot, d'une superficie gigantesque. Il commença par marcher entre les piliers soutenant le plafond, et se dit que cela ressemblait vaguement à un garage de grande surface.

Soudain, il entendit un grondement plus sourd, plus profond que son portail. Il tressaillit, et se précipita vers la source du bruit. Quelle ne fut pas sa déception quand il découvrit Ugo, en train de boire dans une vieille flasque comme un biberon, qui semblait faite en peau de... Il ne savait pas quoi penser de cette matière étrange. Tout à coup, son camarade de classe le vit, et arrêta de boire. Il rota bruyamment, se gratta... l'entrejambe et s'essuya la bouche d'un revers de main. Il regardait Synnaï d'un air qui aurait pu signifier « C'est tout ? », ce qui exaspéra ce dernier au plus haut point.

Au moins, le nabot ne savait pas que « Yannis » était derrière ce masque complet. La chose qui l’intéressait surtout était de savoir comment un humain s’était procuré le contact de l’un des mages les plus influents de l’empire, et ce qu’il lui voulait. Synnaï prit la parole, confiant :

— J'espère que vous avez une bonne raison pour…

— Hé ! Ta gueule...

Le magicien, vexé, ne sut quoi répondre. L’autre enchaîna :

— Je t'ai pas fait venir ici pour faire un truc facile. Suis-moi, et fais pas d'histoire.

Synnaï ne comprit pas immédiatement l'injonction d'Ugo, mais comme celui-ci se levait pour partir, il obéit. Ils marchèrent, marchèrent sans s'arrêter, si bien que le magicien, qui n'était plus habitué à cet exercice physique, s'essoufflait, et, n'en pouvant plus, s'arrêtait régulièrement quelques instants, malgré les protestations bruyantes (et odorantes) d'Ugo. L’agacement montait sans pour autant vaincre la curiosité grandissante de Synnaï. Plusieurs heures s'écoulèrent, mais il s'acheva avant qu'ils n'arrivent devant un genre de boutique qui semblait plus que malfamé.

Son nom : Cyberdog.

L'entrée était entourée de deux géants en acier, aux casques futuristes et aux sexes indistincts, et le nom du lieu luisait grâce aux néons verts et violets qui le composaient. Ils entrèrent, une forte odeur les assaillit, ainsi qu'une musique assourdissante : du rock punk. Ma plus grande fierté… Ils continuèrent à déambuler dans ce qui semblait être un bar miteux, ou plutôt un magasin – Synnaï ne savait pas trop – car des articles, tels que des vêtements, des lunettes fluorescentes et autres accessoires insolites, se vendaient. Plus loin, ils arrivèrent dans une salle où se vendaient des "jouets pour adultes". Synnaï réprima une moue de dégoût et s'abstint de tout commentaire.

Les rayons étaient notamment fréquentés par tous types de personnes et de « non-personnes » qui n'avaient pas l'air très fréquentables. Ugo et Synnaï s'enfoncèrent plus loin dans les souterrains, allant de plus en plus profondément vers le centre de la Terre. Après quelques minutes, ils rencontrèrent un ascenseur qui les conduisit vers un couloir anormalement noir, aux murs lisses sans aucune aspérités apparentes.

Seules des lignes fragiles et grises, telles de fines nervures parcourues de luminescendes évanescentes semblables à des fées fuyardes s'enfonçaient dans cette longue gorge, comme aspirées par les ténèbres. À la fin du couloir, Synnaï vit trois portes ; Une bleue, une rouge et une noire. On avait marqué sur chacune d'entre elles : « Affaires classées », « Affaires en cours », et « Banque de données ». Lorsque Synnaï observa la porte bleue, une frayeur glacée, mordante le fit trembler. Ugo, qui l'observait, dit à voix haute, ce qui fit sursauter le mage :

— Intéressant, non ? Elle fait toujours cet effet sur le personnel du bâtiment, sauf à moi... Personne n'a jamais réussi à comprendre comment et pourquoi ça fonctionne. Maintenant, on vit avec. Viens, Je vais t'amener dans la salle de réunion.

Le mage ne répondit pas, le regard fixé sur la porte bleue. Ugo sortit un badge et le passa sur la serrure de la porte noire, qui débouchait sur un long couloir. Celui-ci était tout à fait banal : des murs peints d'une couleur unie, des caisses annotées, posées sur tout le long, des portes vitrées qui donnaient sur diverses salles de conférence, de travail, de stockage, etc... Mais Synnaï n'eut pas le temps d'en observer plus qu'Ugo l’entraînait déjà dans une grande salle de réunion pleine de personnes en train de parler.

Le plus déconcertant fut de constater le contraste entre la tenue plus que décontractée d'Ugo et celles très strictes (costard-cravates impeccables) de ceux qui semblaient être des employés de bureau. Aucun d'entre eux ne paraissaient gênés du charisme inexistant de Ugo,au contraire ils avaient l'air plutôt extasiés. Ugo se dirigea droit vers une estrade, y monta pour se surélever, parce qu'il avait bien besoin de prendre de la hauteur... Dès qu'il prit la parole, les conversations s'étiolèrent, et tous les employés se tournèrent vers lui, calepin et stylo à la main :

— Bon ben, voilà, je vous présente... Heu... Yannis. C'est quelqu'un qui arépondu à... mon tract. Du coup... Bienvenue à toi, et... voilà. Et toi là-bas ! (Un des jeunes hommes de bureau à lunettes sursauta.) On travaille sur quoi, déjà ?

— Les phénomènes paranormaux, monsieur. Nous sommes financés par la fondation SEA. Notre but est de comprendre les mystérieuses disparitions dans les différents clusters, comme ODDITY ou FREMDHEIT.

Si le premier terme ne disait rien au magicien, les deux autres lui parlaient : il s’agissait des noms de code des sites du Bugarach et du Puy de Sancy. Ce qui signifiait que cette organisation, dont le lycéen faisait partie, était financée et soutenue par l’état magique terrestre. Ça explique pas mal de choses…

— Ouais, ouais, c'est ça. En fait je te testais.

Puis Ugo se tourna vers Synnaï :

— Tu travailles avec moi sur une affaire compliquée, alors fais pas le malin,sinon j'te vire, et parfois, mon gars, je sais tout.

L’intéressé resta interdit devant cette déclaration et acquiesça. Ugo le regarda avec insistance, haussa les épaules, but une gorgée d'alcool et prit la direction d'une porte au fond de la salle. Il l'ouvrit, et, suivi du mage, s'enfonça dans une salle d'interrogatoire. Il lui présenta une chaise, lequel la prit aussitôt, et Ugo s'installa en face de lui. Il resta silencieux pendant quelques minutes, rongeant la patience déjà mince de Synnaï.

Quand enfin il prit la parole :

— T’es qui ?

— Synnaï.

— Tu viens d’où ?

— Mourn. Tyrminie.

Le lycéen au nez rouge fit la moue ; visiblement, il n’était pas assez bien renseigné pour savoir où la planète, et encore moins la région, se situaient. Il doit être tout en bas de l’échelle du département magique terrien…

— Nom de famille ?

— Nous n’en avons pas tous, l’humain.

— Pas de ça avec moi, néophyte, ou je t'arrache les couilles et je te les enfonce dans la gorge (Le menacé resta muet d'étonnement). De toutes façons, je m’en fous de savoir qui t’es : si tu sais ouvrir un portail, c’est que tu dois avoir les compétences nécessaires…. Pour t'expliquer simplement ton travail, j'ai quelques contacts au lycée qui ont remarqué qu'une des élèves de ma classe se comportait de manière étrange. Il te faudra donc découvrir ce qui se passe dans sa tête. Torture-la, massacre-la, viole-la si tu veux, mais fais-la parler, du moment que tout ça reste secret et discret.

Synnaï opina du chef, bien qu'en désaccord avec l'idée que torturer, massacrer et même violer soit la bonne solution pour mettre une personne dans la situation de « déballer son sac » de manière convenable. Il attrapa le dossier, et entreprit de sortir du Cyberdog en empruntant les chemins les moins fréquentés.

Une fois arrivé là où il avait ouvert son portail, il regarda son portable. Il était 22h48, et il devait rentrer chez lui. Mais il n'en avait pas envie et préférait être autre part, pour vomir dans un coin où personne ne le dérangerait (il n'arrivait pas à se débarrasser de la douleur de la marque ni de l'odeur d'Ugo). Il catalogua les endroits adéquats où réfléchir en toute quiétude, et se souvint du dernier qu'il avait pu dénicher ces dernières années. Il se concentra dessus, et un vortex rugissant se forma devant lui. Synnaï soupira, dépité que ce pouvoir si puissant soit aussi bruyant, et s'enfonça dans les abysses du portail.

* * *

*Ugo

La S.E.A. Société d’Études d'Anormalités. Le petit trésor d'Ugo.

Après qu'il ait trouvé la Liqueur de Vérité, comme il aimait l'appeler, il avait créé en un an une organisation de recherche paranormale qui rivalisait avec les plus grandes, notamment ODDITY ou FREMDHEIT. Plus de cent cinquante employés, un complexe souterrain ultra protégé. Des ressources financières et humaines quasi-inépuisables. À l'aide de cette fabuleuse relique, Ugo avait convaincu l’État de son efficacité grandissante. Et ce dernier avait accepté, sans regrets désormais.

Mais le véritable but de la société d'Ugo ne prit forme qu'à partir de son entrée au lycée. Là, il fit une découverte d'une ampleur titanesque, qui transforma à jamais sa vision des choses. En fait, depuis lors, il ne dormait que d'un œil, effrayé à l'idée que la nouvelle menace ne vienne l'écraser, pour lui voler sa seule particularité.

Yannis.

Oh, Yannis, un type normal, qu'il pensait être son ami souriant, blagueur et aimant les jeux vidéos. Un plébéien des plus banals. Ni un génie, ni un idiot fini. Un humain qui avait des rêves, des peurs, qui aimait, détestait.

Il n'en était rien.

À la place, Ugo avait découvert la véritable identité de Yannis : un magicien surpuissant, vieux de plusieurs millénaires, aussi connu sur sa planète comme Synnaï Hencherick, le Typhon de Typhus. Et savoir qu'une multitude de Synnaï se baladaient sur Terre, et qu'une quantité plus grande se trouvait sur une autre planète, le terrifiait au plus haut point.

Chaque jour, Ugo devait dire bonjour à Yannis, faire des checks, manger à la même table que lui en feignant de rire à ses blagues, jouer avec lui à League of Legends et l'aider à faire ses devoirs de mathématiques, alors qu'il savait pertinemment que le benêt qui se trouvait devant lui avait autant, sinon bien plus d'intelligence que lui. Un demi-dieu. Une légende. Un monde entier contenu dans un corps.

— Tu sais, avait dit un jour Ugo à Yannis, sans y penser vraiment. T'es vraiment un bon acteur.

Le regard bref qu'il lui lança en toute réponse lui avait donné la chair de poule. Bien que Yannis n'avait pas relevé la remarque comme un lapsus, lâchant son rire gêné travaillé à la perfection et son frottement de nuque caractéristique, Ugo tentait presque vainement d'arrêter de trembler. Ce type était dangereux.

Même en ayant découvert et étudié les mages de « Mourn », et leurs artéfacts, Ugo s'était rendu à l'évidence : Synnaï était unique en son genre. Il était le « meilleur » mage jamais observé, mais également le plus distant et le plus pragmatique. Cherchant toujours à aider jusqu'au bout, mais ne ressentant aucune émotion vis à vis de son patient, une machine de soin intensif aurait pu le remplacer.

Et le pire, c'est quand Ugo demanda à la Liqueur de Vérité qui était vraiment Synnaï le Mage, elle lui avait répondu :

« Il est celui qui amènera le chagrin sur le monde »

* * *

*Mage

Le mage atterrit dans une espèce de masure délabrée, à moitié rongée par les termites. Immédiatement après son arrivée, il vit des centaines d'insectes fuir à cause de la lumière et du bruit du portail. Il l'évoqua rapidement, de peur que des campeurs inopportuns ne l'entendent, ce qui l'obligerait à les supprimer. Il activa ensuite une barrière grillant tous les insectes à l'intérieur et ceux qui tenteraient de rentrer. Après quelques minutes pour vérifier l'efficacité de sa protection, il lança des sorts de Silence, d'Attrape Lumière et de Renfermé, comme ça personne ne viendrait le déranger. Il s'assit sur le sol sec et poussiéreux, invoqua une boule de lumière au-dessus de sa tête et commença à lire le dossier.

Le rapport concernait une élève de terminale (logique) qui était dans sa classe (Ugo était définitivement très chanceux). Elle avait des cheveux châtains et bouclés, le visage caractéristique des gens du Sud de la France : nez proéminent, traits un peu bourrus et yeux légèrement en amandes. Des lunettes surplombaient son nez. C'était une redoublante qui était d'humeur assez changeante, mais plutôt studieuse dans son genre. Elle avait raté son bac car, d'après elle, les sujets avaient été mal choisis par l'Éducation Nationale...

Alors qu'il procédait à une rapide analyse du faciès, des habitudes et des antécédents de la personne pour déterminer son identité, puisque curieusement son nom n'y était pas mentionné, Synnaï entendit un craquement sonore.

Il se retourna brusquement et vit, dans l'ombre fine de la lune, une silhouette mesurant au bas mot deux mètres.

Sous l'effet de la surprise, Synnaï se déplaça, ses protections se figèrent et se brisèrent. Alors la silhouette le vit, fonça sur lui, le plaqua au sol, la main sur sa bouche. Synnaï voulut se débattre ; il tenta d'incanter, mais, curieusement, aucune formule ne lui vint à l'esprit : tout semblait flou dans sa tête. Il tenta de frapper l'assaillant du poing de toutes ses forces, mais rien n'y fit : l'autre maintenait sa prise, imperturbable.

Son agresseur tirait lentement de sa botte un long poignard, luisant dans la lumière de la lune, dont le tranchant semblait chargé d'hiver. Une lueur d'effroi scintilla dans le regard de Synnaï, et il redoubla d'efforts pour combattre.

L'autre, lentement, presque avec amour, abaissa sa lame et... entreprit de découper soigneusement les vêtements de Synnaï ? Il découpait de curieuses formes, s'acharnant sur chacun de ses habits. Pour Synnaï, cela était pire que la mort !

Cet individu savait ce qui était le pire pour un mage : lui démontrer son impuissance en l'humiliant.

De rage et de dépit, Synnaï tenta d'attirer en lui la magie brute environnante...

Lorsque Synnaï ouvrit sa Porte (terme utilisé par les mages pour désigner la zone du cerveau qui convertissait l'énergie en magie), il sentit le flux le déchirer de l'intérieur, comme si il essayait de se retenir dans un torrent immense, seulement par une ficelle. Écartelé de l'intérieur, il rugit de douleur, pensant que son corps ne supporterait pas la surcharge et qu'il finirait par exploser. Au moins emporterait-il son agresseur dans sa mort.

Seulement, Synnaï avait un dernier atout pour ce genre de situations : sa Nature.

La Nature du jeune mage se manifesta, une lueur bleutée commença à l'entourer, et son agresseur commença à trembler violemment. Un éclair aveuglant surgit de Synnaï, et son bourreau fut projeté à quelques mètres plus loin. C'était brouillon, mais cela permit à Synnaï de retrouver ses esprits et de formuler un Charme de Liens Solides. Il inscrivit le plus vite possible la formule en l'air, qui s'embrasa alors qu'il l'eut activée.

L'adversaire fut soulevé du sol, les bras en croix. Des chaînes gravées de runes jaillirent de sa poitrine et l'enserrèrent de part en part. Bien qu'elles n'étaient pas serties de pointes comme l'espérait Synnaï, les runes rougeoyaient comme si elles étaient en feu. Synnaï se disait que c'était juste un effet secondaire de ce sortilège (il ne le réussissait presque jamais), mais lorsque son nouveau prisonnier gémit de douleur, il sut que ses chaînes étaient réellement incandescentes. Il agita son doigt: les runes s'éteignirent dans la seconde , obéissant à son injonction.

Synnaï s'approcha de son agresseur, et commença à l'observer d'un regard rouge de colère, malgré sa peur bleue des golems. Celui-ci portait une longue cape vert sombre assortie à la couleur des arbres, et des bottes de cuir souple bien attachées. Des brassards de peau lui enserraient les poignets et une capuche cachait ses traits. Synnaï se campa sur ses positions et lança d'une voix forte :

— Alors on fait moins le malin, quand son plan tombe à l'eau ? Je suis pas né de la dernière pluie, tu sais, et, si tu ne veux pas que je te fasse du mal, dismoi qui t'envoie et dans quel but ! Et n'espère pas me mener en bateau, sinon c'est toi qui vas couler !

Le prisonnier ne répondit pas, et ce mutisme finit par mettre Synnaï en colère ! D'habitude, ce genre d'employés de bas étage (au vu de son attirail) ne résistait pas à un interrogatoire. Yannis, furieux, s'approcha et, trop curieux de soulever cette capuche pour voir les traits de ce "muet", il ne remarqua que trop tard qu'aucun son de respiration n'émanait du ligoté... Il souleva la capuche.

Quelle erreur.

Sous cette capuche se dessina un visage inhumain, plat, sans bouches, nez ou yeux. Tout ce qu'il y avait de visible, c'était une peau blafarde couverte de tatouages aux formes complexes ; un maléfice d'une très grande puissance était gravée sur ce qui était en effet un golem, un homme d'argile animé par magie. Les tatouages s'allumèrent immédiatement, et Synnaï ne fut pas assez rapide : il tenta en vain de se baisser pour éviter le sort, mais celui-ci le toucha de plein fouet. Une lumière aveuglante envahit la masure dans laquelle ils se trouvaient, et Synnaï et le golem disparurent.

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