Chapitre 61 – Et vécurent-ils heureux...

7 minutes de lecture

Ils étaient enfin remontés dans la mine quand la terre trembla. Ugo se tint à une paroi pour ne pas tomber, et vit que ses suppositions étaient correctes : les gardes avaient libéré leurs postes, laissant les prisonniers seuls dans le désarroi d'un sort peu enviable. Déjà le plafond commençait à s'effondrer, des blocs gros comme des pastèques s'écrasant sur le sol, ou sur les plus malchanceux.

— Quelle est cette folie ? lui cria « T » tandis qu'ils essayaient de marcher en esquivant les météorites souterraines.

— Il a enfin commencé son affaire… grinça Ugo plus pour lui-même que pour répondre à sa question. Maty, Eikorna ! Allez trouver les autres de la TSB, s'impatienta-t-il avant de se tourner vers la bande de « T » : Et vous, occupez-vous du reste ! Faites les tous évacuer jusqu'à la surface ! Ça nous donnera un peu de temps en attendant…

— Qu'est-ce que tu vas faire ?

— J'ai un rendez-vous amoureux, ironisa Ugo avec un sourire teinté de folie.

Il but un peu de Liqueur, ses yeux s'illuminant sous l'effet du pouvoir, se plaça à un endroit bien particulier ; d'un coup, une explosion retentit, un geyser de Sable Noir liquide le projeta au plafond, là où une faille s'était formée.

Dans un assourdissant fracas, Ugo surgit d'un trou formé dans la cour de l'Académie, où des étudiants fuyaient dans tous les sens. Merde, pensa-t-il en courant vers l'intérieur de la grande bâtisse. Il faut que je trouve Archibald ou Éléanora ! Il évita tous les débris qui tombaient du plafond branlant, ainsi que les gerbes de jais qui jaillissaient ça et là, tentant évidemment de fondre sur lui pour l'engloutir.

Arrivé enfin au bureau d'Archibald, heureusement présent :

— Ugo ! Où étais-tu ?

— Sous terre, sourit-il avant de lui demander : Tu peux me dire où est le portail le plus proche ?

— Quoi ? Mais que vas-tu bien faire avec…

— Pas le temps de t'expliquer ! Il est où ?

—…Vas dans le bureau de l'Inquisitrice, la vitre. C'est là qu'il s'y trouve !

— Bien sûr. Elle n'aurait pas vraiment pris de tels risques sans prendre de précautions… Archi !

— Oui !

— Tu m'accompagnes, tu me protèges de toute menace jusqu'à que j'ai réussi à faire ce que j'ai à faire !

Archibald le regarda droit dans les yeux avec une confiance absolue. Un homme sûr, Ugo se promit de le remercier… S'il s'en sortait vivant. Il sortit en trombe du bureau, suivit de près par Archibald qui avait dressé une barrière incandescente, désintégrant tout débris qui tentait de les écraser.

Ils arrivèrent au bureau en un temps record, et entendirent les bruits caractéristiques des sorts de combat. Ugo ouvrit la porte, qui déboucha sur un duel de magiciens entre Isabella et…

— Éléanora ! hurla Archibald en se plaçant à ses côtés.

— Archi ! répondit-elle, son visage traversé par l'espoir. J'ai plongé dans la tête de notre Dame Inquisitrice, et j'ai découvert ses méfaits : elle veut détruire l'Académie au profit d'Orbas !

— Tu n'aurais pas dû ! cracha la concernée avec hargne tandis qu'elle projeta un éclair sur la mentaliste, mais Archibald bloqua le sort avec sa protection, avant de crier à Ugo :

— Fais-ce que tu as faire !!!

Ugo ne se fit pas prier et plongea au milieu de l'assaut magique. Isabella tenta de lui lancer des salves d'énergie mortelles, mais Archibald et Éléanora répliquèrent, annihilant ses tentatives dans un festival explosif et lumineux. Ugo atteint la vitre derrière lui, mais Isabella hurla et une vague magique repoussa ses deux adversaires. Elle se tourna vers le jeune terrien, dévastée, sa superbe perdue ; son visage conservait cette expression mauvaise, abrutie par le ressentiment accumulé durant ses longues années. Elle cracha :

— Tu ne Le vaincras pas ! Il est invincible, inévitable… Non, Il est le monde lui-même ! La transcendance incarnée inconcevable avec tes petites pensées humaines !

— Ah oui ?

Ugo avait déjà prévu son mouvement : d'un coup agile mais précis, il projeta l'encrier, précédemment posé sur le bureau, sur le visage de son ennemie, qui, aveuglée, ne pouvait plus lancer le moindre sort. Pour bien la rendre folle de rage, Ugo lui envoya un bon coup dans les ovaires.

— Tu verras que mes petites pensées vont bien finir par dépasser les grandeurs de ton putain de petit monde.

Ugo sauta dans le portail, en pensant très fortement à Yannis ; si ce qu'il avait lu était vrai, il devrait atterrir exactement à l'endroit de ses calculs. Au petit bonheur la chance ! Son corps se tordit dans tous les sens, avant qu'il n'atterrisse dans le sous-espace créé par le sortilège antique. Ugo courut jusqu'à la lumière au bout du chemin, et ressentit une sensation étrange, avant de s'écraser sur le sol devant un Yannis médusé.

— U...Ugo ?

Entendre sa voix, voir son expression, sentir sa présence… ça faillit fêler la carapace autour de son cœur, mais il la renforça. C’était pour bientôt, mais il avait encore un peu de temps. Juste un peu pour profiter de cette inflexion unique née d’une succession quasi infinie d’expériences. Il se releva tout fier, avant de sentir qu'il y avait quelque chose de nauséabonds derrière lui. Il se retourna.

— Orbas, vieux poteau ! Comment ça boume ?

L'être de légende eut d'abord un air étonné, avant de fulminer littéralement.

— Toi… Imposteur ! Comment ose-tu te présenter devant moi après tes méfaits ?

— Oh, vous savez… Je peux passer les rattrapages, nan ? Et un petit baiser pour me porter chance ?

Ugo sortit sa flasque, s'enfila une rasade et cracha le reste de la Liqueur sur Orbas : quand elle entra en contact avec la créature multimillénaire, un sifflement retentit, accompagné de fumée et de hurlements de la part de l'avatar d'Orbas, qui se tortilla en une sphère noire, incapable de prendre une forme plus complexe. Profitant de cet instant de répit, Ugo se tourna vers Yannis et lui tendit une petite chemise.

— Mets ça !

Sans hésiter, Yannis laissa le soin à celui qui l'accompagnait de transporter le blessé, et enfila le vêtement. Immédiatement, on entendit un vrombissement en émaner, et des ailes mécaniques en jaillirent en cliquetant.

— Wow !

— Une p'tite invention faite maison, sourit Ugo. Elle a une autonomie assez courte, alors utilise-la pour aller au sommet de l'Académie : là-haut il y aura assez de mages pour repousser Orbas. Il t'y suivra.

Son ami ne discuta pas, et s'apprêta à décoller :

— Et toi ?

Ugo observa Yannis : il avait changé, mais cette fois c'était dans le bon sens.

C’était pour ça que ça faisait encore plus mal.

Il sortit sa flasque et l'agita.

— T'inquiète pas pour moi. Inquiète-toi plutôt de ce type (il montra Orbas de la tête) quand tu l'auras terminados !

Son ami sourit et s'envola comme une fusée, suivi par l'avatar d'Orbas qui glissait sur le sol comme de la lave en fusion. De son côté, Ugo se détourna pour éviter de changer d’avis sous le coup de l’émotion. Il savait exactement quoi faire : il se tourna vers l'autre type, le roux, et lui demanda :

— Toi ! Donne moi le caillou, t'en as plus besoin !

Sa question était tellement étrange que l'intéressé ne rétorqua même pas. Il fouilla dans sa poche, lança la gemme à Ugo, qui s'empressa de sortir un petit triangle en métal poli de sa besace et cala le précieux artefact en son centre. La gemme s'illumina, le triangle grossit jusqu'à devenir aussi large qu'une voiture, se pencha, Ugo monta dessus et dans un bourdonnement s'élança à toute vitesse en direction de l'Académie.

Cette machine, Ugo l'avait fabriqué à l'Académie durant les nombreuses heures passées à l'Atelier des Songes, une sorte de labo pour ingénieurs ennuyés. Constituée d'ophobalérium pur, il l'avait gravé de multitudes de Runes, qui ne demandaient nulle magie, seulement un catalyseur. Le petit caillou brillait de tout son éclat tandis qu'il amplifiait la puissance de la machine.

En quelques minutes, Ugo arriva au lac. Devant lui se trouvaient une centaine de mages et magiciennes qui tentaient en vain de stopper l'avancée du Sable Noir. Des myriades d'avatars d'Orbas se formaient pour submerger les rangs, qui résistaient, serrés comme les rondins d'un radeau en pleine tempête.

Il aperçut l'Archimage qui bataillait à l'aide de fouets de pure énergie ; Ugo survola ses adversaires pour leur déverser la Liqueur, les rongeant jusqu'à la désintégration. Une fois cela fait, il se posa près de Momonoga Nao-Rhan, dont les cernes témoignaient de sa lourde fatigue.

— Je te reconnais ! commença-t-il avant de grogner de douleur.

— Ouais, je suis le gars qui va vous sauver la peau du cul, lui rétorqua Ugo avant de reprendre : C'est vous qui avez le passe ?

Le mage le regarda avec des yeux ronds.

— Comment sais-tu…

— Vous avez signé un document. Du coup, je le sais, et Ugo tendit sa main : Donnez-le moi, sinon tout le monde va clamser et ce n'est pas vraiment ce que vous voulez, hein ?

L'Archimage l'observa un instant, abasourdi par tant d'audace qu’il n’avait jamais rencontré chez un humain ; il croisa son regard, et lut quelque chose qui effaça toute trace de doute dans son esprit. D'un geste, il fit apparaître une boîte pas plus grosse qu'un dé à coudre, avant de le placer dans la main d'Ugo.

— Que comptez-vous en faire ?

Ugo mit l'objet dans sa poche, monta sur son véhicule et s'envola vers le sommet de l'Académie, en marmonnant plus pour lui-même que pour Nao-Rhan :

— Un happy-ending…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire Reydonn ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0