Chapitre 65 – Sayonara, petit poisson

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*Ludwig

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Avant que Ludwig ait pu comprendre la scène, l'explosion le balaya hors de la plate-forme. Aveugle, il pensa tomber dans le vide et cria de terreur, avant de se rendre compte qu'il était debout dans un espace qu'il avait déjà traversé : une sorte de chemin sans couleur, entouré de vide et de lumières imagées.

Le sous-espace.

Soudain, Ludwig entendit des pas derrière lui ; il se retourna, et vit « Yannis », les mains dans les poches, son sourire à la fois malicieux et mélancolique sur les lèvres. Alors qu'il n'aurait jamais eu l'intention de ce geste auparavant, il fonça vers son ami et le serra dans ses bras. Encore plus étrange, « Yannis » ne se dégagea pas, mais accepta avec joie l'embrassade de son camarade de classe. Quelque chose, pourtant, était changé en lui : la teinte de sa posture, de ce qu’il dégageait semblait changée. Après un instant, Ludwig se ressaisit et s'écarta de lui, avant de balbutier :

— Mais… Tu… L'explosion, et Maty… Comment ?

L'interrogé lâcha un petit rire triste, avant de prendre la parole avec un ton incommensurablement fataliste qui ne lui ressemblait définitivement pas :

— Tu te trouves actuellement dans mon sous-espace. Pas celui des portails, mais de mon pouvoir d'Outsider ; au bout du chemin se trouve une porte de lumière. Traverse-la, et tu seras sur Terre.

— Et les autres ?

— Ce que tu vois, expliqua « Yannis » en présentant l'espace autour de lui, c'est un espace-temps imaginaire. Chaque personne sur Mourn, hormis Orbas, est actuellement dans un même espace, en train de me parler. Je les écoute, je les console, je les laisse me matraquer. Dis-toi que je parle avec Hadrian en ce moment même, lâcha Yannis dans un rire. Du moment qu'ils s'échappent sur Terre, rien de tout cela n'est important…

Néanmoins, Ludwig sentait que son ami avait encore des choses à dire.

—…Mais ?

— Je dois t'avouer quelque chose – Ludwig resta interdit quelques instants, mais « Yannis » n'en tint pas compte – Je sais, c'est dur à croire, compte tenu de la situation ; seulement, j'ai besoin de t'en parler. Je suis un Mage.

Ludwig pouffa, mais « Yannis » resta sérieux, ce qui fit taire immédiatement son amusement.

— Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

— Je ne suis pas Yannis… Enfin, je suis « Yannis », mais en vérité, je suis un mage du nom de Synnaï Hencherick, chargé de protéger la Terre depuis Ernie Fifrelin, un choix que je ne regretterai jamais. Je vous ai menti à tous, pensant que vous cacher ma véritable identité vous protégerait des éventuels rivaux, comme un super-héros de comics, finalement… Mais j'avais tort : je vous avais sousestimé, et je m'en excuse – Ludwig s'apprêtait à prendre la parole, mais Synnaï leva son doigt – Je n'ai pas fini. J'ai une tâche à te confier. Une mission que je m'étais promis de remplir.

— Hein ?

— Je t'en conjure, Ludwig : protège la Terre et le peuple de Mourn. Fais en sorte que nos deux peuples s'entendent. N'apporte pas la paix, mais proposela, protège-la…

Soudain, Synnaï commença lentement à s'effacer. Ludwig ne comprit pas tout de suite, mais le sourire de son ami en dit long. Il tenta de l'attraper, mais Ludwig ne sentit que du vide. La dernière chose qu'il vit, c'était un sourire malicieux…

Il lâcha quelques larmes qui dévalèrent le long de ses grosses joues, mais les essuya, résigné : il devait le faire. Le Mage lui avait confié cette mission comme un maître confie sa succession à son élève, mais « Yannis » lui avait demandé un service en tant qu'ami. Ludwig se devait de devenir la personne adéquate à ce projet, car il n'aurait pas de seconde chance.

Il courut vers la lumière, abandonnant toutes les émotions qui tentaient de le submerger. Courut de toutes ses forces, et chasser ses propres rêves de vie afin qu'ils n'entravent pas sa mission. Ses pieds filèrent tel le vent pour balayer les soucis futurs, et l'élancer vers un troisième monde. Un monde qui ne serait ni la Terre qu'il connaissait, ni Mourn qu'il avait appris à connaître. Ce serait un monde plein de poésies et de magies, plein de conflits et de défis. Un monde où il serait le porte-parole, la colle de ce nouveau peuple fragile, hagard qui ne savait pas contre qui et vers qui se tourner.

Il sauta dans la lumière, et, comme l'espace qui le contenait auparavant, disparut.

* * *

*Edward

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Le skaldnjol, tranquillement assis sur le sol toujours aussi étrange du sous-espace, souriait. Pourquoi ? Parce qu'il savait. Il savait à qui appartenait ce sous-espace, ce dernier n'appartenait vraisemblablement pas à un portail ordinaire. Non, il en était sûr désormais : c'était celui du fameux Mage dont tout le monde parlait et que pourtant personne ne connaissait vraiment. Celui qui avait été remplacé par sa propre image qu’il s’était construite pendant dix-sept ans.

— Synnaï Hencherick, lâcha Edward avec un ton sardonique, tandis qu'il sentait l'odeur familière du magicien.

— Je dois dire que ça ne me surprend guère, répondit son ami de longue date en apparaissant dans la lumière. Il faut dire que tu es le genre à savoir les choses à l'avance.

— L'instinct, c'est tout, rétorqua le skaldnjol avant de se lever et de faire une embrassade au magicien.

Ils restèrent là, savourant ce moment de bromance passager, avant de s'écarter pour se regarder dans les yeux. Ceux de Synnaï étaient parcourus de veines bleues, témoins de…

— Tu nous fais le coup de l'orbasos ?

Synnaï opina tristment du chef, avant de dire :

—J’ai joué avec des forces qui n’auraient jamais dues être posées entre les mains d’un mortel, même aussi âgé et puissant que moi.

— C’est là toute la folie de ton peuple, si je puis me permettr.

Synnaï lâcha un sourire faible, et Edward sentit qu'il n'en avait plus pour longtemps. Si il était là, c'était forcément pour quelque chose.

— T'as quelque chose à me dire, n’est-ce pas ? s'enquit-il en le regardant avec un air grave.

— Oui, mais…Excuse-moi, ce n’est rien, c’est juste que m’appeler plus Synnaï, c'est… dérangeant.

Curieux… Edward vit le regret se dessiner sur les traits de son ami.

— Dis ce que tu as derrière la tête.

— Tu sais, pour Maty ?

Au son de sa voix, Edward comprit de suite. Son cœur se serra brusquement, comme sous l'effet d'un étau ; il ne lui avait pas dit « au revoir » en bonne et due forme, et en même temps… Il avait pressenti qu'elle ne jouait plus avec le feu, mais qu'elle allait y plonger. Son regard si déterminé, comme si elle connaissait l'issue de toute cette folie. Mais Kor'Al'Tain ne verserait nulle larme, car telle était son Var'ka'lain, sa voie.

Cependant, Synnaï dut remarquer que cette nouvelle l'affectait. D'ailleurs, il n'avait pas l'air d'aller bien, comme si les mots qu'il allait bientôt prononcer auraient un goût amer dans sa bouche.

— Je suis persuadée qu'elle n'aurait jamais fait cela si elle pensait que ce n'était pas nécessaire.

— Certes… Mais là n'est pas la question, n'est-ce pas ?

Synnaï inspira un bon coup, avant de reprendre :

— Pourrais-tu te charger de quelque chose de vraiment, vraiment dangereux ?

Le skaldnjol haussa les épaules.

— N’était-ce pas ce genre de choses que tu me demandais sans cesse ?

— Touché… J'ai besoin que tu retournes sur ton monde à toi.

Edward faillit lui rire au nez, mais cela aurait été aussi utile de boire le sang d’un mort.

— Tu sais Ô combien j'apprécie la compagnie des miens…

— Tu n'auras qu'à faire l'ermite. Et puis, ce que je te demande, tu ne pourras le faire que sur ton monde, et uniquement là-bas.

Le skaldnjol haussa un sourcil. Que diable ferais-je dans un monde qui me considère comme un paria ?

— Je veux que tu ressuscites Maty.

Il éclata de rire. Un rire à la fois étonné et moqueur. Ressusciter ? se dit Edward. Il veut que j'accomplisse l'acte le plus abject, le plus impossible et le plus destructeur que ma planète n'ait jamais découverte. Ses yeux plongèrent dans le regard presque noir veiné de bleu, où ne brillait que la résignation dévorante d'un homme déterminé à confier son héritage. Vaincu par tant de détermination, le skaldnjol soupira

— Tu vis vraiment pour me donner des maux de têtes… Es-tu vraiment sûr de ce que tu veux ?

— Absolument. Elle, Eikorna, toi, moi, Ludwig, Ugo et même Hadrian : nous sommes enchaînés au destin et nous devrons…

— Je t’arrête dans tes considérations prophétiques : est-ce seulement pour ça que tu es venu ?

Soudain, le visage de Synnaï fut traversé par la peine. Bien sûr que non, il n'est pas venu que pour cela… Il avait besoin d'un ami, mais aussi de quelqu'un qui le comprenne de fond en comble. Et je suis le seul qui réunisse ces deux conditions. Par tous les Sangs de mes ancêtres…Un vieux souvenir, sur une table au bord du lac. Des jeunes gens formés à l’art de la guerre, de la conquête et de la magie, plein de rêves et d’espoirs.

Tout ça pour ça, se désola Edward.

— Viens-là, lui intima-t-il en s'asseyant lui-même par terre.

Quand ils furent confortablement installés, les pieds dans le vide du sous espace, il reprit la parole :

— Tu as pensé à ta mère ? À tes sœurs ? À ta famille, quand ils apprendront ta mort ? Et surtout ton rôle dans cette histoire, car j'imagine qu'il n'y aura aucun monde où ça restera secret.

— Ils survivront, lâcha simplement le mage. Ils ont connu pire.

— Pire que de perdre un avenir qui n'a pas délivré son potentiel ? Pire qu'un fils, qu'un frère ?

— Je ne suis pas de leurs. Je ne l’ai jamais été.

— Laisse-moi rire, le railla le skaldnjol. Tu sais qu’ils t’aiment et ça te terrifie.

— Tu ne peux pas comprendre.

— Je n’ai pas besoin. Je te connais comme on lit dans un livre ouvert. Et je lis : « je veux rester. Je veux vivre. ». Blanc sur noir.

— Tu lis bien, mais est-ce une raison pour abandonner ?

— Ça , ce n’est pas écrit par contre.

— Tu sais ce que j'entends par « abandonner ».

Bien sûr qu'il le savait. Dans le cas de Synnaï, qui était un mage, on pouvait le ressusciter de manière plus simple que dans le cas de Maty, grâce à sa signature magique qui allait désormais pulluler. Mais ici, Synnaï avait fait preuve d'indiscernement en invoquant le phénomène de Bullgaiver, qui consiste à vous auto-alimenter pour l'éternité. En clair, non seulement il permettait à tout Mourn de se réfugier sur Terre (et pas seulement, les peuples assujettis reviendraient sur leurs planètes respectives), mais la prison d'Orbas ne se détruirait jamais. Le prix à payer ? Votre conscience, qui aurait pu subsister dans la magie, était convertie en énergie. Tout votre être était balayé, rien n'était recyclable.

Edward sentait une nouvelle fois son cœur se serrer, bien plus cette fois-ci. Ils restèrent là, à contempler le vide traversé de lumières timides et fuyantes, tout comme la vie de son ami. Petit à petit, il le voyait s'évaporer comme de l'azote liquide en plein air. Pas un dernier sourire. Aucune parole d'adieu.

Juste un soupir de soulagement qui se dilua en brise légère.

Avant même que les derniers restes ne disparaissent, le skaldnjol traversa la lumière.

* * *

*Kara

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Elle se réveilla en sursaut, le visage en sueur. Regardant autour d'elle, elle comprit qu'elle n'était pas au lac avec les autres mages, en train de combattre cette drôle de substance noire. Suis-je morte ? se dit-elle tandis qu'elle se relevait tant bien que mal. La douleur à son flanc lui apprit qu'elle avait une ou plusieurs côtes cassées, et les diverses brûlures sur sa peau témoignaient des projections corrosives de la substance maudite.

En observant plus attentivement les alentours, elle se rendit compte qu'elle était dans le sous-espace… Non… Je suis dans un sous-espace unique, ça se voit : il n'y a qu'une seule sortie. En effet, bien qu'il y eut un chemin, une seule porte de lumière était présente. Déterminée à savoir comment elle était arrivée là, elle commença à se diriger vers l'arcade aveuglante, quand elle entendit :

— Eh bien ! Comme d'habitude, tu fais toujours le premier pas. Non pas que ça me déplaise, cependant…

Elle se retourna, et quelque chose qu'elle n'aurait jamais cru revoir un jour apparut devant elle : « Yannis ».

— Je voulais te dire que je suis désolé, avoua-t-elle.

— Je sais.

— Je ne voulais pas en arriver là.

— Tu le devais.

—…je t’aime.

— Je t’aime aussi.

Sans prendre en compte sa douleur, elle se précipita vers lui et le serra dans ses bras. Son ex-petit ami lui rendit son câlin de manière étrange, comme si il était distant. Surprise, elle s'écarta pour le regarder. Il n'avait pas l'air du « Yannis » blagueur, du « Yannis » concentré. L'aura magique qu'il dégageait avait également prit une teinte plus claire, comme si le calme de la mer s'était incarné dans son énergie.

Et ses yeux… Ses yeux ! Emplis d'une tristesse sans fond, lointaine comme les étoiles qui peuplaient le ciel. Sans prévenir, « Yannis » resserra Kara dans ses bras, si fort qu'elle eut d'abord cru ressentir de la douleur, mais une douce chaleur se répandit dans ses membres. Des picotements coururent le long de sa peau, comme si elle frissonnait. Quand il s'écarta enfin, elle saisit : plus aucune blessure ne lui faisait mal, elle était guérie ! Ne comprenant pas comment il avait réussi cet exploit, elle balbutia :

— Mais… Tu… ?

— Oui, répondit-il à sa question hasardeuse et pourtant si claire. J'ai fait tout mon possible pour guérir tes sévices. J'espère que cela a fonctionné…

Elle déglutit, avant de murmurer :

— Pourquoi fais-tu tout ça pour moi ? N'as-tu pas un monde à sauver ?

Surpris à son tour, « Yannis » resta coi quelques instants, avant de partir dans un rire cristallin ; le même son produit par les mages quand ils rient eux-mêmes.

— Sainte mère du Sinueux ! Et moi qui croyait que ça s'arrêterait là ! pouffa-il avant de repartir de plus belle.

— Ça veut dire quoi, ça ? s'agaça Kara, croisant ses bras sur sa poitrine.

Il rit encore un moment, ajoutant dans cette atmosphère austère un quelque chose, on-ne-sait-quoi qui colorisait l'endroit d'une façon… insolite. Quand il se calma, il reprit la parole, seulement il ne sembla pas s'adresser tout de suite à son interlocutrice, le regard dans le vague :

— Mais j'espérais… Non, je savais que tu arriverais à le concevoir… (Et il se tourna vers elle :) Tu me rends plus lumineux, ma chère Kara. C'est un délice d'être aussi loin de l'obscurité.

Tout à coup, une question, à première vue absurde, vint poindre le bout de son nez sur ses lèvres :

— Qui es-tu ?

On aurait dit qu'il eut reçu un coup de massue, chargé de peine et de culpabilité. Il se frotta l'arrière du crâne, et Kara revit le gentil « Yannis », courtois et timide, qui lui en avait tant fait bavé.

— Je dois dire que je suis gêné… répondit « Yannis ». Ha ha… Pour tout te dire, j'imaginais ce moment beaucoup plus sentimental, pas comme un interrogatoire…

— Tu me connais...

Un regard de compréhension et d'affection se posa sur elle.

— Effectivement. Bon, comment amener ça…

— Tu étais un mage depuis tout ce temps, n'est-ce pas ?

Si Kara était parfois idiote, ou même bornée, jamais elle n'aurait ignoré quelque chose d'aussi important sur la personne, qui malgré les convictions qu'elle avait ingurgité de force, était la plus chère à ses yeux. C'était à la fois évident et trop douloureux à accepter. Le magicien au visage imparfait laissa échapper un sourire ironique.

— Oui, depuis le début. Mais je n'étais pas au courant… Enfin, personne ne l'était à partir de ce fameux jour, ce jour où tout a basculé pour ce pauvre « Yannis »… Enfin, il est moi et je suis lui, c'est certain. Mais nos deux existences ont divergé jusqu'à maintenant. Désormais rejointes, elles essayent de trouver un compromis sans se battre.

— Comment tu t'appelais, avant ?

— Synnaï Hencherick.

Le Typhon Mournien de l'Empire. L'Excavateur des Premiers Nés. Le Puits de Connaissances. Le Briseur de Chaînes. Et tant d'autres ! Tant de noms pour parler d'un seul être, qui a vécu il y a si longtemps par rapport à ma petite existence. C'est grâce à lui si des milliers, non… des millions de gens ne sont pas morts. Une légende vivante, que j'ai admiré petite quand j'étais encore qu'un Cycle Zéro à l'Académie. Elle se tient devant moi, timide et gênée. J'ai un petit ami légendaire ! À cette pensée loufoque, Kara s’esclaffa.

— Tout va bien ?

— Oui, oui… Ouf ! On peut dire que ça fait beaucoup à encaisser, comme révélation.

— J'ai vraiment laissé un tel désordre derrière moi ?

Elle opina de la tête, ce qui le fit soupirer de dépit. Aussi s'élança-t-elle vers lui pour l'enlacer, encore. Sentir sa chaleur, ce besoin vital de le sentir auprès d'elle. Comme si, d'un instant à l'autre, il allait s'effacer.

Petit à petit, elle sentit qu'il y eut de moins de résistance. Elle s'écarta.

Il était vraiment en train de s'effacer !

— Haaa… On dirait que le moment est venu… Désolé, je ne t'ai pas prévenu de la suite. Hé hé, mauvaise habitude…

— Quoi ?

Mais au fond d'elle, elle connaissait déjà la réponse.

— Le sortilège a besoin de mon essence d'Outsider pour être maintenu. Ainsi, je disparaîtrais quand il sera finalisé.

— Mais… Mais je n’ai pas eu le temps de dire pourquoi ! Pourquoi on ne pouvait plus… C'est pas juste ! s'époumona Kara, sentant les larmes envahir ses yeux.

— Oh, mais la Justice ne se soucie pas de ce qui est bon ou mauvais. Elle ne se soucie que du résultat, quelqu'en soit le prix.

Pendant qu'il s'effaçait de plus en plus, il l'attrapa de ses bras puissants pour la forcer à le regarder dans ses yeux.

— Kara… Promets-moi de m'oublier, tu veux ? Et dis bonjour à Jinn et aux autres de ma part ! Demande-leur d'essayer le restaurant du…

Et il disparut pour de bon.

Dégoulinante de tristesse, elle s'essuya les yeux et renifla. J'ai l'air pitoyable, pensa-t-elle, avant de se rendre compte que quelque chose reposait dans sa main : une grosse chaussure, marron, sur mesure. Son dernier souvenir… Elle serra ce trésor contre elle, ressentant les derniers relents de l'existence du plus grand emmerdeur de tous les temps. Comment je pourrais oublier une telle tornade ? Auparavant, c'était le souk dans sa maison. Maintenant, c'était un désordre sans nom. Elle prendrait le temps de ranger. Elle prendrait le temps pour fermer les fissures. Sans prendre ni demander les restes, elle fendit la lumière.

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