La loi du soir
- Putain de Merde, c'est quoi ce bordel ?
Ouais, l'employé de l'ONG[1] pouvait tout dire, sauf que la grotte fut rangée : des rochers fendus, le sol tagué, les arbustres éventrés, des dessins partout. Ce n'était même pas un vandalisme, c'était l'état après une grosse boom qu'ils organisaient, ces cons, chaque année. Une boom qui se formait ici, et qui se terminait à l'autre bout de Helmisain, ce bled seulement connu pour ses grottes à la façon Lascaux.
- Ta gueule, Boris, t'as qu'à t'occuper du sous sol, je vais fouiller un peu ici.
"Comment veux-tu, avec tout ce bazar ? Mon vieux, tu veux la mort !!"
Boris. Son nom bel et bien bordélique, un nom de dégénéré et de petit poupon dans sa poussette insalubre. Boris se calma, il soupira exagéremment et se laissa porter par la raide descente menant aux plainthes de la grotte. Damien était son collègue brut. Il était blond, azimut et surtout assez téméraire pour un mec du Nord. Il n'aimait pas beaucoup ce mec, Boris Loubiant, mais que faire quand l'ONG vous engage après deux ans de chômage chez sa mère à Paris, l'endroit des cools et des mauvais. Damien fit deux pas vers le rocher fendu. C'était une belle décoration, si belle dans son décor artistique, mais si mauvaise dans cette grotte. Le rocher avait été coupé sur des mètres de profondeur et les quelques pierres qui l'enveloppaient étaient éparpillées dans les recoins obscurs du centre. Bordel de Dieu, on fait quoi ici, la fête de Jason ? Tout luisait, saillait, semblait s'oublier dans les catacombes obscures de la grotte. Putain, mais quelle grossièreté. Et que dirait le patron Guillemet le lendemain, en voyant deux équipes de nettoyage devant ce désordre infâme. Décidement, ce n'était pas une bonne vie qui se lisait devant Damien. A peine se fût-il penché qu'il sut qu'il ne serait plus jamais rieur. Désolé, c'est juste des grands mots ! Mais Merde, quoi, faut juste voir ce bordel ! C'est à en rompre un malade du ménage ! Soudain, il entendit un cri déchirant dans l'air. Le genre à couper le souffle. Merde, Boris, tu fais quoi encore ? Puis plus rien. Le néant enveloppa la pièce d'une terrifiante ambiance. C'était comme si Damien mourrait lentement. Il sentit un long courant glacé lui parcourir le dos, et il en avala sa salive. Il n'eut juste qu'un peu de parole sensée pour dire :
- B-Boris ?
Rien. Le silence. Boris n'était pas là, il s'était juste égaré dans le monde des morts. Damien fit quelques pas en direction de la pénombre, s'engouffrant dans les plinthes de la grotte. Il faisait noir mais on distinguait à peine un long débouchement d'où coulait un liquide âcre et poisseux. Le liquide se lisait à des kilomètres de profondeur. Jusqu'à ce que le corps impétueux de de Damien se stoppa. La bouche béante, il ne l'ouvrit que pour crier à l'aide. La tête de Boris était dans un angle bizarre, et formait un V dans le cou. La carotide avait explosée et le sang giclait sur tout le sol, répandant son liquide poisseux et âcre sur tout le granit. C'a resterait, c'a se craquèlerait, c'a s'émietterait. Pourquoi Boris ? La réponse serait vite répondue à quelques mètres plus loin, un regard perçant l'obscurité. Il fallait continuer, pour l'homme. Damien actionna la lampe torche de Boris qui avait roulée dans un coin lors de sa chute. Il lui restait encore deux piles. L'oblique ampoule faisait une lueur massacrante dans ce noir encombrant. Pendant 500 mètres encore, du sang et du granit sombre. Pas la trace d'un seul puéril tueur. Mais quand Damien s'arrêta dans un cul de sac au bout d'un kilomètre, il entendit un bruit énorme, un gros cri d'effroi. Le même que Boris. Tombé sur lui-même, Damien examina le mur devant lui. Des inscriptions gravées, une grande fendure dans le mur et aussi un message très peu rassurant :
"Je vis au jour la nuit, je vis le soleil quand la vie s'éparpilla. Et je nuis comme je meurs le jour..."
- BORRRIIISSS !!!!! BORRRIIISSS !!!! Merde, c'est quoi ce putain de message ?
Il lis et relis le message mais pas une seule relecture ne put changer une seule chose : Boris avait été tué par un fanatique de la religion, ancré lui-même dans ce sous-sol inquiétant.
"Je vais contacter le 112 ou la Police chargée de la sécu nationale et je vais nous sauver, Boris. Tu m'entends ? Je vais nous sauver de ce merdier !", se promit intérieurement Damien en reculant.
Mais son dos frôla une chose infâme, quelque chose d'humide et de gluant. Une peau morte, quelque chose de détruit. Ce qu'on trouve dans les baignoires millénaires, ou dans les lacs gelés. Des noyés, des monstres défunts. Damien hurla. Mais il ne put rien dire : son cou bientôt se serra, aucun souffle ne sortit de sa bouche béante, il s'étouffa dans son silence de mort. Et l'aura du noyé s'éloigna, faisant briser sa nouvelle victime : la nuit froide...
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