Chapitre 2 : La Chute des Fondateurs et la fin de l'Âge du Vide
Alors que Dieu entamait son odyssée de retour pour accomplir son destin, Lohizune et Orphis étaient, quant à eux, toujours occupés à se divertir en observant leurs enfants s’affronter. Les fondateurs étaient bien loin de se douter que celui qu’ils croyaient disparu allait bientôt revenir et remettre en cause leur suprématie. Ils étaient complètement accaparés par la façon dont leurs héritiers changeaient l’univers en s’affrontant, transformant à jamais le visage des planètes stériles que leurs parents avaient créées en déchainant leurs pouvoirs. Ces mondes hostiles se couvrirent alors d’éléments primordiaux invoqués par ces nouvelles divinités : glaces éternelles, flammes ardentes, cristaux et tempêtes toxiques fleurirent ainsi de manière chaotique et incontrôlée sur chacune d’entre elles. Dans le même temps, ces planètes se retrouvèrent soumises à de nouveaux phénomènes qui allaient régir l’ordre de l’univers : gravité et vibration, passage du temps, corruption élémentaire…
L’univers se colora peu à peu d’une diversité unique et jamais vue jusqu’alors. Chaque planète devenait un véritable joyau à nul autre pareil : en effet, conquise par divers éléments mais également affectée différemment par les lois physiques de l’univers, aucune ne ressemblait aux autres.
Orphis et Lohizune étaient hypnotisés par ce spectacle. Car, sous leurs yeux ébahis, l’univers figé qu’ils avaient toujours connu entrait à présent en mouvement. Sous l’impulsion de leurs héritiers qui s’affrontaient, les planètes et les étoiles inertes, créées précédemment par eux-mêmes, se mirent en mouvement pour graviter les unes autour des autres dans l’immensité de l’univers. La valse cosmique venait de commencer.
Cependant, quand bien même celles-ci avaient ainsi acquis leur propre écosystème et leur propre orbite, il leur manquait un élément fondamental pour parachever leur évolution : l’étincelle de la vie. Et si ces mondes avaient désormais leur identité, aucun n’était suffisament stable pour accueillir quelque chose d’aussi délicat que la vie. Autant les éléments déchainés que les lois universelles, s’appliquant arbitrairement à chaque corps céleste, les rendaient inhabitables pour quiconque, à l’exception bien sûr des divinités immortelles qui les précédaient. L’univers était entré dans une période mouvementée que l’on pourrait qualifier de chaos ordonné ou d’ordre chaotique : les règles physiques et les éléments primordiaux sur lesquels se construira notre futur étaient bien là, mais dans une structure anarchique qui l’empêchait d’évoluer de lui-même. Il manquait à l’univers un esprit créatif capable de dessiner dans cette toile colorée un tableau cohérent qui permettrait à la vie d’apparaitre et de prospérer, indépendamment des actions des divinités primordiales.
Au cours de son voyage, le Créateur observa également l’évolution de l’univers autour de lui… et cet équilibre anarchique où Chaos et Ordre se bousculaient lui déplût. Les observations de ces nouveaux phénomènes plantèrent cependant dans son esprit fertile les graines de notre monde à venir. Dieu commençait déjà à avoir une idée précise de la manière dont il comptait façonner l’univers, son univers, une fois qu’il s’en serait rendu maitre.
Mais il lui restait encore cependant à se débarrasser de ceux qui occupaient le trône suprême.
Dieu finit par sentir la fin de son périple se dessiner lorsque l’aura des divins fondateurs lui parut plus proche que jamais. Il ne désirait cependant pas apparaitre devant eux par surprise, jugeant qu’une telle supercherie serait indigne du défi qu’il souhaitait relever. Le Créateur fit alors à nouveau appel à ses pouvoirs pour créer une étoile si pure, si puissante et si éclatante, qu’elle semblait éclairer l’univers tout entier.
Bien entendu les autre divinités, Orphis et Lohizune les premiers, ne manquèrent pas de remarquer la puissance de ce nouvel astre et de voir dans sa création la main du rebelle qu’ils pensaient disparu à jamais. Le défi lancé par Dieu était clair. Intrigués, mais ne se sentant pas encore menacés (car jusqu’alors rien n’avait réussi à ébranler leur suprématie), les fondateurs virent là une nouvelle occasion de se divertir. Curieux de tester la puissance du Créateur qu’ils n’avaient jamais vu combattre, ils lui envoyèrent deux de leurs enfants : le Purificateur et futur Roi-Démon ainsi que l’Empereur-Dragon Ecarlate. Endurcis par les combats incessants auxquels ils avaient dû prendre part, les deux divinités n’hésitèrent pas une seule seconde à se jeter sur Dieu dès qu’ils l’aperçurent.
Ce dernier les attendait de pied ferme. Au début de leur affrontement cependant, le Créateur eut du mal à repousser les assauts de ses deux adversaires. Il n’avait pas comme eux, l’expérience du combat et, du reste, sa Magie de la Création ne semblait pas taillée pour l’affrontement. Mais il avait, contrairement à eux, une capacité d’apprentissage extraordinaire. Ainsi Dieu ne tarda pas à cerner les pouvoirs de ses deux adversaires, mieux même que leurs propres utilisateurs. Il analysa donc leurs forces et leurs faiblesses… puis s’en servit pour riposter.
Grâce à sa magie, le Créateur put non seulement copier les pouvoirs de ses adversaires, mais il fut également capable de les surpasser en créant les armes capables de les terrasser. Il noya ainsi le feu primordial de l’Ecarlate sous un océan d’eau et de glace, puis piégea le futur Satan dans un trou noir qui absorbait ses flammes noires purificatrices.
Dieu venait de vaincre ses deux premiers adversaires et ce faisant, il avait gravi les premières marches qui le mèneraient au sommet.
L’intérêt de Lohizune et d’Orphis pour ce jeune dieu s’accrut. Ils lui envoyèrent alors deux nouveaux adversaires, puis deux autres, et ainsi de suite, alliant chaque fois un enfant du Chaos et un enfant de l’Ordre.
Face à chaque nouveau couple de divinités venues le défier, Dieu apprit, s’adapta, et sortit invariablement victorieux. Chaque duel était pour lui une occasion d’évoluer afin d’atteindre de nouveaux sommets. Ses pairs divins étant bien entendus aussi immortels que lui, Dieu ne pouvait donc les éradiquer définitivement de ce monde. Il n’en avait pas, du reste, l’envie, comprenant bien qu’ils avaient été forcés de s’opposer à lui ainsi à cause des fondateurs. Mais grâce à ses pouvoirs et à sa créativité, il réussit à vaincre chacun d’entre eux : il emprisonna certains dans des astres, en neutralisa d’autres grâce aux lois universelles qu’il plia à sa volonté, et balaya les derniers avec sa puissance.
Au fil de ces affrontements et grâce à sa magie, il acquit ainsi une maitrise parfaite des éléments et des lois que ses adversaires divins représentaient, qu’il avait copiés et faits siens. Cette expérience, arrachée lors de chaque bataille de cette guerre céleste qu’il menait aux fondateurs, lui permit de gravir petit à petit le sommet de la hiérarchie divine jusqu’à atteindre Lohizune et Orphis.
Ces derniers lui envoyèrent alors le dernier de leurs enfants : l’Empereur-Dragon Noir, le septième descendant d’Orphis et le seul qui, faute de binôme divin, n’avait pas encore combattu. Le Dragon Noir partit donc se confronter à Dieu. Toutefois, devant le Créateur, doute, peur et colère l’assaillirent : doute, face à cet adversaire qui avait défait les douze autres divinités à lui tout seul ; peur, à l’idée de subir le même sort des mains de Dieu ; colère enfin, contre les fondateurs qui l’avaient forcé à se battre pour leur propre divertissement. Affecté par ce sentiment de révolte qui grandissait en lui, l’Empereur-Dragon réalisa donc le second acte de rébellion de l’univers en choisissant de s’allier à Dieu plutôt que de le combattre, défiant ainsi à son tour les deux fondateurs.
C’était la deuxième fois de toute leur éternité que Lohizune et Orphis étaient défiés. Ulcérés par cette nouvelle impertinence, ces derniers décidèrent que le divertissement avait assez duré. Ils fondirent alors sur les deux rebelles, déterminés à écraser définitivement toute velléité de rébellion. En un éclair, les fondateurs balayèrent l’Empereur-Dragon Noir qui avait courageusement, mais bien naïvement, décidé de s’opposer à eux de front. Cette première menace écrasée, ils se concentrèrent sur le Créateur qui avait osé revenir les défier à nouveau.
Vous en conviendrez certainement chers lecteurs, l’erreur d’Orphis et de Lohizune fut de sous-estimer la menace que représentait Dieu à leur encontre. Ils pensaient, du haut de leur suprématie jusqu’alors incontestée, que le jeune Créateur, quoique certes intéressant, était bien trop faible pour représenter une réelle menace. Mais en lui envoyant une succession d’adversaires, pourtant aguerris par leurs guerres fratricides, pour faire durer leur divertissement, ils lui avaient permis de gagner non seulement en expérience mais surtout en puissance. Par conséquent, au moment d’affronter les fondateurs, Dieu était prêt.
Leur combat fut le second plus grand déchainement d’énergie que l’univers eut connu depuis que Lohizune et Orphis s’étaient affronté dans une guerre aussi dévastatrice qu’équilibrée, les deux divinités fondatrices étant à armes égales. Face à Dieu en revanche, l’écart de puissance penchait clairement en faveur des fondateurs. Ces derniers, encore une fois, n’avaient en termes de puissance pas d’égaux, sinon eux-mêmes. L’issue du combat, considérée d’un point de vue strictement réaliste, ne laissait aucun doute. Qui pourrait en effet résister à la Déesse de l’Ordre et au Dragon du Chaos, lorsque ces deux titans capables de remodeler l’univers décidaient de faire cause commune ?
Et pourtant.
Ils s’étaient confrontés l’un à l’autre, mais jamais ils n’avaient affronté un adversaire tel que Dieu : quelqu’un qui questionnait toujours sa propre puissance, et apprenait de ses échecs pour atteindre de nouveaux sommets. Or contrairement à lui, Orphis et Lohizune n’avaient jamais pris ne serait-ce que la peine de cultiver leurs pouvoirs. Pour balayer toute opposition, ils se servaient uniquement de leur puissance brute, titanesque certes, mais affreusement rudimentaire. Jamais ils n’avaient été confrontés à un défi les forçant à se dépasser : ils étaient nés au sommet de la hiérarchie divine, et pendant des millénaires y étaient demeurés sans conteste. En conséquence de quoi, ils n’étaient pas prêts à affronter un adversaire tel que Dieu qui s’était forgé dans l’adversité sa propre voie vers le sommet.
Assailli par la puissance des maitres de l’univers, le Créateur non seulement ne plia pas, mais se permit même de contrattaquer. Grâce à son expérience et sa maitrise si chèrement acquise, il esquiva les assauts mortels mais prévisibles de ses adversaires, tout en ripostant à son tour. Aucune attaque des fondateurs ne put l’atteindre alors que les siennes touchaient toujours leur cible. Pire, aveuglés par l’ire suscitée par cet adversaire qui se jouait de leurs efforts avec légèreté, Lohizune et Orphis se gênaient mutuellement en essayant d’écraser le Créateur. Ils réduisirent en vain des galaxies entières en poussière dans leur fureur destructrice car ils étaient incapables de coopérer efficacement pour parvenir à éliminer leur adversaire. Rien n’était cependant gagné pour le Créateur. Ses attaques n’étaient en effet pas assez puissantes pour blesser les fondateurs, tout justes suffisantes pour les irriter.
Il comprenait bien que si ses assaillants s’avéraient impuissants à l’atteindre, lui-même n’était pas non plus capable de leur infliger le moindre dégât. Or si cet équilibre devait perdurer, le combat pour la suprématie risquait, comme celui d’Orphis et Lohizune avant lui, de se transformer en un statu quo éternel. Seul un fondateur pouvait en blesser un autre et cela, Dieu en avait bien conscience. Il résolut alors de briser cet équilibre en révisant sa stratégie.
Avec discipline et subtilité, Dieu imposa petit à petit son rythme dans ce combat galactique, forçant ses deux adversaires à s’opposer constamment dans leurs efforts pour le détruire, et retournant leurs faiblesses contre eux. Aveuglés par leur rage qui augmentait au fur et à mesure que Dieu leur résistait, Orphis et Lohizune finirent par se considérer réciproquement comme une nuisance qui les empêchait de venir à bout de leur adversaire. En conséquence, la fragile entente instaurée entre la Déesse de l’Ordre et le Dragon du Chaos vola en éclats, l’hostilité naturelle qui les liait reprenant ainsi aisément le dessus. Orphis et Lohizune s’entredéchirèrent à nouveau avec autant d’acharnement qu’ils tentaient d’éliminer Dieu. Forcément, ce qui était arrivé auparavant devait se répéter. Dans leur fureur, ils se blessèrent mutuellement et un peu de leur sang divin s’écoula dans l’univers.
C’est l’instant qui scella leur destin.
Dieu saisit aussitôt sa chance et récupéra les gouttes du sang versé par les fondateurs. Il utilisa sa Magie de la Création pour forger à partir du sang d’Orphis et de Lohizune quelque chose d’inconnu jusqu’alors. L’univers trembla tandis que Dieu, puisant dans l’énergie infinie de l’étoile divine qu’il avait créée pour défier les fondateurs, mobilisait toute sa puissance et son savoir pour concevoir ce qui allait lui assurer la victoire : un artefact forgé au cœur de l’étoile la plus pure de l’univers, né du Chaos et de l’Ordre liés ensemble par le pouvoir de Création. Sa fabrication fut si laborieuse que l’énergie pourtant réputée infinie de l’immense étoile faillit s’épuiser. Elle survécut, mais très affaiblie, et sa lumière n’atteignit plus jamais les confins de l’univers.
Perturbé par ce déchainement d’énergie sans précédent, Orphis et Lohizune cessèrent de se battre pour chercher leur ennemi. Lorsque Dieu émergea de l’astre divin pour faire face une nouvelle fois aux fondateurs, il tenait dans sa main l’instrument de sa réussite : l’enfant « bâtard » des essences divines d’Orphis et de Lohizune, unies par le pouvoir et l’imagination de Dieu. La Première Arme.
Dans le futur, on lui donnera beaucoup de noms, dont certains que vous, chers lecteurs, reconnaitrez surement : la Sainte Lance, le Sceptre de Création, la Longinus… Mais son véritable nom est celui que son créateur lui donna quand il acheva de la forger :
Hasiera, la Lance du Commencement.
Lohizune et Orphis sentirent instinctivement que cette arme était dangereuse. Née de leurs propres sangs mélangés, Hasiera possédait en effet une puissance égale à celle des fondateurs. La lance leur était même supérieure, car elle représentait ce qu’ils n’avaient jamais réussi à accomplir et ne pourraient jamais être : Chaos et Ordre unis par l’ingéniosité du Créateur au service d’une même cause… celle de Dieu. Je pense pouvoir affirmer, chers lecteurs, qu’aucune arme plus puissante n’a jamais été et ne sera jamais forgée. De ce fait, Hasiera était capable de blesser ses parents involontaires.
L’existence de cette lance convainquit enfin les deux éternels rivaux de faire front commun une fois de plus contre Dieu, avec l’intention d’éliminer définitivement le Créateur afin qu’il ne puisse menacer leur suprématie de nouveau.
Hélas pour eux et heureusement pour nous chers lecteurs, il était déjà trop tard…
Armé d’Hasiera, Dieu ne se contenta pas cette fois d’esquiver ou de détourner les assauts des fondateurs. Il leur fit face sans crainte, confrontant Hasiera à leur puissance pour bloquer leurs attaques, puis riposter à son tour. Et là où la magie de Dieu avait initialement échoué, la Sainte Lance triompha. Entre les mains de son créateur, Hasiera blessa le Dragon du Chaos et la Déesse de l’Ordre, leur infligeant une douleur profonde, rendue encore plus vive par l’incrédulité qu’éprouvaient les fondateurs à se voir ainsi malmenés par une divinité qu’ils pensaient inférieure en tous points. Chacun de leurs assauts se brisait irrémédiablement sur l’impénétrable défense de Dieu, et il s’ensuivait presque aussitôt une riposte foudroyante de sa part qui balayaient les fondateurs. Incapables de s’avouer vaincus mais incapables également de triompher, Orphis et Lohizune poursuivirent inlassablement leurs efforts.
En vain.
Et c’est ainsi que finalement, au bout d’un affrontement titanesque qui dura une éternité, Dieu disciplina le Chaos et bouleversa l’Ordre, mettant à mal les deux divinités fondatrices. Le Créateur savait toutefois que malgré la puissance de sa lance, il ne pouvait éliminer définitivement les fondateurs, qui demeuraient trop puissants pour disparaitre. Mais il pouvait cependant s’assurer qu’ils ne puissent plus jamais revenir le défier.
Alors qu’Orphis et Lohizune étaient au plus mal, Dieu saisit sa chance. En concentrant le pouvoir d’Hasiera, puis en mobilisant toute sa puissance et le savoir cultivé au fil de son périple vers le sommet, le Créateur réécrivit les règles de notre univers. Ce faisant, il coupa pour ainsi dire l’univers en deux réalités distinctes : l’une fondée sur un équilibre perpétuel que Dieu entendait façonner à son image, et où les deux extrêmes (le Chaos d’Orphis et l’Ordre de Lohizune) n’avaient pas leur place. L’autre était une réalité infinie et désespérément vide, telle qu’était l’univers avant l’étincelle qui donna vie aux fondateurs : une dimension figée où le temps, l’espace, le Chaos et l’Ordre n’avaient aucune prise. C’est dans cette réalité que Dieu, mobilisant ses ultimes forces, bannit Orphis et Lohizune après que les fondateurs se fussent jetés une énième fois sur lui avec rage et désespoir. Il referma ensuite la brèche entre les deux univers qui ne devaient plus jamais se réunir de nouveau. Cet évènement, qui marque la fin du combat pour la suprématie de l’univers, sera sommairement appelé bien plus tard la Chute des Fondateurs.
A partir de là, et ce pour des raisons évidentes chers lecteurs, il est difficile d’évaluer ce qu’il advint ensuite des dieux fondateurs. Toutefois, nous pouvons, à partir des quelques éléments dont nous disposons, émettre quelques suppositions cohérentes.
Ils étaient, pour ainsi dire, libres de leurs mouvements, dans la même position ou presque qu’au début de leur existence : avec, pour eux seuls, un univers infini mais désespérément vide. Pour Orphis et Lohizune, qui avaient passé leur éternité à chercher comment tromper leur ennui, ce châtiment était pire que la mort. Néanmoins, ils n’allaient pas cette fois se contenter de passer l’éternité dans le vide. Les blessures infligées par Dieu disparurent bien vite, mais la dernière, bien plus profonde, devait demeurer jusqu’à ce jour : l’humiliation d’avoir été évincés par le Créateur. La rage d’avoir été vaincus, non pas par un adversaire plus puissant qu’eux, mais plus intelligent, alimenta leur désir de vengeance. Et dans leur nouvelle dimension vide, les deux fondateurs allaient très probablement passer les prochains millénaires de leur éternité à chercher un moyen de retourner dans l’univers originel afin de prendre leur revanche sur Dieu pour laver leur honneur outragé. Difficile cependant de passer d’une dimension à une autre, quand il n’existe aucune frontière tangible entre les deux univers : il n’existe, en effet, aucune porte à forcer qui permettrait à Orphis et Lohizune de rejoindre notre réalité, grâce au ciel pour notre monde…
Nous sommes toutefois en mesure d’affirmer que bien qu’ils soient séparés de notre univers par une barrière interdimensionnelle infranchissable, les dieux fondateurs ont tout de même réussi à établir certains contacts avec notre monde. J’en veux pour preuve, par exemple, l’existence du Culte de la Déesse ayant engendré les sorcières, ces femmes humaines qui ont entendu la voix de Lohizune et qui ont, par un obscur rituel de sorcellerie, obtenu de la Déesse leur immortalité et leur pouvoir. En échange de ces dons, les sorcières se dévouent corps et âmes à Lohizune. Elles œuvrent ainsi dans notre univers pour accomplir la volonté de leur maitresse afin de rendre possible son retour. Mais j’aurai l’occasion, chers lecteurs, de revenir sur le Culte plus tard.
Ainsi donc s’acheva, suite à la chute d’Orphis et de Lohizune, le combat pour la suprématie et, avec lui, l’Ere du Vide. Dieu, armé d’Hasiera, venait de défaire les anciens maitres de l’univers et s’était adjugé le trône divin pour lui-même. Sans rivaux pour le défier, le Créateur était enfin libre de façonner l’univers à son image.
Nous entrons à présent dans l’Âge d’Or, qui commence avec la création de notre monde tel que nous le connaissons aujourd’hui. Cet évènement sera appelé bien plus tard la Genèse.
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