Chapitre 3 : La Genèse, à l’aube de l’Âge d’Or
Après la Chute des Fondateurs, Dieu se retrouva donc le maitre incontesté de l’univers. Mais il n’eut pas le temps de se reposer sur ses lauriers. La faille par laquelle il avait envoyé Lohizune et Orphis vers une autre dimension avait été scellée. Néanmoins il n’était pas exclu que les fondateurs fussent capables d’en rouvrir une autre. Car le pouvoir d’Hasiera avec laquelle Dieu avait réalisé cette prouesse lui venait en effet du sang versé par les divinités du Chaos et de l’Ordre. Il était donc tout à fait concevable que Lohizune et Orphis puissent réussir, en combinant leurs pouvoirs, à revenir dans cette dimension.
Dieu ne pouvait le permettre, car connaissant la puissance cosmique et la nature rancunière de ses rivaux fondateurs, leur retour signifierait un combat dont les conséquences entraineraient inévitablement la destruction de tout ce qu’il pourrait construire. Il devait s’assurer que cela n’arriverait pas. Le Créateur utilisa donc le pouvoir d’Hasiera une nouvelle fois, pliant Chaos et Ordre à sa volonté. Il créa une nouvelle règle universelle pour exclure jusqu’à l’essence même des fondateurs les principes qu’ils représentaient dans notre réalité, condamnant ainsi Orphis et Lohizune à l’exil éternel. En agissant de la sorte, Dieu avait gravé dans la trame même de notre univers une loi immuable, qui déniait aux fondateurs jusqu’au droit d’exister dans notre monde. C’était en quelque sorte, le cadenas que Dieu apposa sur la porte inter dimensionnelle entre notre dimension et celle des fondateurs afin de s’assurer que leur retour serait impossible.
Toutefois (et c’est un principe qui ne souffre d’aucune exception), l’équilibre de l’univers est absolu. Et, comme chaque action avait des conséquences, ou toute fortune entrainait l’infortune, une telle loi exigeait forcément une contrepartie de taille, sans laquelle cette règle universelle serait dénuée de sens et ne pourrait fonctionner efficacement. Or, pour un tel enjeu, il fallait un sacrifice conséquent pour équilibrer la balance cosmique.
Dieu décida donc de renoncer à son esprit guerrier et au pouvoir d’Hasiera en échange de l’éviction totale d’Orphis et Lohizune. Pour honorer son vœu, il plaça la Lance du Commencement au centre de l’étoile infinie qu’il avait créée, renonçant à l’ultime pouvoir et scellant ainsi la loi sacrée. Dieu était donc tenu à sa parole, car retirer la lance eût signifié affaiblir le cadenas inter dimensionnel qu’il avait lui-même conçu pour empêcher les fondateurs de revenir menacer notre univers. Le Créateur estimait toutefois que si ses deux rivaux ne devaient plus jamais revenir dans ce monde, il n’aurait plus jamais besoin d’Hasiera ou de se battre. Le pouvoir suprême ou faire la guerre ne l’intéressaient pas, et il ne s’était résolu à utiliser l’un et l’autre que pour atteindre son propre rêve : créer un monde à son image. Ce sacrifice lui semblait donc à ce moment-là bien maigre. L’Histoire hélas, finirait par lui prouver le contraire.
Sans perdre davantage de temps, Dieu s’attela ensuite à la création de son monde. Cette évènement est celui que nous appelons aujourd’hui la Genèse, à la fin duquel débutera notre Âge d’Or.
Avec l’expérience et les connaissances qu’il avait acquises lors de son périple, combinées à son merveilleux esprit créatif, Dieu façonna à partir du vide une nouvelle planète, unique en son genre parmi toutes celles du cosmos. Du moindre océan à la plus petite des cavernes, de la plus haute des montagnes aux plaines les plus vastes… Le Créateur en écrivit chaque contour, chaque élément, chaque règle physique avec le plus grand soin dans le but de créer un monde parfait capable d’abriter la vie. Et c’est ainsi chers lecteurs, que naquit notre monde, unique en son genre dans tout l’univers : la Terre. Cette nouvelle planète, Dieu la fit orbiter autour du premier astre qu’il avait créé : l’étoile infinie qui éclairait jadis l’univers avant de donner la plus grande partie de son énergie pour la création d’Hasiera, et qui devint à cet instant notre Soleil. Sa puissance ainsi considérablement réduite lui permettait, à une distance parfaite de notre monde, de réchauffer son atmosphère sans la rendre invivable et de réguler le cycle des jours et des nuits sur Terre. Dieu s’aperçut toutefois que la nuit dans ce monde qu’il venait de créer était trop sombre pour la vie, malgré les étoiles lointaines qui y apportaient un peu de réconfort. Il corrigea cela en donnant naissance à un nouvel astre qui orbiterait autour de la Terre en réfléchissant la lumière du Soleil pour briller dans la nuit : c’est ainsi que naquit notre Lune.
Ayant créé la planète parfaite en cinq jours seulement, Dieu estima que son œuvre était enfin prête à recevoir la vie. Et c’est ainsi que le sixième jour, le créateur donna naissance à la vie. Tout d’abord, la flore : Dieu remplit les mers de coraux et d’algues, puis couvrit les plaines et les montagnes d’herbes et de plantes, de fleurs délicates aux arbres majestueux. Vint ensuite la faune : les océans se remplirent de toutes sortes de créatures marines, du plancton à la baleine en passant par toutes les espèces de poissons imaginables. Ce fut après le monde de la Surface qui se retrouva peuplé par des créatures terrestres : félins, reptiles, canidés, batraciens et insectes… tous furent déposés dans ce nouveau monde par le Créateur, avec pour mission de se l’approprier et de s’y multiplier.
Le septième jour le Créateur, épuisé par son travail, décida de consacrer cette journée à son repos. Il en profita pour observer s’épanouir sous son regard sa création, enfin complète. C’est pourquoi le septième jour de la Genèse est considéré comme le début officiel de l’Âge d’or : ce fut donc le premier jour du premier mois de l’An 0. Notre monde et son Histoire venaient de se mettre en marche.
La Création, telle que les anges ont coutume de l’appeler, était en tout point parfaite. Chaque élément et chaque créature y avaient leur place. Tous les rouages de la mécanique naturelle du monde jouaient leur rôle à la perfection. Pourtant… Dieu n’était pas satisfait. Les créatures qu’il avait engendrées s’étaient appropriées le monde selon sa volonté, mais elles se contentaient d’y vivre en répétant éternellement les mêmes gestes. Aucune n’avait la moindre étincelle de créativité qui les aurait conduites à vouloir prendre en main leur destin pour dépasser leur condition. Elles se contentaient pour ainsi dire, de suivre le chemin que leur créateur avait tracé pour elles.
Ce n’était toutefois pas un échec aux yeux de Dieu, puisque c’était exactement comme cela qu’il les avait créées. Mais il en vint à la conclusion qu’il manquait à son monde des êtres qui comme lui, seraient capable de réfléchir et de prendre en main leur destin en faisant preuve de créativité au lieu de suivre aveuglément les lignes tracées pour eux. Il décida donc de créer une race d’êtres à part, en mélangeant une goutte de son sang avec un rayon de soleil. C’est ainsi que naquit la race des anges, la première des trois races d’immortels. Ils étaient destinés à devenir les gardiens de la Création en veillant à sa pérennité.
Les anges ayant été créés à l’image de Dieu, ils possédaient au moins un fragment de ses pouvoirs, de sa sagesse, et de son éternité. Afin de les aider dans leur mission sacrée, le Créateur façonna ensuite pour eux un royaume flottant au-dessus du ciel, à la limite entre l’atmosphère terrestre et l’espace. Il en fit un véritable paradis, et c’était bien ce qu’il était censé être : des rivières d’eau azurée remplies de joyaux, enjambées par des ponts d’arcs-en-ciel sublimes… Des forêts majestueuses dont les arbres et les fleurs de cristal rayonnaient de mille couleurs sous le soleil… Ou encore des montagnes splendides aux sommets couverts d’or, de marbre et d’ivoire, ainsi des cascades majestueuses, titanesque même, qui se déversaient dans les nuages… Les mots me manquent, chers lecteurs, pour vous décrire la beauté de l’Eden : dans ce royaume la moindre fleur, la moindre pierre est une œuvre d’art. Et la vue depuis ce paradis n’a pas d’égale dans tout l’univers… Regarder en contrebas, c’est contempler la divine Création. Lever la tête, c’est se surprendre à rêver en s’émerveillant de l’immensité de l’espace et des étoiles célestes.
Les anges ne tardèrent pas à prendre possession de leur nouveau royaume et y construisirent une civilisation florissante à l’ombre de leur créateur. Les premières cités angéliques apparurent, et Dieu constata avec satisfaction que cette nouvelle race avait hérité de son penchant créatif. Les anges ne mirent pas longtemps à organiser leur société avec une hiérarchie bien huilée où chacun avait son rôle et son importance. De ce développement émergèrent des chefs naturels, qui prirent le commandement de la société angélique avec la bénédiction du Créateur : Azaël le Puissant, Michael le Juste, Zadkiel la Connaissance, Gabriel la Compassion et Sariel la Tempête. Dieu en fit des archanges, leur accordant la puissance nécessaire pour diriger leurs semblables et exécuter sa volonté, avec Azaël à leur tête. Pendant de nombreuses années, le monde goûta à la paix de l’Âge d’Or.
Mais c’était sans compter sur un élément perturbateur qui allait bientôt menacer cet équilibre…
***
Si vous le voulez bien très chers lecteurs, revenons un peu en arrière dans le temps et dans l’espace, loin de notre magnifique Terre. Pour être exact, juste après que l’Empereur-Dragon Noir eût été balayé par la puissance des fondateurs à travers le cosmos. Sonné par le choc et grandement affaiblit, le Dragon Noir s’écrasa sans connaissance sur une planète vide. Il finit toutefois par revenir graduellement à lui, et ses plaies se refermèrent peu à peu. Le deuxième rebelle, une fois rétabli, n’avait aucune idée de ce qui se passait simultanément à l’autre bout de l’univers, même s’il ressentait parfois dans le vide quelques perturbations dues au combat entre Dieu et les fondateurs. Il craignit toutefois que leur révolte tournât court s’il n’apportait pas très vite son soutien au Créateur. Cependant, la gifle cosmique infligée par les maitres de l’univers avait au moins eu le mérite de le pousser à réfléchir. Il avait compris que seul il ne serait pas d’un grand secours. Mais il savait où trouver l’aide nécessaire.
L’empereur-Dragon Noir avait assisté aux affrontements successifs entre Dieu et ses autres pairs divins. Il savait donc précisément où ces derniers avaient été scellés par le Créateur au fil de ses victoires. Et dans son esprit se formait déjà un plan : unir les divinités draconiques pour chasser une bonne fois pour toute les fondateurs du pouvoir. L’ainé des Empereurs-Dragons se pressa donc de délivrer l’un après l’autre ses frères divins de leur emprisonnement cosmique, après leur avoir arraché la promesse qu’ils l’aideraient à détrôner leurs parents. Aucune de ces prisons ne pouvant les retenir éternellement, certaines de ces divinités avaient déjà commencé à s’en extirper. Mais pas une ne refusa l’aide du Dragon Noir, même si certains (notamment parmi ses frères et sœurs draconiques) nourrissaient une rancune envers Dieu pour les avoir ainsi emprisonnés. Tous étaient néanmoins d’accord sur une chose : la tyrannie d’Orphis et de Lohizune avait assez duré.
Une fois les treize divinités rassemblées, le groupe se mit en route dans la direction d’où émanaient les vibrations d’énergie résultant de la bataille cosmique menée par Dieu. Mais ils n’eurent, comme vous le savez maintenant chers lecteurs, pas le temps d’arriver en renfort avant que la fin de la bataille. Les rebelles ressentirent la création d’Hasiera qui fit vibrer le cosmos tout entier, puis la fraction de l’univers en deux dimensions qui signifiait le terme du combat divin. Les nouvelles divinités comprirent aussitôt qu’Orphis et Lohizune avaient disparu de l’univers sans laisser de trace. Cependant, elles ne savaient pas encore si Dieu les avait vaincus ou s’il s’était sacrifié pour les entrainer dans sa chute, mais une chose était certaine :
Ils étaient enfin libres.
L’instant d’incertitude, de stupéfaction et finalement d’euphorie passé, les divinités du groupe ne tardèrent pas à recommencer à s’observer avec suspicion. Elles s’étaient temporairement alliées pour affronter la plus grande menace qu’étaient les fondateurs… Mais ces derniers ayant désormais disparu, la haine ancestrale, qui s’était forgée entre leurs enfants au cours de siècles d’affrontements, reprit le dessus. Fort heureusement, libérés de la domination de leurs parents divins, leur lassitude des conflits l’emporta, et ils parvinrent à se séparer sans violence. Les six Empereurs-Dragons décidèrent ainsi qu’il était temps pour eux d’explorer l’univers de leur côté afin de choisir librement où s’établir pour fonder leur propre monde. Ils furent donc les premiers à quitter l’alliance. Cherchant pendant un temps à préserver l’unité de leur groupe afin de comprendre ensemble ce qui avait entrainé la disparition des fondateurs, le Dragon Noir abandonna devant le peu d’intérêt des autres, à présent obnubilés par la façon dont ils allaient occuper leur liberté retrouvée. Il finit cependant par suivre ses pairs draconiques dans leur quête de foyer par peur de la solitude, lui qui était né sans pendant divin.
De leur côté les enfants de Lohizune choisirent également de se diviser. Certains comme le Gardien et l’Ombre, décidèrent de s’approprier une planète. D’autres comme l’Eternel et l’Ephémère optèrent pour partir à la découverte de l’Univers afin d’en découvrir toutes les merveilles. La Fortune, elle, voulait simplement danser avec les étoiles et trouvait un bonheur immense à suivre la valse cosmique. Le Purificateur de son côté, un temps tenté d’imiter sa sœur, finit par considérer que comme nombres de ses pairs, il voulait une planète sur laquelle régner en maitre. Néanmoins, il ne voulait pas s’approprier n’importe quel corps céleste. Il voulait posséder un véritable joyau à nul autre pareille, la plus belle et la plus splendide des planètes. Il partit donc à son tour en quête de la perle rare.
L’univers étant infini, toutes ces divinités auraient très bien pu, une fois séparées, ne jamais se recroiser de toute leur éternité. Pourtant (et on peut se demander cette fois encore très chers lecteurs s’il ne s’agit pas d’un caprice de Destin lui-même), leur périple finira immanquablement par les ramener vers notre système solaire, là où Dieu avait définitivement chassé les fondateurs et bâtit son monde. La coïncidence est, en effet, assez extraordinaire : comme des papillons attirés par la lumière au cœur de la nuit, les enfants des fondateurs furent attirés les uns après les autres vers notre bonne vieille Terre, ce joyau si unique dans l’univers. Ils devaient, chacun à leur tour, marquer de leur empreinte l’Histoire de notre monde (certains, hélas, de manière plus profonde et violente que les autres).
Et le premier d’entre eux à y parvenir ne fut nul autre que le futur Roi-Démon, Satan en personne.
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