Assis en rond sur un tapis moelleux, chacun à leur tour, les enfants se présentaient. Pas facile de maintenir une école en activité dans les terres reculées. Pourtant les villageois, sans relâche, avaient tout fait pour la sauver. Une seule condition leur avait été imposée qu'un enseignant soit à même de proposer un programme adapté à trois CP, six CE1, quatre CE2 et cinq CM1. Finalement était-ce un exploit ? Quand on avait la vocation, rien n'était insurmontable. Julie avait conscience qu'en acceptant ce poste, il lui faudrait s'adapter, accepter et écouter. Cela ne l'effrayait pas, elle avait toujours su qu'elle deviendrait professeur des écoles.

Sa maman ne cessait de lui répéter qu'elle était douée avec tous les êtres. Elle avait réussi à amadouer le vieux grincheux du rez-de-chaussée de son immeuble parisien. Il l'avait même supplié de rester quand il apprit son projet de poser ser valises au loin. Adolescente, elle offrait de son temps aux habitants de l'immeuble. Le lundi, c'était mathématiques avec Frédéric, pas toujours facile d'être diplomatique avec un enfant colérique. Avec habileté et un sac de billes, elle faisait des miracles. Le mardi, avec sa voisine Caroline, elle partait à la piscine. Leur éducatrice aimait bien leur complémentarité dans le bassin. Elle leur avait proposé la nage synchronisée. Cela ne dura qu'un temps, un déménagement les éloigna du jour au lendemain. Leur rêve sportif s'évanouit instantanément.

La mercredi, tout était permis, sa mère Sophie prenait sa journée pour s'occuper de sa fille. Après les devoirs, les activités se multipliaient en fonction du temps et de leurs humeurs. Le jeudi, après l'école, elle profitait du parc. Cette île de verdure, au milieu des barres de béton, ressourçait les amoureux du silence. Julie s'asseyait sur un banc et observait les oiseaux. Les pigeons ne perdaient pas de temps et se jetaient sur les miettes goulûment. Les tourterelles roucoulaient avec tant de talent. Un concerto pour les unes, un ballet pour les autres, une scène ouverte déposait à leur pieds, pure merveille.

Le vendredi, elle fonçait retrouver son ami Jérémie et tous les deux se rendaient bras dessus, bras dessous à la médiathèque. Ils se posaient sur les poufs dévoraient avec gourmandise les livres qui passaient dans leurs mains. Ils s'étaient inscrits aux ateliers des jeunes pouces et participaient à cette aventure avec enthousiasme. Pendant leurs années de collège, ils avaient écrit des mini recueil. Ils en avaient conservé chacun un exemplaire et c'était promis de les partager avec des enfants quant ils seraient plus grands.

Tous les samedis matin, elle accompagnait au marché la mamie du troisième. Elles déambulaient entre les étales. Le cartable restait au placard, place au panier en osier. Julie appréciait de discuter avec les marchands qu'elle croisait. Au fil des années, elle avait appris à connaître chacun des maraichers. En retour, ils lui rendaient bien et ils appréciaient de la retrouver. Quand elles rentraient à l'appartement, elle enfilait son tablier et préparait le repas qu'elle partageait avec Sophie, et la mamie de Jérémie.

Le dimanche rimait avec avalanche de découvertes. De musée en théâtre, du cinéma à l'Opéra, il n'y avait qu'un pas. Chaque visite devenait unique, les cours d'histoires prenaient vie au pied de Notre Dame ou à Versailles. L'art plastique se bonnifiait à chaque passage au quay d'Orsay. Le français et la philosophie se nourrissaient dans les allées de la Bibliothèque Mitterrand. Les mathématiques et la physique fusionnaient dans les travées de la cité des sciences et de l'industrie. Julie était reconnaissante, sa maman lui avait ouvert le coeur et l'esprit.

En ce matin de rentrée sur le tapis douillet, son regard s'est posé sur les têtes blondes prêtes à s'épanouir à ces côtés. Le premier livre, qu'elle partageait avec eux, avait pour titre : Oscar le léopard. Le premier recueil écrit avec son ami Jérémie.