Paul et Camille

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En ce début septembre, les températures chaleureuses enveloppaient les âmes rêveuses. Paul, rassuré par la rentrée réussie de sa fille, parcourait les ruelles le coeur léger. Il connaissait l'histoire de chaque maison. Derrière les pierres se cachaient de belles rencontres. Il avait poussé la porte de chacune d'entre elle pour prendre le temps d'écouter leurs habitants. De leur vie, jour après jour, il tissait un monde féerique où les uns et les autres jouaient un rôle fantastique. De leur visage, leur mimique, il avait créé ses personnages magiques. De leurs paroles, il effeuillait les corolles de dialogues endiablés. Bien sûr, il avait demandé leur accord, qu'ils avaient donné sans aucun effort. Les villageois s'étaient toujours montrés bienveillants depuis ses premiers pas d'enfant jusqu'à ceux de jeune papa à présent. Ils l'avaient consolé, quand un soir d'orage il perdit sa femme. De cette nuit-là, il ne lui resterait qu'une cicatrice gravée à jamais sur son bras.

Il secoua la clochette du pavillon aux milles boîtes. Monsieur Barnabé se métamorphosa sous le porche. Le vieux monsieur l'attendait avec une sacoche accrochée à sa taille d’où débordait des enveloppes. Dans sa barbe blanche se dissimulait un sourire coquin. Il invita Paul à l'accompagner sur la terrasse pour prendre place à ses côtés. Une cafetière fumante les attendait, un doux parfum de café noir s'en échappait. L'hôte sortit un plateau de jeu, des lettres d'alphabet s'étalaient en tout sens. La partie pouvait débuter. Elle serait pimentée à n'en pas douter : de fou rire, de silence ou même de soupirs. Le jeu serait agrémentée d'anecdotes, l'ancien facteur en avaient de toutes sortes. Les pétillantes explosaient en bouche dès qu'il se montrait moins farouche. Il y en avait à coup sûr des plus philosophiques avec au final des conseils pratiques. Mais celles dont Paul était friand, parlaient de billet fleuri offert par des amants transis.

Barnabé se réjouissait, la compagnie de cet homme érudit égayé sa vie. Il appréciait quand sa fille Camille se joignait à leurs jeux de mots. D'ailleurs, elle avait laissé posé sa dernière proposition lors de leur récente confrontation. La demoiselle composait des bouquets de mots là où ses copines fabriquaient des gâteaux de sable. Paul sourit, sa fille avait appris à lire par dessus son épaule. La coquine avait su le surprendre. Au matin de ses cinq ans, au réveil, installée au chaud à ses côtés, elle lui avait déchiffré avec facilité "le petit loup, prince des bois", une de ses premières oeuvres. Il avait tout d'abord pensé qu'elle la connaissait par coeur. Il lui avait conté tant de fois. Pourtant comment aurait-elle pu faire ? Elle s'endormait toujours avant la fin. Au chaud dans les bras, elle lui avait montré en suivant avec son doigt, les courbes des lettres qu'elle faisait chanter de sa voix. Son coeur de jeune papa s'était gonflé de joie comme à cet instant précis où il lisait l'énigme posée sur le plateau : "dodo du loup au ciel"

C'était à son tour de jouer, qu'allait-il pouvoir construire ? Dans ce jeu, inventé de toute pièce par Banarbé et Paul, il fallait se montrer perspicace, faire preuve d'audace. Les mots s'imbriquaient dans des phrases loufoques. Puis, chacun proposait un code biscornu. Alors, le suivant se tordait les méninges. Banarbé éclata de rire en voyant la mine déconfite de Paul et lui tendit un petit papier sur lequel se trouvait le code. En réalisant le sens réel, il échappa une larme : "Papa, je t'aime fort"

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