Vendetta
Les trois guerriers étaient devant la maison de leur future victime. Aucun des trois n'avait plus de dix-sept ans.
Sven Hjarulfsson, treize ans, était le chef du groupe. C'était le plus jeune, mais c'était le fils du Jarl. C'était aussi et surtout le plus enragé des trois. Il portait un bouclier au bras gauche et une épée dans la main droite.
— Il nous a vu ! Allons-y maintenant, il faut que ce soit réglé avant que mon père ne se doute de quelque chose.
Orgolf Varrigsson, dix-sept ans, était le plus âgé. Il avait un bouclier sur le dos et une épée à la ceinture. Ces armes devaient être remises à l'homme que Sven allait tuer s'il était assez fou pour se présenter sans armes ou s'il tentait de prendre la fuite. Il avait également une lance à la main et une hachette à la ceinture. C'était à lui qu'incomberait la corvée de couper la tête du cadavre et de l'accrocher à la pointe de la lance, pour que tout le monde sache que l'offense était vengée.
Harmin Grimmsson, quinze ans, ne portait aucune arme. C'était un bon garçon joufflu qui semblait incapable de faire le moindre mal à une mouche. Et il l'était effectivement. son rôle se bornait à sonner du cor pour que personne ne puis ignorer ou feindre d'ignorer le défi de Sven. Si le défié refusait de se montrer pour répondre au combat singulier, Sven et ses fidèles auraient le droit de le traquer et de le tuer n'importe où.
En cas d'imprévu, si Thornald ou ses hommes intervenaient pour défendre Hans, il n'était pas prévu qu'il se batte. Il devrait simplement courir chez Hjarulf pour annoncer qu'une bataille avait lieu. Mais il était hautement improbable que Thornald lève l'épée contre le fils du Jarl, même pour défendre un de ses protégés.
Plusieurs hommes de Hjarulf suivaient le trio à bonne distance. C'étaient des guerriers adultes qui n'avaient pas été invités, mais ils voulaient savoir comment l'affaire se terminerait.
Sven et ses compagnons aperçurent Thornald retourner chez lui en compagnie d'une jeune esclave. Svedra l'accueillit sur le pas de la porte et ils les entendirent se disputer. Ce fut assez court parce que Thornald les aperçut. Après quelques secondes d'hésitation, il se dirigea vers eux.
— Salut Sven, s'exclama-t-il sans leur laisser le temps d'ouvrir la bouche. Tu as oublié ta canne à pêche ? Salut Orgolf... Oh, mais n'est ce pas le jeune Harmin que je vois là ? C'est incroyable ce que tu as grandi en quelques mois... on dirait un vrai guerrier.
Il se jeta sur le garçon et fit mine de le soulever sans y parvenir. Le cor changea de main avant qu'Harmin n'ait compris ce qui lui arrivait.
— Et en plus tu as été bien nourri, poursuivit Thornald. C'est qu'il faut du coffre pour jouer d'un tel instrument. Mais Asgald dort encore et il ne faut surtout pas le réveiller.
— Thornald ! rugit Sven. Tu sais très bien pourquoi nous sommes là.
— Bien sûr que je le sais, répondit Thornald. Tu es venu faire exactement le contraire de ce que ton père t'a demandé. Il veut faire de moi ton meilleur soutien, et tu fais tout pour me mettre dans une situation impossible. Je crois que c'est pour ça que je t'aime bien.
— Ça n'a rien à voir avec mon père. Je suis venu venger un affront.
— Ça, c'est le prétexte... mais peu importe, Hans est à l'intérieur. Entre, venge-toi et n'en parlons plus.
— Tu ne le fais pas sortir ?
— Non. Mais je te laisse entrer. Tu es le fils de mon Jarl et du capitaine qui m'a appris à me battre. Si un de mes protégés t'a offensé, tu as le droit de le corriger... mais tes armes restent dehors. Tu n'as pas besoin de le tuer pour te faire respecter.
Sven n'avait que deux alternatives, accepter le compromis ou défier Thornald. La seconde solution n'était pas envisageable... pas après avoir reçu une telle offre.
— Harmin, tiens moi ça deux minutes, dit-il en remettant son épée et son bouclier à son compagnon.
— Harmin, tu as fière allure avec ces armes, s'exclama Thornald. Dommage que le casque soit trop petit pour toi.
Sven entra dans la maison, Thornald à sa suite.Hans n'avait pas terminé son déjeuner, il ne remarqua la présence de Sven que lorsqu'il était trop tard. Le poing de Sven le fit rouler au bas de la table. Ensuite, un coup de pied dans les côtes le cloua au sol. Puis Sven prit du recul pour lui laisser le temps de se relever avant d'entamer un tabassage en règles. Les guerriers présents firent cercle autour des combattants. Certains les encourageaient, la plupart se contentaient d'admirer le spectacle en connaisseurs... Tout gamin qu'il fut, Sven savait cogner.
— Qu'est ce qui te fais rire, toi ? demanda Thornald en remarquant le sourire particulièrement narquois de Galdlyn.
— Oh, je repense à ce que tu as dit hier: « Voilà un guerrier comme vous n'en avez jamais vu. » Je réalise seulement maintenant à quel point c'était vrai.
Cette réponse déclencha un éclat de rire général.
Hans ne rendait même pas les coups, il essayait gauchement de protéger son visage ensanglaité que Sven martelait méthodiquement. Quand le kriegsmarine s'écroulait, Sven faisait une pause de quelques secondes pour lui laisser le temps de se relever, puis les coups redoublaient...
Après sa quatrième chute, Hans n'essaya même plus de se relever.
— Bon, fit Thornald. Je crois que ça suffit.
Sven s'arrêta et reprit son souffle.
— D'accord ! répondit-il. Mais dis lui bien qu'il a eu de la chance pour cette fois, et que la prochaine fois qu'il approche de la maison de Hjarulf ou de celles qui y travaillent, je le tue !
— Je lui dirai, promit Thornald. De ton côté, pense aux prochaines expéditions. Je vais bientôt partir et ça plairait que tu nous accompagne... Tu as de bons bras, tu feras un excellent rameur. Galdlyn ! remets Hans sur ses deux pieds, il ne va pas passer toute la journée à terre.
Comme la guerrière se penchait sur Hans, ce dernier murmura dans son incompréhensible langage.
— Il avait promis de me protéger... il a menti.
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