Sous sa couette, Logan entendit à peine que l'on toquait à sa porte. Le temps qu'il en émergeasse, la tête de Jensen se trouvait déjà dans entrebâillement de la porte.

— Monsieur ? La jeune demoiselle m'a demandé si elle pouvait entrer. Elle le fait pas habituellement. Elle a l'air bouleversée et vous...

Ayant surpris Logan caché dans son lit, le vieux majordome n'en pensait pas moins mais il s'abstint de tout commentaire.

— Il s'est passé quelque chose ? reprit-il.

— On s'est disputés, geignit le jeune homme.

— Puis-je ?

Le jeune homme lui fit signe d'entrer. Il entendit le vieux majordome demander à Zia de patienter un moment avant de pénétrer dans la pièce. Logan essaya de se donner une contenance en refaisant rapidement son lit.

— Alors vous et la jeune Zia...

Logan resta interdit, attendant la suite. Comprenant enfin ce que Jensen insinuait, le jeune homme rougit instantanément.

— Non, non, non ! C'est pas du tout ce que vous croyez Jensen ! Ce serait limite trop facile si on s'était embrouillés à cause de sentiments...

Le vieux majordome haussa un sourcil, ne comprenant plus la situation.

— Ne vous méprenez pas, je l'apprécie, elle est devenue mon amie. Mais on a découvert des choses assez ... dérangeantes et on a eu quelques divergences d'opinions sur la suite des événements. Des choses ont été dites. Sur les Classes 1, l'argent, l'environnement et la gestion de tout ce bazar. 

Jensen attendit, signifiant à son jeune maître de continuer.

— Je... je ne sais pas si je peux vous le dire. Il faudrait qu'on se parle avec Zia. J'ai encore besoin de son avis. Elle comprend mieux la psychologie humaine que moi.

— Permettez-moi de vous donner un conseil, monsieur. Votre amie est dans tous ses états, là derrière la porte. Je ne sais pas qui a dit quoi mais j'ai bien vu qu'elle s'en voulait. Je pense qu'elle veut s'excuser alors, écoutez-la et soyez indulgent.

Logan ne put qu'hocher la tête, tout ce qu'il voulait c'était que Zia ne le déteste pas. Certes sa naissance avait privilégié sa position dans la société mais il n'était pas responsable de ce qui se passait. Il n'était âgé que d'onze ans au démarrage de la construction de Némésis. Jensen lui adressa un sourire encourageant et fit entrer la jeune fille.

Zia s'avança, le regard fuyant et elle se tordait les mains dans tous les sens. Gauchement, Logan lui désigna une chaise. Elle s'assit tout au bord, comme lorsqu'elle avait été impressionné de le rencontrer, des mois auparavant.

— Logan ! Je... je suis désolée ! débita t-elle, tout de go. Je n'aurais pas dû te dire tout ça ! Enfin, je le pensais mais, ce n'était pas contre toi ! Si on peut bien discuter sérieusement de sujets importants avec un Classe 1, c'est bien toi... J'espère que tu me pardonneras.

Logan soupira de soulagement et lui fit un grand sourire.

— Zia, je suis content que tu veuilles encore me parler, si tu savais. Tu es ma première vraie amie et ... je n'aurai pas dû réagir de manière aussi puérile. La situation est stressante, je comprends pourquoi tu as réagi comme ça, avec ton passé et la situation qui se répète... Toi aussi, tu es la première avec qui je peux discuter de tout ça sérieusement dans mon entourage. Je suis sûr qu'ensemble, on pourra trouver un plan d'action correct. Et puis, les scientifiques qui ont revu nos travaux pourront peut être nous aider, ils savent que nous sommes fiables. Et s'ils ont des doutes sur les informations, on leur dira qu'on a des sources au sein de l'équipe des Tardigrades sans les nommer directement. Au cas où ils auraient des préjugés sur les Rats.

La jeune fille se mit plus à l'aise sur sa chaise et fit un sourire contrit ; soulagée de s'être réconciliée mais inquiète à propos du futur. Logan l'était tout autant.

Après un long moment de silence, la question fatidique traversa enfin la pièce :

— On fait quoi maintenant ? Comment on annonce aux gens que leur bouée de sauvetage est trouée une fois qu'ils s'y sont accrochés ? Et qu'on ignore combien de temps il leur reste avant qu'elle ne sombre ?