Chapitre 1

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Chapitre 1

— Hé, Finn, n'oublie pas de signer les documents, sinon le patron va encore râler contre moi.

— Ouais, ouais... T'inquiète, je gère.

Julio soupira et s'adossa à sa chaise.

— C'est précisément ce qui m'effraie...

Je pouffai de rire. Il plaisantait, comme d'habitude. Son sourire en coin ne trompait personne. Après m'avoir déposé une soixantaine de feuilles à signer, il tourna les talons et s'éloigna.

Il me restait une heure pour tout boucler. Suffisant. Je me mis à l’ouvrage, progressant page après page.

Les minutes défilèrent et, enfin, j'avais terminé. Rassemblant les documents, je les déposai sur le bureau de notre supérieur. Il hocha la tête, signe que ma journée était officiellement terminée.

Je récupérai mon badge, éteignis mon ordinateur et enfilai ma veste avant de quitter les lieux. Le froid me mordit immédiatement les joues, et je pressai le pas jusqu’à ma Clio. Une fois à l'intérieur, je soufflai de soulagement en allumant le chauffage. Cinq minutes plus tard, réchauffé, je démarrai en trombe.

Direction la maison.

Vingt minutes de route, deux étages montés, une porte déverrouillée. Dès que j’entrai, je laissai tomber mes affaires et me dirigeai vers le frigo.

Un feuilleté au chèvre. Parfait.

Il était déjà dix-neuf heures, et je réalisai que j’avais complètement zappé le déjeuner. Enfin… pas tout à fait. J’avais grignoté les restes d’une collègue, mais ça n’avait fait que retarder l’inévitable.

En attendant que le four chauffe, je sortis mon téléphone et ouvris mes mails.

Je fronçai les sourcils.

"Salut à tous, c'est Mickey. Je sais, ça fait un bout de temps que vous n’avez pas entendu ce nom...

Je sais qu'on s'était promis d'enterrer le passé, mais j'ai reçu une lettre. Et je suis sûr que c'est l'écriture de Jordan.

Quatre ans. Quatre ans qu'il a disparu. Et pourtant, j’ai cette sensation... Comme si quelque chose m'échappait. Comme si j'avais oublié ce jour fatidique.

Est-ce pareil pour vous ?

Et si on déterrait le passé ?

Rejoignez-moi au café où on allait, ce samedi à onze heures. J'espère vous y retrouver... À très bientôt."

Je restai figé.

— Putain de merde...

Mes mains tremblaient. Une sueur froide perla sur mon front. D'un coup, j’avais chaud, horriblement chaud. La faim me quitta instantanément, remplacée par une nausée sourde.

Je ne pensais pas que ce jour arriverait.

J’avais tout fait pour oublier. Pour enterrer cette histoire et ne jamais la déterrer. Mais voilà qu'on m’y replongeait de force.

Non.

Si j’ignorais ce mail, si je faisais comme si je ne l'avais jamais lu, peut-être que ça s’arrêterait là. Peut-être que les autres pensaient comme moi. Après tout, on s’était promis de ne jamais revenir en arrière.

Et pourtant…

Quelque chose clochait. Cette lettre... L'écriture de Jordan ? Impossible. Il avait disparu. Depuis quatre ans.

Mais il y avait autre chose. Quelque chose d’encore plus inquiétant.

J’avais oublié une partie de cette histoire. Et plus j’essayais d’y penser, plus les détails m’échappaient. C'était comme si mon propre cerveau effaçait les souvenirs avant que je puisse les attraper. Chaque tentative pour me rappeler ne faisait qu’enfoncer un peu plus le voile du néant.

J’avais peur.

Peur que mon esprit me trahisse, qu’il reformate le passé à sa guise. Peur qu’il invente, qu’il transforme.

J’étais tiraillé.

D’un côté, j’avais envie de tourner la page et de ne jamais revenir en arrière. Après tout, c’était du passé… Non ?

Mais d’un autre côté…

La curiosité.

Ce foutu poison.

Jordan… Ce mec était un soleil. Un type toujours souriant, incapable de s’énerver. À une époque, on était inséparables. Puis tout avait basculé.

Et il ne me restait plus que des fragments.

Un couloir étroit.

Une obscurité si dense qu’elle avalait la lumière.

Des cris.

Et rien d’autre.

Si j’y allais samedi, qu’est-ce que ça pourrait bien changer ? Rien. Rien ne ramènerait Jordan.

Mais cette lettre… Cette foutue lettre.

Mickey lui-même était celui qui, le premier, avait voulu qu’on enterre cette histoire. Alors pourquoi ce revirement ?

La sonnerie du four me fit sursauter.

Je sortis mon feuilleté et le posai sur une assiette avant de l’attaquer machinalement.

Mais mon esprit était ailleurs.

Ma vie… celle que j’avais mis du temps à reconstruire… Et ce mail…

Je le savais déjà. La curiosité avait gagné.

Samedi, je serais là.

Dans deux jours.

J’espère juste que je ne vais pas le regretter.

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