Chapitre 2

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— Finn ? T'es loin, mon pote. Il t’arrive quoi ?

Je relevai les yeux vers Kentin. Il était venu dès mon appel, sans hésitation. Toujours fiable, toujours là.

— Ouais... J'ai reçu un mail.

Il haussa un sourcil, intrigué.

— Un mail de qui ?

Je soufflai et passai une main sur mon visage.

— De Mickey.

Un silence s’installa.

— Attends… Un de tes anciens potes, c'est ça ?

J’hochai la tête. Il croisa les bras et s'enfonça dans le canapé.

— Eh bah… Après quatre ans ? Et c'est ça qui te met dans cet état ?

Je lui tendis mon téléphone. Il lut le mail rapidement, son expression changeant à chaque ligne. Puis il releva la tête, bouche entrouverte.

— Putain... Tu comptes y aller ?

J’hésitai un instant avant de répondre :

— J’ai envie de savoir ce qu’il a à nous dire. Même si je doute que tout le monde sera là…

Kentin souffla par le nez, son regard plus sérieux que d’habitude.

— Tu veux que je t’accompagne ?

Je levai les yeux vers lui.

— Tu viendrais ?

— Bien sûr. Entre amis, on se serre les coudes.

J’expirai lentement. Sa présence serait un soulagement. Un point d’ancrage dans ce bordel.

— Ok.

Il se leva, attrapa deux bières dans le frigo et m’en tendit une.

— On fait comme ça alors. Juste… C’est loin ?

— Trois heures de route.

Il grogna.

— Putain, t’avais pas plus près ?

— C’est là qu’on allait toujours…

— Bon, alors je passe te prendre à huit heures trente samedi matin.

J’acquiesçai.

Il alluma la console et me tendit une manette.

— Allez, on se détend.

Pendant un instant, le reste disparut. Plus de mail, plus de souvenirs flous, plus d’angoisse. Juste nous et la télé.

Mais la réalité allait vite me rattraper.

Après quatre victoires écrasantes, je laissai tomber ma manette.

— Tu sais que t’es nul ?

— Oh, ta gueule, Kentin.

Il explosa de rire.

— Allez, une dernière ?

— OK, mais après, douche et au lit.

— Ça marche.

Évidemment, il gagna encore. J’avais du mal à me concentrer. Kentin, fier comme un coq, continua de me charrier en me suivant jusqu’à la salle de bain.

— Mec, t’es vraiment un rageux !

— Tais-toi, je prends ma douche !

— Rageux !

Je l’entendis rire en s’éloignant.

L’eau chaude coula sur mon corps, détendant mes muscles, mais pas mon esprit.

Le réveil sonna trop tôt, son bruit strident me vrillant le crâne.

J’éteignis l’alarme d’un geste maladroit, le corps engourdi par le manque de sommeil.

Ma nuit avait été un cauchemar.

Des couloirs étroits.

Un plafond trop bas.

Une obscurité épaisse comme du goudron.

Des cris étouffés.

Je me redressai brutalement, le cœur battant trop vite. Je me frottai le visage, respirant lentement pour me calmer.

Juste un rêve.

Juste… un putain de rêve.

Quand je sortis de ma chambre, Kentin était déjà debout, en train d’avaler un café.

— Mec, t’as une gueule de déterré.

— Merci, toi aussi.

Il haussa un sourcil.

— Pas du tout, j’ai dormi comme un bébé.

— Super pour toi.

Je pris une gorgée de café, grimaçant sous l’amertume.

— Bon, je vais y aller, lança Kentin en attrapant sa veste.

— T'es sûr que tu veux pas rester encore un peu ?

— Je bosse pas aujourd’hui, mais j’ai des trucs à faire.

Il me tapa sur l’épaule.

— On se voit samedi matin. Essaie de pas trop te bouffer la tête d’ici là.

Je hochai la tête sans conviction.

— Ouais… À samedi.

Il me lança un dernier regard avant de partir, et dès que la porte se referma, l’appartement me parut bien plus grand.

Et bien plus vide.

La matinée fut pénible. Je roulais jusqu’au bureau en mode automatique, la radio en fond sonore ne faisant qu’accentuer mon mal de crâne.

Le parking était à moitié vide quand j’arrivai. L’air du matin était mordant, me gelant les joues dès que je sortis de la voiture.

Les néons blafards du bureau me donnèrent instantanément envie de rentrer chez moi.

Julio était déjà là, sirotant son café en feuilletant des dossiers. Il me jeta un regard en coin.

— Mec, t’as vraiment une sale gueule.

— Merci, c’est sympa.

— Non mais sérieux, t’as dormi ou t’as passé la nuit à ressasser tes regrets ?

Je soupirai en m’affalant sur ma chaise.

— Un peu des deux.

Il haussa un sourcil, mais ne posa pas plus de questions.

Je tentai de me concentrer sur le boulot, mais mon esprit n’arrêtait pas de dériver.

Les chiffres, les formulaires, les signatures… tout était flou.

Chaque bruit me semblait plus fort que d’habitude.

Le tic-tac de l’horloge, les clics des claviers, le grattement des stylos sur le papier…

Et à chaque son, un frisson me parcourait l’échine.

Je tentais de repenser à cette fameuse nuit, il y a quatre ans.

Mais plus j’essayais, plus tout se brouillait.

Pourquoi ? Pourquoi mon esprit semblait-il bloquer ces souvenirs ?

Je passai ma main sur mon front moite.

Une partie de moi voulait fuir cette histoire.

Mais l’autre…

L’autre avait besoin de comprendre.

Quand dix-huit heures arrivèrent, je bouclai mon taf sans demander mon reste.

Je récupérai mes affaires et filai vers le parking.

Julio me regarda partir en secouant la tête.

— T’es pressé, dis donc.

— J’ai un long trajet à faire samedi.

— Hm… Fais gaffe, mec.

Je démarrai, la nuit tombant déjà sur la ville.

Les lampadaires projetaient une lumière tremblotante sur l’asphalte humide.

Chaque feu rouge, chaque ombre projetée sur les trottoirs, me ramenait à ce foutu mail.

Dans deux jours, j’allais revoir Mickey.

Dans deux jours, je devrais affronter les autres.

Et le passé que j’avais tenté d’enterrer.

Mais une question me hantait plus que les autres :

Et si ce qu’on avait oublié était pire que ce dont on se souvenait ?

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