Chapitre 3

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La ville s’étendait devant moi, silencieuse et immense.

Je conduisais sans vraiment y penser, le regard glissant d’un feu rouge à une enseigne clignotante, d’un panneau de signalisation à un immeuble aux fenêtres éclairées. Autant de morceaux de vie auxquels je n’appartenais plus.

Le ronronnement du moteur résonnait doucement dans l’habitacle, ponctué par le frottement régulier des essuie-glaces contre le pare-brise légèrement humide. Quelques gouttes de pluie s’écrasaient mollement contre la vitre, distordant les néons colorés de la ville dans des reflets liquides.

Je roulai lentement.

Pas par prudence, ni par fatigue.

Juste parce que… quelque chose dans cette nuit me paraissait étrange.

Irréelle.

Les phares de ma voiture balayaient les rues désertes, projetant des ombres fugaces sur les murs couverts de tags.

Et puis, mon regard tomba sur ce mur.

Un vieux bâtiment aux briques noircies par le temps, partiellement recouvert de graffitis. Des visages entremêlés, des formes étranges. Un chaos artistique qui aurait pu n’être qu’un décor banal.

Sauf que l’un de ces visages…

Il me fixait.

Je sentis mon estomac se nouer, mes doigts se crisper sur le volant.

Je le connaissais.

Ou plutôt, je pensais le connaître.

Il ressemblait à Jordan.

Les contours étaient flous, imparfaits, mais l’impression était là. Comme si un fragment de sa présence s’était figé dans cette peinture délavée.

J’accélérai légèrement, détournant le regard.

Pas ce soir.

Pas maintenant.

Je ne voulais pas me laisser happer par ces souvenirs.

Demain, je devais retrouver Mickey et les autres.

Demain, je saurais enfin ce que cachait cette lettre.

Mais plus j’y pensais, plus mon corps refusait d’obéir.

La peur sourdait en moi, insidieuse.

Mec, mets cette musique, elle est trop bien !

Jordan était assis côté passager, agitant son téléphone sous mon nez.

Tu peux pas attendre qu’on soit à l’arrêt ?

Il rit et leva les mains en signe de reddition.

T’es trop sérieux, Finn.

Il avait ce sourire, large, lumineux. Comme si rien ne pouvait l’atteindre.

Ce jour-là, on roulait vers une de nos habituelles explorations.

Une vieille maison abandonnée en périphérie de la ville, un de ces endroits dont les rumeurs alimentaient les histoires de gamins. On faisait ça depuis des années, toujours armés de nos caméras et de notre envie de frissons.

Mais cette fois-là…

Il y avait eu un malaise.

Ce n’était pas un lieu comme les autres.

Je me souviens encore de cette sensation en arrivant. Une lourdeur dans l’air, une odeur de bois humide et de poussière ancienne.

Mais surtout…

Ce couloir.

Ce putain de couloir.

L’épuisement finit par me rattraper.

Le moment où ma tête toucha l’oreiller, je tombai.

Directement dans le passé.

Je suis là-bas.

L’obscurité m’entoure, mais pas complètement. Il y a une lumière tremblotante au bout du couloir.

Elle grésille, vacille. Elle est mourante.

Je sens l’humidité dans l’air, lourde, oppressante. Mes pas résonnent contre le sol, mais ce n’est pas le pire.

Il y a un bruit.

Quelque chose racle contre le mur.

Crisp. Crisp. Crisp.

Un grattement lent, répétitif. Comme des ongles traînant sur une surface rugueuse.

Je veux avancer, mais mon corps refuse.

Mon souffle est court.

Je sens que quelque chose me suit.

Mon ombre sur le mur grandit, s’étire anormalement.

Non.

Ce n’est pas mon ombre.

Quelque chose d’autre est là.

Un murmure s’élève derrière moi. Un souffle rauque, à peine audible, comme un râle.

Puis, un cri.

Strident. Déchirant.

Un hurlement inhumain, comme si quelque chose était en train de s’arracher lui-même de l’intérieur.

Une main m’agrippe le poignet.

Glaciale. Osseuse.

Je veux crier, je veux fuir.

Mais mon corps est paralysé.

Et alors que je vais hurler—

Je me réveillai en sursaut, suffoquant.

La sueur collait mes draps à ma peau. Mon cœur cognait contre mes côtes, comme si j’avais réellement couru pour ma vie.

Je mis plusieurs secondes à reprendre mon souffle, les yeux fixés sur le plafond plongé dans l’obscurité.

Ce n’était pas un simple rêve.

Je le savais.

J’avais déjà été là-bas.

Ce n’était pas une construction de mon esprit fatigué.

C’était un souvenir.

Ma respiration se calma peu à peu, mais une autre sensation me glaça.

J’avais l’impression de ne pas être seul.

Un frisson descendit le long de ma colonne vertébrale.

Je tournai lentement la tête vers la porte de ma chambre.

Elle était entrouverte.

J’étais sûr de l’avoir fermée.

La lumière du couloir s’infiltrait doucement à travers l’espace laissé ouvert, projetant une ombre informe sur le sol.

Je ne pouvais pas voir ce qu’il y avait derrière.

Je savais que c’était juste du vide.

Rien.

Mais mon corps ne semblait pas d’accord.

Chaque fibre de mon être me criait qu’il y avait quelque chose.

Je fermai les yeux et inspirai profondément.

Pas ce soir.

Pas maintenant.

Demain…

Demain, je devais affronter Mickey.

Demain, je devais retourner là-bas.

Et demain, je saurais enfin ce que nous avions oublié.

Mais une part de moi se demandait si oublier n’avait pas été la meilleure option.

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