Chapitre 11

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Un bruit lointain.

D’abord sourd, indistinct.

Puis plus net.

Une voix.

Finn… Finn, merde, réveille-toi !

Quelqu’un me secouait.

Mes paupières étaient lourdes, collées par une torpeur étrange, comme si j’étais piégé entre deux réalités.

Puis une douleur fulgurante me traversa la tête, et tout revint d’un coup.

Le manoir.

Les souvenirs.

La trappe.

Le labyrinthe sous le sol.

Mes yeux s’ouvrirent brutalement et je me redressai en inspirant une grande bouffée d’air glacé.

Mickey était penché au-dessus de moi, son regard inquiet, ses mains serrées autour de mes épaules.

Putain, t’as fait une syncope ou quoi ?

Les autres étaient là aussi, en cercle autour de moi, le visage tendu.

Sofia s’agenouilla à mon côté et posa une main sur mon bras.

T’es sûr que ça va ?

Je pris quelques secondes pour reprendre mes esprits.

Le parking. Le froid. Le manoir toujours dressé devant nous, immobile mais menaçant.

Tout était revenu.

Je passai une main tremblante sur mon front.

Ouais… Je crois.

Mais en réalité, je n’en étais pas certain.

Car quelque chose en moi avait changé.

Antonin soupira en croisant les bras.

Super, maintenant on tombe dans les pommes aussi. Ça va finir comment, cette histoire ?

Personne ne releva la remarque.

Nous étions trop secoués par ce qui venait de se passer.

Camille s’accroupit à côté de moi, sa lampe torche entre les doigts, la lumière légèrement vacillante.

Tu te rappelles de quoi ?

Je pris une profonde inspiration, mon cœur battant encore un peu trop vite.

On est descendus plus bas. Plus loin que ce qu’on pensait.

Je levai les yeux vers eux.

On a trouvé un putain de labyrinthe sous le manoir.

Un silence.

Puis, lentement, chacun hocha la tête.

Ils s’en souvenaient aussi.

Nous avions tous vu la même chose.

Sofia passa nerveusement une main dans ses cheveux.

Un réseau de tunnels. Plusieurs directions.

Et on y est allés. souffla Léo.

Mickey serra les poings.

Mais pourquoi ?

Personne n’avait de réponse.

C’était comme si nous étions bloqués à une étape de nos souvenirs, incapables d’aller plus loin.

Comme si quelque chose nous empêchait encore de voir la suite.

Léo lança un regard vers le manoir.

Tout ça commence à devenir beaucoup trop gros.

Antonin hocha lentement la tête.

Ouais… Et j’aime pas ça du tout.

Camille prit une grande inspiration.

On a retrouvé nos sacs, nos affaires, mais pas celles de Jordan.

Et maintenant, on sait qu’on est allés plus loin que le sous-sol. compléta Mickey.

Sofia fronça les sourcils.

Ce qui veut dire que Jordan est descendu avec nous.

Un frisson me parcourut.

Oui.

Il était avec nous.

Mais nous ne savions toujours pas pourquoi il n’était jamais remonté.

Ni comment nous avions réussi à oublier tout ça.

Eloïse croisa les bras, le regard fixé sur moi.

Tu crois qu’on va tout retrouver, Finn ?

J’ouvris la bouche… puis la refermai.

Je n’en avais aucune idée.

Mais une part de moi savait que c’était inévitable.

Nous étions trop proches.

Nous avions déjà soulevé trop de morceaux du passé.

Nous allions retrouver chaque souvenir, qu’on le veuille ou non.

Et quelque chose me disait que ce que nous allions voir n’allait pas nous plaire.

Mickey soupira et passa une main dans ses cheveux.

On n’a pas le choix.

Sofia tourna la tête vers lui.

Qu’est-ce que tu veux dire ?

Il nous regarda un à un, son expression sombre.

On doit rouvrir la trappe.

Un silence glacial s’abattit sur le groupe.

Léo secoua la tête, visiblement sous le choc.

Non. Non, attends. On a retrouvé ces souvenirs juste ici, en pleine journée, et tu veux me dire qu’on devrait replonger là-dedans ?

Oui. répondit Mickey sans hésitation.

Léo explosa.

T’es complètement malade !

Mickey le regarda, impassible.

On savait déjà que ce manoir cachait quelque chose. Mais maintenant, on sait qu’il cache plus que ce qu’on pensait.

Il marqua une pause, puis ajouta d’une voix plus posée :

On ne peut pas partir sans savoir ce qui est arrivé à Jordan.

Personne ne parla.

Nous savions tous que c’était vrai.

Nous ne pouvions pas faire marche arrière.

Eloïse expira lentement.

D’accord. Mais on se prépare mieux cette fois.

Mickey acquiesça.

On revient demain soir. Avec tout ce qu’il faut.

Antonin passa une main sur son visage, épuisé.

On va tous finir tarés…

Nous prîmes encore quelques minutes avant de nous disperser.

Chacun avait besoin de temps pour assimiler la décision que nous venions de prendre.

Nous allions rouvrir la trappe.

Nous allions retrouver l’endroit où nous étions descendus.

Et nous allions enfin savoir ce qui nous avait fait fuir, quatre ans plus tôt.

Je jetai un dernier regard au manoir.

Une ombre passa devant une fenêtre brisée.

Je me figeai.

Non.

Ce n’était sûrement rien.

Juste mon esprit fatigué qui me jouait des tours.

Du moins…

C’est ce que je voulais croire.

Le trajet jusqu’à mon appartement se fit dans un silence pesant.

Kentin était assis côté passager, les bras croisés, regardant par la fenêtre sans un mot. Il n’était pas idiot—il savait que quelque chose me rongeait, mais il attendait que je sois prêt à parler.

La ville défilait sous les lumières tremblantes des réverbères, les immeubles sombres se dressant comme des silhouettes figées dans la nuit.

J’aurais voulu apprécier ce moment de calme, laisser la fatigue prendre le dessus…

Mais mon esprit était ailleurs.

Coincé dans ces catacombes que nous avions oubliées.

Je voyais encore ces tunnels qui s’enfonçaient dans toutes les directions, ces murs humides où la lumière de nos lampes torches semblait se dissoudre dans l’ombre.

Je me rappelais le froid, l’écho de nos pas, et ce son.

Ce même bruit, encore et encore.

Ce qui nous suivait.

Une sensation de frisson me parcourut l’échine, et je resserrai mes doigts sur le volant.

Kentin finit par briser le silence :

T’es ailleurs, Finn.

Je ne répondis pas tout de suite.

Les feux rouges défilaient, et mes pensées s’embrouillaient.

T’as raison. finis-je par souffler.

Kentin m’observa un instant avant de soupirer et de se caler contre le siège.

Tu veux m’en parler ou je dois deviner ?

Je mordis l’intérieur de ma joue.

C’est compliqué.

Tout est compliqué avec toi, de toute façon.

Son ton n’était pas moqueur, juste fatigué.

Il voulait comprendre, mais il savait qu’il ne pouvait pas.

Parce que lui, il n’avait pas été là, quatre ans plus tôt.

Parce qu’il ne pouvait pas voir ce que nous voyions.

Nous arrivâmes enfin chez moi.

Kentin entra sans poser de questions, s’affalant sur le canapé pendant que j’enlevais ma veste et allais dans la cuisine.

T’as encore du café ? demanda-t-il en allumant la télé.

Pas sûr. répondis-je en fouillant dans mes placards.

Il grogna, puis haussa les épaules avant de zapper sur une chaîne au hasard.

Le bruit de fond me fit du bien.

Une illusion de normalité.

Une part de moi avait besoin de ça.

Je pris une douche rapide, laissant l’eau chaude apaiser mes muscles tendus, puis je rejoignis Kentin dans le salon.

Il était toujours devant la télé, fixant un vieux film d’horreur sans grande conviction.

T’es pas censé aimer ce genre de conneries ? lançai-je en m’asseyant à côté de lui.

Pas quand je sais que t’as une vraie histoire flippante à me raconter et que tu refuses de le faire.

Je levai les yeux au plafond.

Ça va, Kentin.

Il ne répondit pas.

Mais je sentais qu’il attendait.

Il savait que j’allais finir par parler.

Sauf que ce soir-là…

Je voulais juste oublier.

Mais la nuit ne me laissa pas ce luxe.

Dès que je fermai les yeux, le passé m’engloutit.

Quatre ans plus tôt.

Les catacombes.

L’odeur de pierre humide et de terre froide.

Le silence étouffant, brisé uniquement par nos propres respirations.

Et ces tunnels qui s’étendaient devant nous, comme une toile de noirceur infinie.

Je nous voyais clairement.

Nous étions perdus.

Les lampes torches tremblaient dans nos mains.

On prend quelle direction ? demanda Sofia, sa voix plus fébrile qu’elle ne voulait le montrer.

Jordan regarda autour de lui, incertain.

Je sais pas… Mais on doit continuer.

Un frisson parcourut mon échine.

Nous avions hésité.

Nous avions senti que quelque chose clochait.

Mais nous avions avancé.

Puis…

Ce bruit.

Ce son déchirant venu d’un des tunnels.

Un long grondement, comme si quelque chose se réveillait.

Nos souffles se bloquèrent.

Puis tout devint noir.

Je me redressai d’un coup, haletant, les draps collés à ma peau par la sueur.

Ma respiration était saccadée, mon cœur battait trop vite.

Putain…

Je clignai des yeux, cherchant à dissiper les images du rêve.

Le salon était plongé dans l’obscurité, Kentin dormait encore sur le canapé, sa tête enfoncée dans un coussin.

La télé était restée allumée, diffusant une lumière bleutée fantomatique dans la pièce.

Je passai une main sur mon visage, tentant de me calmer.

Mais une seule pensée persistait.

Nous avions entendu quelque chose, quatre ans plus tôt.

Et maintenant…

Je savais que nous allions l’entendre à nouveau.

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