Chapitre 13

6 minutes de lecture

L’air était plus froid que la veille.

Ou peut-être que c’était notre propre peur qui nous glaçait jusqu’aux os.

Nous avancions lentement dans le manoir, nos pas résonnant sur le plancher vermoulu. Chaque grincement nous donnait l’impression que le bâtiment lui-même respirait, qu’il s’étirait et se contractait autour de nous, nous retenant dans son emprise invisible.

Nous savions où aller.

Nous avions passé le hall, contourné les meubles recouverts de draps blancs jaunis par le temps. Nous avions descendu l’escalier, traversé la pièce en sous-sol, et maintenant…

Nous étions devant la trappe.

Celle qui nous avait conduits, il y a quatre ans, vers quelque chose que nous n’étions jamais censés revoir.

Mickey inspira profondément et posa la main sur la poignée métallique rouillée.

Un instant d’hésitation.

Puis il tira.

L’odeur d’humidité et de terre froide nous enveloppa immédiatement.

La même qu’avant.

La même que dans mes rêves.

Un courant d’air remonta du tunnel, sifflant doucement contre les parois, comme un soupir d’outre-tombe.

Antonin recula d’un pas, blêmissant.

Putain…

Léo le dévisagea.

Quoi ?

Il secoua la tête, fixant l’obscurité sous nos pieds.

J’ai eu l’impression… d’entendre quelqu’un respirer.

Un frisson général parcourut le groupe.

Personne ne répondit.

Nous avions tous ressenti quelque chose.

Mais aucun de nous n’osa mettre de mots dessus.

Mickey alluma sa lampe torche.

On y va.

Et un à un, nous descendîmes à nouveau dans les ténèbres.

L’échelle en métal grinça sous notre poids.

Dès que mes pieds touchèrent le sol, je sentis la terre meuble, froide, collante sous mes semelles.

Sofia, qui était descendue juste avant moi, observait les lieux avec une expression indéchiffrable.

Nous étions de retour.

Les tunnels s’étendaient encore devant nous, des couloirs creusés à même la pierre, s’enfonçant dans toutes les directions.

Nos lampes torches projetèrent des ombres déformées sur les parois humides.

Je sentis une oppression étrange, comme si ces murs gardaient un souvenir de notre passage.

Comme si nous n’étions jamais vraiment partis.

Mickey passa devant, avançant avec précaution.

Nous suivîmes le couloir principal, les battements de notre cœur résonnant au même rythme que nos pas.

Puis, au bout de quelques minutes…

Camille s’arrêta net.

Attendez. Regardez ça.

Elle pointa du doigt un petit renfoncement dans le mur, à peine visible.

Là, posés sur le sol, des objets.

Des vieilles affaires, recouvertes de poussière.

Et au milieu…

Un carnet en cuir.

Un frisson me parcourut.

Nous nous approchâmes lentement.

Nos lampes révélèrent un sac à dos éventré, quelques vêtements sales, et…

Des feuilles froissées, écrites à la main.

Sofia tendit la main avec prudence et ramassa l’un des papiers.

Son souffle se bloqua.

C’est son écriture.

Un silence lourd s’abattit sur nous.

Je pris une grande inspiration et récupérai le carnet en cuir.

Léo se pencha sur les papiers éparpillés.

Il écrivait… ici ?

Mickey hocha lentement la tête.

Ou bien… Il était encore là après nous.

Cette idée nous figea tous sur place.

Sofia lut une ligne à voix haute, sa voix tremblante :

"Je suis toujours là."

Son regard se releva, terrifié.

Il a écrit ça après… après que nous soyons partis ?

Un frisson collectif nous traversa.

Mais ce n’était pas le pire.

Car juste à côté…

Il y avait d’autres lettres.

Et une autre écriture.

Les pages étaient différentes.

Le papier était jauni, plus ancien, comme s’il datait d’une autre époque.

Mais ce n’était pas ce qui nous glaça le sang.

C’était les mots qui y étaient inscrits.

"Tu ne peux pas partir."

"Ils ne reviendront pas."

"Tu es à nous."

Sofia recula brusquement, comme si la feuille brûlait ses doigts.

C’est… C’est pas lui qui a écrit ça.

Mickey fronça les sourcils et prit une autre page.

Il lut à voix haute, lentement, chaque mot résonnant dans l’obscurité :

"Tu dois oublier."

"Ils ont oublié."

"Bientôt, toi aussi."

Mon souffle se coupa.

Nous échangions des regards terrifiés.

Quelqu’un…

Ou quelque chose

Avait écrit ces phrases à Jordan.

Un bruit résonna soudainement dans le tunnel.

Un frottement contre la pierre.

Lent. Glissant.

Nous fîmes volte-face, lampes braquées vers l’obscurité.

Mais il n’y avait rien.

Juste l’écho de notre propre angoisse.

Mes mains étaient moites autour du carnet.

Je l’ouvris précipitamment, feuilletant les pages tremblantes.

Les dernières phrases écrites par Jordan étaient presque illisibles, tracées à la hâte, comme s’il avait écrit dans un état de panique totale.

"Ils ne veulent pas que je parte."

"J’ai essayé."

"Mais à chaque fois, je me retrouve ici."

"Je crois que je suis déjà mort."

Je sentis mon sang se glacer.

Et alors que je levais les yeux vers les autres…

Sofia laissa échapper un cri.

Son regard était fixé sur le mur du tunnel.

Et quand je tournai ma lampe dans cette direction…

Je vis l’inscription gravée dans la pierre.

Trois mots.

Trois mots griffés à même la roche, comme si quelqu’un avait voulu nous laisser un dernier message.

"NE DESCENDEZ PAS."

Un silence glacial s’abattit sur nous.

Personne ne bougeait, personne ne parlait.

Nos lampes torches tremblaient légèrement dans nos mains, projetant des ombres mouvantes sur les parois du tunnel. Les mots gravés dans la pierre restaient figés devant nous, comme un avertissement tardif, comme une dernière chance de reculer.

Mais nous ne reculâmes pas.

Nous étions trop loin.

Trop proches de la vérité.

Mickey brisa le silence en prenant une inspiration tremblante.

On continue.

Sa voix était ferme, mais pas aussi assurée qu’il aurait voulu.

Antonin tourna brusquement la tête vers lui, son visage blême de panique.

Tu veux continuer ? Après ça ?!

Il montra les lettres, le message gravé dans la pierre, le sac éventré, tout ce qui prouvait que Jordan avait été ici après nous… et qu’il n’en était jamais ressorti.

T’as perdu la tête, c’est ça ? ajouta Antonin, sa voix montant d’un cran. On a toutes les preuves qu’on veut ! On sait qu’il est resté ici ! Qu’il était coincé ! On n’a pas besoin d’aller plus loin !

Mickey le fusilla du regard.

"Toutes les preuves" ? Tu crois vraiment qu’on a compris ce qui s’est passé ?

Putain, mais écoute-toi !

Antonin fit un pas en arrière, les mains tremblantes.

Tu veux quoi ? Trouver son cadavre ?

Un frisson me traversa.

Mickey resta figé, sa mâchoire crispée, ses poings serrés.

Il aurait pu répondre oui.

Mais il ne le fit pas.

Parce que, d’une certaine manière, nous savions tous que c’était une possibilité.

Sofia passa une main sur son visage, visiblement secouée.

Et si Antonin avait raison ? souffla-t-elle. Et si on… On allait trop loin ?

Camille hocha la tête, mal à l’aise.

Je sais pas… C’est comme si, plus on avançait, plus… quelque chose essayait de nous avertir.

Elle jeta un regard nerveux vers les lettres.

Ces messages… murmura-t-elle. C’est comme si quelqu’un voulait qu’on s’arrête.

Léo grogna, agacé.

Ou alors, c’est juste un putain de canular.

Antonin éclata de rire, un rire nerveux, un peu trop proche de la panique.

Un canular ?! Un canular qui dure depuis quatre ans ?!

Il secoua la tête.

Non. Je le sens pas. Je le sens pas du tout.

Ses yeux cherchaient une issue, un moyen de fuir.

Je refuse de continuer.

Mickey serra les dents.

Alors quoi, tu nous laisses ici ?

Antonin le regarda comme si c’était la meilleure idée qu’il ait jamais entendue.

Ouais.

Putain, Antonin, réfléchis ! siffla Mickey. On a oublié tout ça pendant quatre ans ! Tu crois pas que ça veut dire quelque chose ? Tu crois pas que si on arrête maintenant, on va juste continuer à vivre avec ce putain de trou noir dans nos têtes ?

Peut-être que c’est mieux. lâcha Antonin, son regard brillant d’une peur brute.

Son ton était glacial, tranchant.

Peut-être que si on a oublié… c’est parce qu’on aurait dû oublier.

Un silence poisseux s’abattit sur nous.

Mickey ouvrit la bouche pour répliquer, mais il ne trouva rien à répondre.

Parce que, au fond…

Nous avions tous déjà eu cette pensée.

Et elle nous terrifiait.

Léo croisa les bras, mal à l’aise.

Bon, alors qu’est-ce qu’on fait ?

Mickey pinça les lèvres, puis planta son regard dans celui d’Antonin.

Tu veux partir ? Très bien.

Son ton était dur, presque méprisant.

Personne ne te force à rester.

Antonin ouvrit la bouche, hésita… puis secoua la tête.

Je vais pas rester une minute de plus ici.

Il fit demi-tour, prenant le chemin de l’échelle.

Eloïse jeta un regard au groupe, indécise.

Attendez… On va juste le laisser partir tout seul ?

On peut pas le forcer à rester. dit Camille, sa voix tremblante.

Personne n’ajouta rien.

Nous regardâmes Antonin s’éloigner, sa lampe torche tremblotant légèrement sur les murs humides.

Puis, il disparut dans l’ombre.

Un frisson sourd me parcourut.

Il venait de partir.

De nous laisser ici.

Et maintenant…

Il ne restait plus que nous, l’obscurité des tunnels, et ces lettres hantées qui nous murmuraient d’arrêter.

Je serrai le carnet contre moi.

Quelque chose me disait que nous étions sur le point d’apprendre ce que nous avions oublié.

Mais ce pressentiment s’accompagnait d’une certitude bien plus terrible.

Ce n’était pas une bonne chose.

Et peut-être qu’Antonin avait raison.

Peut-être que nous aurions oublier.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Podqueenly ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0