chapitre 14

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L’écho des pas d’Antonin s’éloigna dans l’obscurité, puis… plus rien.

Un silence épais retomba dans le tunnel, si dense qu’il semblait peser sur nos épaules, sur nos poumons.

Nous restâmes figés quelques instants, les yeux rivés vers l’endroit où il avait disparu, comme si nous nous attendions à l’entendre revenir.

Mais il ne revint pas.

Et ce fut encore pire que s’il avait crié.

Je pris une inspiration.

Un frisson me parcourut immédiatement.

L’air avait changé.

Il était plus froid, plus lourd.

J’avais l’impression qu’il passait difficilement dans ma gorge, comme s’il était devenu plus dense, chargé de quelque chose que nous ne pouvions pas voir.

Sofia mit une main devant son nez, grimaçant.

Vous sentez ça ? murmura-t-elle.

Nous nous reniflâmes instinctivement.

Une odeur étouffante, métallique, stagnait dans l’air.

Une odeur de rouille et de terre mouillée, de pierre trop vieille, imprégnée d’un passé que nous n’étions pas censés réveiller.

Mickey braqua sa lampe vers le tunnel devant nous.

On continue.

Personne ne protesta.

Même si chaque fibre de mon être criait de faire demi-tour.

Nous avancions lentement, trop lentement.

Nos faisceaux illuminaient les parois humides et décomposées, révélant des racines noires, tordues comme des veines, qui perçaient la roche par endroits.

Elles palpitaient légèrement.

Je m’arrêtai, foudroyé par une impression délirante.

Attendez…

Les autres se retournèrent.

Je pointai les murs, les fissures dans la pierre, la mousse qui s’y était installée, et surtout…

Les traces.

Elles étaient là.

Des marques sur les parois, des empreintes de doigts creusées à même la pierre, comme si quelqu’un avait essayé de s’agripper.

Ou de s’enfuir.

Mon ventre se contracta violemment.

Ce n’était pas de simples fissures.

C’étaient des griffures humaines.

C’est quoi, ça ? chuchota Camille, les yeux agrandis d’horreur.

Nous ne répondîmes pas.

Nos regards étaient fixés sur un autre détail.

Plus loin, sur le mur, il y avait des mots.

Gravés comme les précédents, mais plus désordonnés, plus frénétiques.

Les lettres tremblaient, certaines étaient rayées, d’autres recouvertes par des marques profondes, comme si celui qui les avait écrites avait perdu tout contrôle.

Mickey s’approcha et braqua sa lampe dessus.

Nous lûmes tous en même temps.

"NE FERMEZ PAS LES YEUX."

Ma gorge se serra.

Quelqu’un avait voulu nous avertir.

Quelqu’un qui savait.

Quelqu’un qui était ici avant nous.

Un souffle court résonna près de mon oreille.

Je tressaillis violemment et me retournai d’un coup, la lampe tremblante.

Quoi ?! lâcha Léo, surpris.

J’ouvris la bouche, puis la refermai.

Il n’y avait rien.

Rien derrière moi.

Mais j’aurais juré que quelqu’un venait de murmurer mon prénom.

Nous continuâmes à avancer, et plus nous nous enfoncions, plus le tunnel semblait s’étirer.

Ce n’était plus un simple passage souterrain.

C’était un gouffre.

Nous aurions dû retrouver la salle où nous étions arrivés il y a quatre ans.

Mais ce n’était pas la même.

Elle était plus grande.

Plus sombre.

Et au centre…

Un autel de pierre, couvert de poussière et de toiles d’araignée, entouré de symboles gravés sur le sol.

Léo déglutit.

Quelqu’un habitait ici ?

Sofia secoua la tête, les traits figés.

Non.

Elle recula d’un pas.

Quelque chose… y vit encore.

Un silence brutal s’abattit.

Mickey s’approcha prudemment de l’autel, tendant la main vers ce qui ressemblait à un vieux cahier posé dessus.

La couverture était abîmée, et une fine couche de moisissure collait encore aux pages.

Il hésita…

Puis il l’ouvrit.

Les premières pages étaient vides.

Jaunies, imbibées d’humidité.

Mais plus Mickey tournait les pages, plus des mots apparaissaient.

Des phrases griffonnées, écrites à l’encre délavée, certaines raturées, d’autres illisibles.

Et au milieu…

Un nom.

Jordan.

Mon souffle se coupa.

Nous nous serrâmes autour du livre, nos lampes projetant une lumière tremblante sur les mots maudits.

Mickey fronça les sourcils et lut à voix haute :

"Je ne suis pas seul."

"Ils me parlent."

"Je ne veux pas voir."

"Ne fermez pas les yeux."

Sofia porta une main à sa bouche.

Oh merde…

Camille recula légèrement, la peau blême.

Jordan a écrit ça ?

Nous nous regardâmes, et une pensée atroce nous frappa tous en même temps.

Si Jordan était resté ici après nous…

Alors à qui appartenait l’autre écriture dans les lettres ?

Un bruit.

Loin, au fond du tunnel.

Un grattement lent, contre la pierre.

Nous levâmes tous nos lampes en même temps.

Mais il n’y avait rien.

Seule l’obscurité étouffante, mouvante, vivante, nous fixait en retour.

Mickey referma brusquement le cahier.

On doit partir.

Sofia hocha la tête violemment.

Oui. Maintenant.

Nous fîmes volte-face, prêts à remonter l’échelle, à abandonner ce cauchemar…

Mais alors que nous tournions les talons…

Quelque chose m’arrêta.

Sur le mur.

Là, devant nous.

Une nouvelle inscription…

Celle que nous n’avions pas vue en arrivant.

Et cette fois…

Ce n’était pas une mise en garde.

Ce n’était pas une supplique.

C’était un avertissement clair.

Et il était écrit en lettres rouges.

"VOUS ÊTES DÉJÀ EN BAS."

Le message sur le mur nous laissa figés, incapables de respirer, incapables de bouger.

"VOUS ÊTES DÉJÀ EN BAS."

Ces mots semblaient nous observer, imprimés directement dans nos esprits.

Comme une vérité que nous n’étions pas prêts à entendre.

C’est une blague… ça doit être une putain de blague… murmura Léo, reculant lentement, le visage livide.

Mais aucun de nous ne rit.

Parce que nous savions que rien ici n’était une blague.

Mickey, dans un réflexe brutal, pointa sa lampe vers l’échelle.

Mais elle n’était plus là.

Ou plutôt…

Elle n’était plus à la même place.

Le mur où elle se trouvait quelques instants plus tôt n’était plus qu’une paroi de pierre lisse, froide, impénétrable.

Non… non, non, non… balbutia Sofia, son souffle saccadé.

Elle s’élança vers l’endroit où nous étions censés remonter, ses mains cherchant désespérément une prise invisible.

Mais il n’y avait rien.

Aucune échelle.

Aucune issue.

Seulement les ténèbres qui nous encerclaient.

Nous étions enfermés.

Coincés dans un endroit qui ne devait pas exister.

Je sentais mon cœur cogner dans ma poitrine, mes muscles se contracter sous la panique grandissante.

Quelque chose clochait…

Ce n’étaient pas juste des tunnels.

Ils changeaient.

Ils se mouvaient autour de nous.

Comme un labyrinthe vivant, tournant sur lui-même, nous gardant prisonniers.

On s’est trompés de chemin… souffla Camille, presque pour elle-même. On a pris une mauvaise direction…

Mais au fond, nous savions que ce n’était pas vrai.

Nous n’avions pas choisi d’être perdus.

Quelque chose nous avait menés ici.

Et maintenant…

Il nous gardait.

Nous marchâmes pendant ce qui nous parut des heures.

Le temps n’avait plus de sens.

Nous suivions les tunnels, tournant à gauche, à droite, encore à gauche, encore à droite…

Et pourtant, nous étions toujours au même endroit.

Toujours dans ce couloir sans fin, avec ces murs qui suintaient, ces symboles gravés dans la roche, ces empreintes de mains, trop nombreuses pour être les nôtres.

Nos lampes torches faiblissaient.

Nos gorges s’asséchaient.

Nos jambes tremblaient.

Nous étions fatigués.

Mais plus nous avancions, plus l’air se raréfiait, plus nos respirations devenaient difficiles.

Comme si nous n’étions plus supposés respirer ici.

On tourne en rond. lâcha brusquement Léo, sa voix étranglée.

Non… non, je crois que ce n’est plus le même tunnel… hésita Camille.

C’est le même ! hurla Léo, sa lampe vacillant sous l’angoisse. Regardez !

Et nous vîmes.

Le même message sur le mur.

"VOUS ÊTES DÉJÀ EN BAS."

Nous avions marché pendant des heures, et nous étions revenus exactement au même endroit.

Sofia étouffa un sanglot.

Ce n’est pas possible… Ce n’est pas possible…

Elle posa une main contre la pierre, haletante, ses épaules secouées de spasmes.

Mais alors qu’elle touchait la paroi…

Quelque chose bougea sous ses doigts.

Un mouvement infime, visqueux, comme si le mur était vivant.

Elle recula d’un bond, son cri se coinçant dans sa gorge.

Nous braquâmes tous nos lampes sur le mur.

Les inscriptions avaient changé.

Elles étaient devenues un message différent.

Un message personnel.

Un message adressé à nous.

"NOUS SAVONS QUI VOUS ÊTES."

Le sol se mit à vibrer sous nos pieds.

Un grondement sourd, lent, comme un souffle émergeant des profondeurs.

Je sentis un vertige violent me prendre, mes oreilles bourdonner, ma tête tourner sous un poids invisible.

Quelque chose était ici.

Quelque chose qui nous attendait.

Je posai une main sur mon front, cherchant à reprendre mes esprits.

Mais plus je tentais de réfléchir, plus mon esprit se brouillait.

Je ne savais plus depuis combien de temps nous étions là.

Depuis combien d’heures.

Depuis combien de jours.

Depuis combien d’années.

Un souffle chaud glissa contre ma nuque.

Je me figeai.

Mes yeux s’agrandirent, mes muscles se tétanisèrent sous une terreur instinctive.

Je voulais me retourner.

Je voulais courir.

Mais mon corps refusait de bouger.

Et alors…

Une voix se glissa dans mon oreille.

Lente.

Horriblement calme.

Une voix qui n’aurait pas dû exister.

Une voix qui me reconnaissait.

Finn…

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