L’amertume du café manque de le faire vomir. Le liquide fumant décrasse ses papilles, torche son gosier. Peu à peu, la brume se dissipe et les souvenirs émergent.

Un mélange de couleurs pétantes, de liqueurs bon marché et de graillon huileux. Il se prend la tête. Un marteau-piqueur lui vrille le crâne, cette gueule de bois lui fait un mal de chien ! Qu’est-ce qu’il a fait cette nuit déjà ? Zouker parmi les fêtards, oui… pisser sur les chrysanthèmes du jardin… Bah, ils avaient besoin d’eau de toute façon… Planter des sardines équidistantes pour quelques bambochards… Il aurait dû les rejoindre dans leur tente, plutôt que prendre la route…

La route, c’est ça ! Il avait conduit cette nuit, beaucoup même. Seul ?

Non, pas tout le temps. Avant de quitter la villa, il s’était entiché d’une fille, avait tenté une idylle d’un soir, éventuellement complétée d’une langoureuse turlute. Mais il a dû se faire couillonner ou larguer, parce qu'au petit matin, il est seul.

Son regard balaie le diner. La salle est pratiquement déserte. Un vieux couple se pète la panse aux flageolets au comptoir et la serveuse… non, le serveur joue du percolateur auprès d’un groupe de routiers bourrus. Assis au fond d’une banquette encoignée, bercé par la lente mélopée d’un blues passé, il peut remettre de l’ordre dans ses idées.

Comment est-ce qu’il est arrivé ici ? Il est parti plus tôt qu'il ne l'a voulu à cause... à cause de quoi, déjà ? Il y a une raison. Il en a toujours une pour s'arracher au soirée de José.

Il avale une gorgée de café. Immonde toujours, mais de l’aigreur, nait un nom. Doux, vaporeux, qui pourtant lui comprime la trachée.

"Alice..." murmure-t-il, larme à l’œil.

C’est qui ça, Alice ? Et pourquoi il chiale comme ça ?

Qu’est-ce qu’il s’est passé cette nuit, bordel ?!