L'Art des DIeux

Image de couverture de L'Art des DIeux

    L'être humanoïde lumineux s'effondre dans son canapé. Il est tendu. Quelque chose, terré au plus profond de lui le prend aux tripes. Il va se passer quelque chose, il le sait. Théodor sent en effet monter en lui le pouvoir aussi inexplicable que merveilleux qu'est la Création. La Création Artistique. 

    Alors, cette chose renfermée en lui s'éveille et remonte par les fluides de son corps, puis par son système nerveux, un ensemble de câbles électriques qui servent à encoder les pensées, les émotions, les sensations, les ... idées. Oui, il la sent. Cette chose qui remonte est une idée. Elle va bientôt naître à présent. Picotements. Frissonnements.

    Ça y est.

    Elle est née. Par tous les mondes, que cette idée est merveilleuse ! pensât Théodor. 

    Alors ? Alors il faut se mettre au travail, parce que cette idée prend rapidement toute la place possible dans l'esprit de Théodor. Elle devient oppressante, pugnace, insistante. Elle semble retentir comme une alarme dans l'être inconscient. Puis l'être conscient. 

    Ça ne s'est encore jamais vu dans le monde de l'Art des Dieux, songeât Théodor.

    Alors l'être de lumière se rend dans la salle obscure. C'est en ce lieu que toutes les oeuvres d'art de Théodor ont été conçues.

    Il se concentre, ferme ses yeux et fronce ses sourcils pour mieux visualiser son projet.

    Magnifique.


    Avec ses mains, il regroupe toute l'énergie qui veille en lui pour ... créer de la matière brulante. 


    D'abord, il faut donner au matériau la forme souhaitée, pendant qu'il est encore chaud et malléable.


    La matière rouge feu semble s'enrouler autour d'un axe invisible. Une sphère apparait.


    Jusque là, rien de nouveau. Tous les artistes du monde des Dieux commencent par créer une sphère. Mais la mienne aura quelque chose de tout à fait à part.


    Théodor se saisi de la sphère brûlante. La douleur est à la limite du supportable, mais Théodor est un Dieu, il peut supporter tous les maux. 


    Il se concentre encore plus.


    La lumière qui l'habite se fait plus éblouissante, l'être de lumière semble sur le point de s'embraser. 


    La sphère refroidit.


    Une couche de gaz recouvre maintenant parfaitement l'objet sphérique. 


    Théodor se concentre encore plus. Il fait appelle à toute l'énergie de tout son être jusque dans les recoins les plus obscurs de son corps.


    Quelque chose se passe. Quelque chose d'exceptionnel qu'aucun artiste n'avait réussi avant.


    De l'eau. La sphère se recouvre d'eau. Par endroit, la matière initiale, qui s'est refroidit puis solidifiée, jaillit de ces eaux profondes.

    Théodor élève la sphère au-dessus de sa tête. L'utilisation de toute son énergie atteint son paroxysme.

    Alors, quelque chose de plus extra-ordinaire encore que la création de l'eau survient. 

    La vie.

    La vie sous sa forme la plus basique apparait au fond de l'eau. Théodor ne peut pas la voir, cette forme de vie est bien trop petite. Mais il la sent.

       _  Bonjour, vie. Je t'es créée. Et maintenant, que le spectacle grandiose commence !


       _ J'ai besoin de temps, mon Dieu. Laisse moi me développer.


    L'organisme unicellulaire se développe pour devenir un organisme pluricellulaire. Le spectacle commence. 


    Une première forme de vie macroscopique. Un être vivant aquatique.


    Grandiose !


    Le temps passe.


    Plusieurs organismes différents se développent. Plusieurs espèces. Dont une tout à fait singulière. Elle ... elle sort de l'eau. 


    La première espèce amphibie !


    Théodor ne peut que deviner très difficilement ces formes de vies qui grouillent sur sa petite sphère bleue. Mais il les sent. Il les sent toutes. 


    Ça grouille. Le temps passe à une vitesse faramineuse sur cette petite sphère. Des millions d'année sur la sphère correspondent à quelques heures dans le monde des Dieux. 


    J'ai réussi. Formidable ! Maintenant, je dois trouver ... un public. Oui, un public qui pourra l'apprécier. Mais je vais d'abord la montrer à Gaïa. Elle va adorer, j'en suis sûr ! Peut-être pourrai-je alors la séduire ?


    Pendant que Théodor va chercher Gaïa, qui habite quelques rues plus loin, la vie continue à se développer sur la petite sphère.


    _ Incroyable ! Comment as-tu fais Théodor ? 


    Gaïa est belle, sa lumière brille plus que les autres déesses de la cité. Mais elle est une éternelle insatisfaite. Il est difficile de trouver une oeuvre d'art qui lui plaise.


    _  Je me suis concentré Gaïa. Tu sais, j'ai souvent pensé à toi pendant la Création. Tu m'as permis d'aller chercher en moi une énergie dont je ne soupçonnais pourtant pas l'existence. Et c'est grâce à cette énergie que j'ai pu recréer la vie ailleurs que dans le monde des Dieux !


    Gaïa avait l'habitude que les Dieux tentent de la séduire ainsi.


    _ Merci, Théodor. Ton oeuvre est très belle. Et pourtant ... il manque quelque chose pour qu'elle soit parfaite. Si tu arrives à créer cette chose alors tu m'auras définitivement impressionnée.


    _ Je vais y travailler, Gaïa.


    La nuit qui suit cette incroyable journée de création est agitée pour Théodor. Que manque-t-il à cette oeuvre pourtant déjà si complète ? Puis lui vient une idée formidable. 


    Des artistes ! Il manque des êtres doués de la capacité à créer, à aimer, à détester. 


    Le lendemain, très tôt, Théodor se met au travail. Ses mains lumineuses virevoltent au dessus de la sphère en suspens dans les airs. 


    Un être bipède, comme nous. Il devra nous ressembler. 


    Il choisit alors une espèce qui commence à se mettre debout, une drôle de créature poilue vivant en groupe dans les arbres. 


    Il leur insuffle la lumière.


    Le drôle d'animal se lève. Il marche. Et le temps passe.


    Au fil des générations, l'animal perd la majorité de ses poils, et commence à dessiner des choses sur les parois d'une caverne à l'aide de son propre sang qu'il prend directement sur sa blessure infligée par une bête lors de la dernière chasse.


    J'ai réussi !


    Mais Théodor ne veut pas s'arrêter là. Il veut faire évoluer cette espèce pour la gloire des Dieux. Alors, ces petits êtres se mettent à réfléchir encore plus.


    L'intelligence.


    Plusieurs de ces êtres se réunissent et bâtissent des villages, puis des villes. Leurs armes pour se défendre sont de plus en plus efficaces, et commencent à servir également pour l'attaque. 


       Cette espèce est agressive ! J'aime ça.


    Alors Théodor repart chercher Gaïa.


    _ Gaïa, je pense que cette fois-ci, mon oeuvre est parfaite.


    Atterrée, apeurée. Gaïa n'en revient pas. Théodor sent le doute s'immiscer en elle.


    _ Par tous les Dieux Théodor, qu'as-tu fais ? Te rends-tu seulement compte que ces êtres sont trop puissant ? Ils vont échapper à ton contrôle !


    _ Mais non, regarde, ils me craignent. Ils tuent même pour moi.



    Le temps passe dans le monde des Dieux. Gaïa et Théodor ne se parlent plus. Ce dernier a exposé son oeuvre dans la galerie de l'Art des dieux. C'est un succès retentissant. Théodor devient le plus célèbre et le plus puissant de tous les artistes Dieux de la cité. Tous se demandent où a-t-il pu trouver l'énergie créatrice pour en arriver à un tel résultat. 


    Lui, il le sait. L'amour. Puis l'amour déchu. Il a rendu l'espèce douée d'intelligence plus puissante encore. Plus autonome, plus destructrice, plus agressive. 



    C'est la nuit dans la galerie de l'Art des Dieux. La sphère créée par Théodor, qu'il a appelé Gaïa en hommage à son amour de toujours, est en suspens dans un des couloirs du majestueux bâtiment, celui nommé La Voie Lactée, au milieu d'autres sphères tout aussi sublimes, mais qui ne connaissent pas la vie. 


    Une explosion monumentale. Puis une seconde. Des centaines de milliers de morts. Le souffle lumineux attire l'attention de Zeus, le gardien de la galerie. 


    Quelque chose n'est pas normal.


    Zeus prévient immédiatement Théodor. 


    Par tous les Dieux de la cité, ils sont devenus trop puissants ! Gaïa avait raison finalement. Ils s'entretuent grâce à des armes ... atomiques ? Ils maitrisent donc l'atome ? S'il découvrent notre existence, ils pourraient ... nous défier ! Il faut mettre un terme à tout cela.


    Le Créateur doit se résigner à détruire son oeuvre. Sur la place centrale de la cité des Dieux, la sphère bleue, appellée Gaïa, est placée en face d'un Dieu Destructeur, Vulcain. Beaucoup de Dieux se réunissent pour assister à l'évènement. Tous sont très déçus car ils comprennent qu'il sera très difficile de créer une espèce d'artistes non violente et non dangereuse pour les Dieux. Ces mêmes Dieux semblent donc condamnés à vivre seuls dans l'immense espace-temps éternel. 


    Un discours qui retrace l'histoire de Gaïa. Le parcours de son créateur. Puis la sentence. 


    Vulcain se concentre et projette des centaines de petits projectiles en direction de Gaïa.

    La vraie Gaïa, elle, assiste avec soulagement à la destruction de la petite sphère.


    Les projectiles progressent à une vitesse faramineuse.




Les lignes que vous allez lire maintenant se déroulent précisément quelques secondes avant la destruction de la Terre, notre maison, Gaïa.


    L'un de ces êtres si dangereux est devant son ordinateur et doit, dans le cadre d'un défi d'écriture, définir "son monde à lui". Si le concept semble supposer qu'il faille décrire un monde qui n'existe pas forcément, ce petit être humain insignifiant décide de créer la surprise en décrivant son monde à lui, à savoir le vrai monde tel qu'il est réellement, depuis sa création, jusqu'à sa destruction.

    Alors qu'il est sur le point de conclure son texte, dehors, les sirènes retentissent.

    Nous ne sommes pourtant pas le premier mercredi du mois ?


    Le petit être humain sort de chez lui pour voir ce qu'il se passe. Le ciel prend feu.

    Alors il comprends.

    C'est donc la fin. La fin de mon monde à moi.

 



AmourConteFantastique
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L'Art des DIeuxChapitre6 messages | 9 ans

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