Ⅱ - Médecins
Il est un fait bien connu, que de tous les médecins, ceux des Artisans sont les plus craints.
Étant de très grands mathématiciens, physiciens, et avant tout, des constructeurs de génie, les Artisans ne comprenaient rien au corps humain. Ainsi, ce fut Alfred Von Goss, l'un des plus grands statisticiens du siècle dernier, qui posa les bases de la médecine moderne en l'introduisant comme suis:
Soit un patient A atteint d'une maladie B, auscultez-le dans tous les sens et écrivez les résultats de vos analyses sur une feuille de dimension 24x35 à petits carreaux. S'il n'est répertorié aucun remède à ses maux, alors soyez créatif et souriant. Si son état s'améliore, vous pourrez alors vous féliciter d'avoir fait avancer la science en trouvant un nouveau médicament. Que vous pourrez ensuite fiévreusement inscrire dans un grand livre en lui donnant votre nom, ou celui de votre patient toujours en vie.
— Alfred Von Goss, statisticien de son État
P.-S: Ne désespérez pas, vous avez toutes leurs vies pour vous améliorer ;-)
Cette médecine eut pour principe fondateur de ne jamais laisser le patient savoir si son remède était 'innovant' ou déjà éprouvé. Pour ce faire, les médecins avaient développé une écriture secrète, lisibles d'eux seuls.
Étonnamment, cette médecine montra toute son efficacité quelques centaines d'années plus tard, où elle permit de montrer –entre autres– que deux morceaux de verre non-positionnés dans l'œil, pouvaient améliorer la vue ; que –grâce à une compilation de milliers de fiches 24x35 à petits carreaux– la découpe d'organe abaissait systématiquement la longévité, sauf pour ce qu'ils prénommèrent douloureusement «l'appendice», et enfin, que plus grand et convaincant votre sourire était, mieux les patients guérissaient – cette conclusion fut par la suite poussée à son paroxysme pour poser les bases de la politique moderne.
Sentant un frisson électriser son dos, Arsène déclina aussi poliment qu'il le put cette offre menaçante et chercha par tous les moyens à s'éloigner du sujet. Mal l'en pris, sans savoir comment, ils en vinrent à parler de sa situation financière:
— Comment peux-tu être aussi endetté si jeune, alors que toutes tes études sont payées par le gouvernement ? Ne me dis pas que tu t'es mis à ces paris stupides faits dans les bas-fonds ?
— Non, encore heureux, je ne suis pas un de ces travailleurs des mines. Depuis que tu me connais, tu devrais savoir que je suis de nature peu joueuse. Je ne voulais pas m'endetté, j'ai juste pris une ardoise pour acheter quelques pièces, puis quand il a fallut rembourser, je n'avais rien, alors j'ai du me débrouiller... c'est ainsi que je me suis retrouvé avec une montagne d'ardoise. Mais pour ma machine, ça en valait la peine, elle est bien avancée et pourra bientôt...
Sa phrase se fit écraser sous le crissement des roues freinant sur les rails. L'Horizonal était arrivé. C'est ici qu'ils se séparèrent, car Arsène se dépêcha de prendre le train, dont les places se décomptaient déjà. Assis près d'une fenêtre, il se perdit à regarder les rues.
La brume était légère en cette fin de journée, les bâtiments de tristes pierres grises défilaient, imposants. Ils étaient connus pour leurs incroyables robustesses et reconnaissables de par leur esthétique très simple. Certains s'élevaient assez hauts pour pouvoir percer au-dessus de la couche de nuage, là-haut on voyait le bleu du ciel en baignant dans un air pur – quoi qu'extrêmement raréfié.
Les villes des Artisans étaient réparties sur les rares plateaux de la grande chaîne de montagnes. Ces villes s'était d'abord développées horizontalement en créant toujours plus de nouvelles maisons. Mais quand la place vint à manquer, elles amorcèrent un développement vertical. La roche fut creusée en une termitière de nouvelles structures souterraines et avec les pierres extraites, les bâtiments s'élevèrent toujours plus haut.
Ce fut aussi à cette époque que les Artisans résolurent leur plus grand problème: générer de la lumière. C'est en creusant dans les profondeurs de la terre que la réponse vint à eux: les Larmes de Lune. Ce fut ainsi que la vie et la culture souterraine devinrent possibles.
Les poètes de l'age des Mythes chantaient l'histoire des 3 sœurs célestes: Vermille, Claire et Sinistra. Vermille était l'aînée, elle se mirait d'une belle lueur rouge, avançant dans le ciel lentement mais prudemment. Claire, était cristalline et émettait un douce et chaude lumière blanche. Elle aimait courir à une vitesse folle. La dernière était Sinistra, jalouse de ses 2 jolies sœurs, elle émettait une lumière noire. Son orbite était extrêmement chaotique. Un jour, Sinistra de mauvaise humeur percuta Claire frontalement. Cette collision fut d'un impacte tel, qu'elle marqua un nouveau début pour tout calendrier. Dans le ciel, Claire et Sinistra hurlèrent de douleur et des milliers de larmes leurs échappèrent. Les moins chanceuses chutèrent en arc sur la terre, quand la plupart s'élancèrent, encercler la terre d'un anneau plat d'un noir intense pailleté d'éclat d'or. Quant aux 2 sœurs, elles devinrent Aiône, la lune double faces. Ainsi, voit-on Claire à minuit, qui décroit jusqu'à minuit pour laisser sa place à Sinistra.
Les bâtiments ayant la chance de bénéficier de la lumière du soleil étaient ceux des plus hauts talents ou plus riches de la société. Mais Arsène n'avait bien sûr pas cette chance. Il habitait dans l'un des derniers niveaux. Sous ses pieds, il pouvait même entendre miner la création du prochain niveau.
Il descendit de l'Horizonal. Il lui fallait maintenant descendre dans les strates inférieures, il attendit donc un Vertikal.
Les Vertikals étaient des ascenseurs fonctionnant par paires, quand l'un descendait, l'autre montait, le tout contrôlé par un moteur à vapeur. Et tout comme les Horizonals, ils étaient entièrement autonomes, bien que tous comme eux, ils stoppaient à chaque station, quelle que soit votre destination.
L'un d'eux arriva enfin. Après une descente freinée d'arrêts inutiles à chaque étage, Arsène atteignit enfin l'avant-dernier: le sien. En sortant, il prit à gauche, dans une petite rue déserte.
Mais alors qu'il avançait, un éclair cinglant l'aveugla.
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