0 - Envol vers l'inconnu !

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 Du haut de ce quai surplombant d'infinis inconnus, ses chaussures martelaient d'impatience les secondes. Sa cape flottait légèrement, portée par une douce brise chuchoteuse, commère d'échos lointains et de bruits incertains. En sa main, ce gentleman tenait précieusement une vieille montre à gousset. De dessous son haut-de-forme sombre-violet, perçait un regard vif et inquiet, cherchant à décrypter l'impassible devant de brumes blanches.

...Je ne sais pas combien de temps ça leur prendra avant de se rendre compte de la vérité..., mit-il en voix ses pensées.

Surement trop pour nous arrêter..., lui répondit-on d'une voix mal assurée.

...Espérons le… Ah, le voilà enfin ! Sauvés.

De derrière les brumes, un aéronef avait émergé triomphalement du brouillard. Dans son sillage, les nuages s'étaient teintés de rouge, vive couleur de sa coque. Du haut de sa proue, s'élançait une femme pleine de grâce qui, les yeux bandés, pointait du doigt l'horizon, tout sourire niais aux lèvres. Sous cette figure de proue, on pouvait lire gravé sur une plaque d'or: L'Insouciant.

Le navire accosta et la passerelle s'abattit en fanfare. Le troupeau du quai se bouscula pour rentrer – attitude bien mesquine que de courir après des places déjà réservées. Lui non plus ne s'empêcha pas de jouer des pieds et des mains pour arriver en tête. Il fut le premier sur le pont, ombré d'un énorme ballon – l'indispensable flotteur de tout aéronef voulant mettre une distance entre le sol et lui. À bâbord comme à tribord, les petites nageoires stabilisatrices, toute faites de toile et de tendons mécaniques, s'étaient rétractées pour l'accostage. À l'arrière, la cabine du capitaine surplombait le pont, et à travers la verrière, apparaissait le gouvernail principal relié au grand aileron de queue.

Quittant le pont, pour s'enfoncer dans les entrailles ferreuses de cette grande baleine volante, il se dirigea vers son numéro de chambre. En ouvrant la porte, il mit en lumière une petite cabine privée. L'acier cru des murs était meublé par divers tableaux – Arbélion, l'un des père fondateurs de notre pays, ainsi que GrossBelt, l'actuel Chancelier, aimé de tous ceux contraints d'en faire l'effort. Et dans un coin, une petite bibliothèque recensait les livres que chacun se devait d'avoir déjà lus – entre autres: «La Bible des Mécanismes», ou la très célèbre comédie: «Un mage avec un engrenage en moins».

Dès que la porte fut entièrement ouverte, sa compagne de voyage, s'écria avec un accent exotique:

Je prends le lit ! Je te laisse cet étrange tissu qui pend !

Aux paroles se synchronisa l'action ; déjà sur le lit, elle s'allongea lourdement sur le dos, à l'ombre d'un petit livre: «Traité de Grammaire et Conjugaison», qu'elle venait de récupérer dans la bibliothèque adjacente.

Lui s'assit au petit bureau sous le hublot, sortit sa machine à écrire –édition micro– et la nourrit d'un petit rouleau de papier. De ses doigts, il effleura le clavier, pensif. Par où commencer ? Que dire ? Et comment raconter ? Les débuts sont un peu la bête noire, le Minotaure de tout écrivain débutant qui s'aventure sans fil.

Il y réfléchit longuement, se laissant bercer par le roulis. Et alors que son âme s'envolait en rêveries, un éclair d'inspiration le foudroya net et il se mit à taper frénétiquement sur son petit clavier. Touche après touche, la petite machine déroulait une étroite liste de papier, encrée de sa pensée miniaturisée. Les caractères imprimés étaient si petits qu'une puissante lentille était nécessaire pour les relire.

Son inspiration essoufflée, il déchira lentement la bande écrite, et la fit repasser dans sa machine. Sous la loupe, les caractères redevinrent lisibles. Après l'avoir lu et relu, dans tous les sens, de haut en bas, en diagonale, et même de gauche à droite. Il redevint pensif, regardant sa feuille sans la voir, cherchant une vérité au-delà des mots.

Brusquement, il la roula en boule, et la jeta à la corbeille, reprenant la danse de ses doigts sur le clavier. Dans la chambre, seuls les cliquetis des touches restaient audibles, entrecoupés par les fins de colonne, qui le forçaient à remonter en haut de la page, pour ensuite décaler son curseur d'une colonne sur la gauche.

La corbeille débordait ; il en était maintenant certain, aucun début ne saurait le satisfaire ! Mais pourtant, il fut bien obligé de s'en contenter pour paver la suite de son récit.

Pour son entrée en matière, il choisit un point de vue externe, car il disait vouloir faire concurrence au narrateur de sa vie. Ainsi commença-t-il à écrire:

« Du haut de ce quai surplombant d'infinis inconnus, ...

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