Ⅷ - Cœur qui décuve

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Alors qu'il s'approchait, une grosse voix, venant de derrière lui, le fit sursauter :
Vous la connaissez ?!, lui demanda un tavernier aux aguets. Si c'est votre amie, j'espère que vous pourrez régler sa note !

Un autre, dans le fond, reprit avec une conviction imbibée d'alcool:
La petite a parlé d'Mages et d'magie,... faut qu'elle sache qu'ici, eh ben on n'aime pas trop ça, on aime pas du tout za même, pas vrai les copains !?, conclut-il en s'effondrant sur la table, tout brandissant en étendard, un gobelet qui dégoulinait de sainte piquette, allant parfumer ses cheveux gras.

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Il est à savoir que les mages étaient considérés mot pour mot comme des "consanguins arrogants", certains les tenant même pour responsables de la chute de l'Empire.

Bref, personne ne les aimait, mais tous savaient garder leur langue dans leur poche devant leur puissante magie. Si bien que la seule chose qui ne soit jamais arrivée à leurs oreilles était un fleuve qui ne tarissait pas d'éloges.

Les Mages étaient tellement énervants, qu'il y eut un consensus —une grande blague— qui voulait que quand l'un d'eux vous demandait votre avis, il fallait lui répondre que les Mages étaient la meilleure 'race' au monde et que les autres n'étaient même pas dignes de les côtoyer...... Ce qui alimentait d'autant plus leur orgueil, déjà magistrale.

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Arsène, prudent, regarda l'addition avant de répondre aux accusations. Quoi ? Tant que ça ?! Même ce pauvre lui ne gagnait pas tant en un mois... Il hésita longtemps, dévisageant tour à tour Sereine et sa bourse fraîchement reçue — en valait-elle le prix ? Honnêtement, il n'en était pas sûr... Mais il se rappela alors d'un vieux dicton qui disait : « L'argent n'a pas de prix ». Même s'il n'était plus trop sur du sens, il préféra —par précaution— sacrifier sa bourse pour la tirer de ce mauvais pas.

La mort dans l'âme, il ramena l'ivrogne chez lui. Pendant tout le chemin, elle se traîna. À chaque pas, l'alcool triste lui monter à la tête. Elle s'adressait à lui tout en murmurant dans sa langue natale toute sa tristesse. Bien qu'il eût voulu en savoir plus, la barrière linguistique lui restait infranchissable — déjà qu'il avait du mal à la comprendre quand elle faisait tous les efforts du monde pour s'exprimer en langue assez incorrecte pour qu'il la comprenne...

Alors qu'il était tout près de chez lui, il repassa par la rue où il l'avait vue apparaître. À sa vue, elle passa soudainement à l'alcool mauvais, pour se mettre à maudire ciel et terre.

Ayant vidé sa tête de toutes ces paroles trop lourdes de sens, elle s'écroula d'un sommeil de plomb sur le sol — le canapé rattrapa sa chute, quand ils arrivèrent enfin chez lui.

Arsène était fatigué de cette journée, frustré d'avoir vu s'envoler ses économies. Il s'assit lourdement sur un tabouret et se mit avidement à décompter ses économies. Fouillant partout, raclant et ponçant les tiroirs, retournant ses poches et décousant sa doublure, il ne ramena qu'une maigre poignée de pièces.

Jetant avec regret ses yeux dans ce coin où patientait sa machine, sa magnifique création, qu'il aurait tant aimé achever de ses mains...

Il passa toute la nuit à la bidouiller, encore et encore, engrenage par-ci, ficelle par là – il griffonnait à la hâte son plan, pour aller au plus rapide, au plus simple, regrettant déjà ce qu'il lui faisait subir.

Le lendemain matin, Sereine se réveilla sur des jambes mal assuré et dans une tête surdimensionnée, ballottant au vent de ses claudications.

Bien dormit ?! Non, à l'évidence non... Tu sais combien m'a coûté ta petite sur-consommation ?

Hein ? De quoi tu parles ? Je te connais ? Sortez de chez moi, monsieur ! Immédiatement !

... ... C'est vraiment pas le bon moment, ressaisis toi ! Arsène hésitat un instant à user d'un rapide stimuli jugal, mais se ravisa, prudemment.

— ...

Écoute-moi bien, j'aurai besoin que tu sois la plus lucide et discrète possible. Cette après-midi, un grand acheteur et éminent inventeur va venir pour jauger de mon invention. Si elle lui plaît assez, on aura assez d'argent pour le voyage argent perdu par ta faute d'ailleurs. Tu comprends ?

Comme pour donner sens à ses mots, Arsène commença à ranger du mieux qu'il put, tout en expliquant à Sereine ce qu'elle allait devoir faire,...

...et ne surtout pas faire.

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