— Quoi déjà ?
La mort me regarde d'un air blasé. Elle souffle.
— Comment ça déjà ? 84 ans ça ne te suffit pas ?
Je suis affalée dans mon canapé, et je viens de mourir. Enfin, disons que je ne respire plus. Mais je ne suis pas d'accord.
— Non, mon épisode n'est pas terminé !
Le spectre noir soupire encore. Elle est recouverte d'un grand haillon sombre délavé et s'appuie sur une faux, dépitée.
— C'était déjà ton excuse hier ! Maintenant ça suffit, tu dois mourir !
— Mais qui va s'occuper de Hector ?
Hector c'est mon cactus, mais ça elle n'a pas besoin de le savoir.
— Hector ? Qui c'est Hector ?
— Mon petit-fils. Il est en rémission d'un cancer et je l'aide à réussir ses études.
— Tu ne m'as jamais parlé d'un petit-fils.
Eugénie fronce les sourcils. Oui, cela fait si longtemps qu'elle tente de me convaincre de mourir que je connais le petit nom de la mort. Eugénie Mortis. J'ai déjà réussi à la faire s'asseoir pour regarder ma série. J'ai prétexté toutes les excuses possibles.
— Serais-tu encore en train de me mentir ? Comme avec cette prétendue idylle avec ton plombier ?
A force de lui sortir mes bobards, la faucheuse ne me croit plus. C'est bien ma veine.
— S'il te plait ! J'aime trop vivre.
Elle tempête, je crois que je ne l'aurais pas cette fois. Des années que je la balade, je vais bien devoir m'y résoudre.
— Non, ça suffit Marie, maintenant tu meurs ! J'en ai plus qu'assez de tes histoires !
J'ai une dernière idée que je lâche avec un petit sourire en coin :
— Mais qui va te tenir compagnie pour le thé de 17h si je meurs ?
Car s'il y a bien une chose que j'ai compris c'est que Mme Mortis est rongée par la solitude. Elle ne me laisse autant de temps que parce qu'elle a besoin de moi ! Heureuse de ma dernière trouvaille, je la regarde s'empêtrer dans ses vêtements en gromellant :
— Bon bon, ça va pour cette fois. Mais demain tu meurs !
— A demain Eugénie.