21 juin
Ils se sont retrouvés entre amis en fin d’après midi. Ils sont quatre, encore lycéens, bientôt prêts à débuter leurs études universitaires. L’insouciance domine.
Quelques groupes sont déjà installés, accordant leurs instruments, branchant leurs amplis, leurs consoles.
Les premiers accords se font entendre. Radiohead, sans surprise. Il ne sait pas s’il a déjà assisté à une fête de la musique sans entendre une reprise de Creep ou Karma Police. Après réflexion, il n’a peut être pas tant de 21 juin à son actif. Celui-ci est le troisième avec des amis. Les précédents étaient ave son père, soit pour l’accompagner, soit pour l’écouter jouer.
Les notes du morceau suivant s’élèvent. Damien Saez. Jeune et Con. Il regarde autour de lui, cherchant avec espoir un autre endroit où aller. Rien pour le moment.
Alors en attendant, faute de mieux, on ouvre les bouteilles, on en extrait le liquide, on parle, on rit, on s’abandonne.
Le groupe arrive sur le pont des arts. Rien d’original, mais ils doivent y retrouver l’ami de l’un d’eux. Ils se voient de loin, se rejoignent, se présentent. Il oublie quasiment aussitôt son prénom.
Autre chose a retenu son attention. Elle l’accompagne. Elle est belle, souriante, rayonnante. Elle s’approche spontanément, lui donne son prénom et lui demande un verre. Il n’en a pas. Peu importe. Elle boit au goulot. Du rouge bas de gamme. Elle lui sourit toujours.
Ils parlent. Un peu. Beaucoup. Passionnément. Des sons puissants de trompettes se font entendre. Elle le prend par le bras et l’emporte avec elle dans la foule déjà massée devant un ensemble cuivre et percussions.
Il déteste ce genre de formation. Mais aujourd’hui, ça n’a aucune forme d’importance. Il déteste mais il chante. Il déteste mais il danse. Il déteste mais il bondit au rythme de la musique. Il déteste mais qu’importe ? Cette nuit rien n’existe sinon leurs deux corps brulants, sinon leurs deux âmes vibrant en harmonie.
La nuit se poursuit. La musique laisse peu à peu place au silence relatif des bords de Seine. Ils ne se quittent plus. L’instant a un parfum d’éternité.
Puis tout s’accélère. Elle doit partir. Ils se reverront ? Assurément.
Abimé par l’alcool et la fatigue, il oublie de lui demander son numéro. Peu importe, elle n’était pas venue seule, il sera simple de la retrouver.
Mais le destin en a décidé autrement. Elle ne connaissait pas l’ami qu’ils avaient retrouvé. Ils étaient simplement entrain de discuter lorsqu’ils se sont rejoints. Il ignore même son prénom. Personne ne la connaissait.
Des mois durant, il cherchera dans chaque regard, dans chaque geste féminin une trace de son existence. En vain. Elle est passée dans sa vie avec fracas, ébranlant tout ce qu’elle pouvait secouer, puis elle a disparu, le laissant seul avec ses souvenirs emprunts de mélancolie. Il colle un nouveau pansement sur un cœur déjà meurtri. La prochaine fois…oui, la prochaine fois assurément.
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