Une désagréable effervescence régnait dans la pièce, Styx et les chefs regardaient les informations qui défilaient via le système de projections holographique. Gaël, Flore, Claire et Aurélie faisaient de même. Tous les autres se gardaient de tout mouvement, assis sur les canapés en plein conciliabules à mots couverts. Je me demandais si leur expliquer en détail la situation était la meilleure chose pour eux. Ne serait-il pas plus correct pour leur bien-être mental de simplement effacer cette soirée de leurs mémoires ?

  — Alors qu’en pensez-vous ? lançai-je à mes confrères.

  — T’as bien meilleure allure que tout à l’heure et t’ sens bon. En revanche si ta question concerne ça, ajouta Svei le doigt pointé sur l’hologramme. J’réfléchi encore aux termes à employer, j’suis trop soufflé pour commenter.

  — Moi je vais le faire. Comment peut-on traiter sa planète de la sorte ! s’insurgea Risha.

  — Il y a des plateformes immenses de déchets qui flottent aux points de convergence des courants marins. Les rejets de gaz à effet de serre menacent sérieusement la circulation thermo haline, la forêt primaire réduite à peau de chagrin, énuméra Mérick scandalisé en tournant autour du globe.

  — Et n’oublions pas la population, qui dépasse largement les capacités de la planète. L’augmentation rapide de celle-ci, doit certainement provoquer un déficit en âmes, releva Akasha.

  — Ça expliquerait en partie les taux de criminalités que donnent les informations recueillies jusqu’à maintenant par Calypso, dit Risha.

  — Sans oublier les innombrables décharges à ciel ouvert, il y a même des listes d’espèces en danger. Avec une telle augmentation de leur niveau technologique, comment peuvent-ils détruire autant leur environnement ? Ne savent-ils pas que leur propre survie en dépend ? s’étonna Akasha en regardant mes amis avec accusation.

 De leurs côtés ils n’osèrent pas nier, même si à leur échelle ils n’y étaient pas pour beaucoup.

  — Mais ils le savent ! Je suis confortée dans l’idée que la situation est mauvaise, soufflai-je simplement.

  — C’t’un doux euphémisme ! Comment définir une priorité au milieu de toutes ces urgences ? questionna Svei.

  — On doit aussi penser au rétablissement de la magie.

Un concert de haussements de sourcils accueilli ma remarque.

  — Ça serait catastrophique ! s’inquiéta Styx en zoomant sur le Japon. On pourrait faire apparaitre un dragon au milieu d’une ville et même sans cela, beaucoup d’espèces magiques constatant un tel changement sombreront dans la folie et s’en prendront à la population actuelle.

  — On va déjà se mettre d’accord, sur un point, la population est-elle trop importante ? demandai-je.

Ils se consultèrent du regard et acquiescèrent.

  — Dans ce cas autant se faire immédiatement à l’idée que les pertes sont inévitables, on ne pourra que limiter les dégâts. Les affrontements entre humains et êtres magiques seront obligatoires, tout comme entre humains eux-même. Quand certains vont voir revenir les pouvoirs endormis en eux, ils en profiteront.

Mes amis me regardèrent scandalisé par le ton désinvolte avec lequel j’évoquai des morts.

  — Nous ne serons jamais assez nombreux pour parer à tout, soupira Mérick en grattant avec nervosité sa tignasse rousse.

  — Hors de question de tous nous rassembler sur une seule planète. L’occasion serait trop belle pour l’Alliance, déclara Akasha.

  — On peut toujours les occuper ailleurs, suggéra Svei avec un clin d’œil malicieux.

  — Révéler la vérité sur ce cher Martin, quoi que je préfère la dénomination cloporte, devrait y contribuer un tantinet non ? émis-je comme hypothèse.

  — Je connais des parents qui sauteront sur l’occasion pour réclamer le retour immédiat de leurs enfants, argua Risha.

  — Ainsi que des défenseurs des libertés, qui y trouveront un appui pour s’insurger contre les persécutions et les restrictions, ajouta Mérick.

  — Eh bien voilà notre occupation, ça nous permettra de travailler tranquillement ici, notai-je.

  — D’accord tu veux nettoyer la planète. Mais avec une telle densité de population, un si grand nombre de pays, ça ne sera pas simple d’établir des accords politiques, m’indiqua Styx.

  — Qui a parlé d’accords ? Je n’ai pas l’intention d’y aller avec délicatesse vu la situation et le temps que l’on a.

  — Expliques-toi Sahiane ? réclama Styx soupçonneux.

  — J’ignore ce qu’il en est pour le reste de la galaxie mais sur cette planète, obtenir l’unanimité à une demande visant à stopper la dégradation de l’environnement est impossible. Ce ne sont plus les gouvernements qui dirigent mais les banques et les multinationales ; aucunes n’aiment voir leurs chiffres d’affaires en danger.

  — Si je traduis correctement ton raisonnement, tu comptes les y forcer en les menaçant, plaisanta Risha.

  — Absolument ! lui répondis-je guillerette les surprenant tous.

  — Mais nous n’avons pas le droit d’interférer dans les affaires « politiques » s’il n’y a aucune magie les manipulant, ou sans ordre du haut roi, récita Mérick.

  — Il y a deux légères subtilités que vous oubliez, lui fis-je remarquer.

  — Lesquelles ? s’étonna Svei.

  — D’abord notre rôle premier c’est de protéger la vie dans son ensemble, pas l’économie. Et le plus important cette planète a été privée de magie et dans ce cas particulier les directives à suivre doivent venir du Sanctuaire, du Haut roi ou de son représentant sur les terres en question. Hors aucun n’est présent ici depuis quelques millénaires, énonçai-je avec le sourire.

  — T’veux t’imposer à la direction de cette planète pour y remettre de l’ordre, bredouilla Svei.

Il regardait nos confrères tous aussi perplexes que lui face à ma proposition.

  — Quitte à être cataloguée dictatrice planétaire cinglée depuis sept cent ans, autant en profiter un peu pour faire dans l’utile en s’amusant, répliquai-je.

  — C’est une tactique… innovante, venant de toi, souligna Akasha.

  — Passe une vie ici sans pouvoirs, à te rappeler des bribes du passé et constater les dégâts, tu perdras vite patience, expliquai-je.

  — Quand même ! Notre gentil chef général actuel en ferai une maladie, déclara Risha un doigt sur la bouche semblant se délecter intérieurement de cette pensée.

  — Qui joue les chefs ?

  — Devine Sahiane, susurra Akasha.

  — Oh, Altaï… ça doit être un vrai festival, rigolai-je.

  — Parles pour toi, moi je te réintègre de suite ! clama Mérick.

  — C’est gentil, minaudai-je. Ça va faire plaisir à Altaï de le savoir.

  — Ne lui répète pas ! s’effraya-t-il déclenchant l’hilarité générale.

  — Ne me dites pas que vous vous êtes amusés tout ce temps où je m’occupais du ménage en bas ! s’exclama Lilian sur un ton de reproche.

Elle venait tout juste de nous rejoindre en se téléportant sur la passerelle.

  — C’est purement nerveux Lilian, l’informa Styx se tenant bras croisé à l’écart.

  — Est-ce censé me rassurer ?

  — Probablement pas, admit Risha alors qu’elle glissait un regard furtif dans ma direction.

  — En continuant sur les mauvaises nouvelles, trois vaisseaux de l’Alliance sont en approche et seront là d’ici un peu plus d’une heure, déclara Calypso en s’avançant vers nous.

  — Ils sont plus rapides que je ne l’aurais cru, s’agaça Mérick.

  — Sahiane on leur prépare quoi comme accueil ? me demanda Styx avec une pointe de nervosité.

Je ne l’écoutais pas et fixais Lilian en réfléchissant, aussi il insista mais pour toute réponse je demandais.

— Où est Alianoï ?