Julien

Ouf, je suis sorti de ce bureau. Non pas que je ne voulais pas y rester. Au contraire ! Si j’avais pu, je n’en serais jamais sorti ! Je reste quelques instants devant la porte, la main toujours sur la poignée, prêt à entrer à nouveau pour la retrouver, mais je me retiens, j’ai une mission à remplir. Distribuer les cadeaux à tous les résidents du CHRS... En commençant par les enfants bien sûr !

Dans le réfectoire, Nicolas a éteint toutes les lumières et la voix de Tino Rossi emplit la pièce. Je n’ai donc pas le temps de me perdre dans mes pensées. J’ai juste l’impression d’être toujours sur mon petit nuage. Un nuage que je partage avec la jolie Albane, cette femme aux courbes magnifiques, cette créature splendide qui a répondu à mes baisers avec fougue et passion. Finalement, c’est bien d’être caché sous ce bonnet et cette grosse barbe blanche, personne ne voit mon émoi et tout le monde va penser que mes yeux brillants s’expliquent par ma joie de faire le Père Noël. Ho ! Ho ! Ho !

Quand la lumière surgit et que les enfants voient que je suis apparu au milieu de la pièce, tous se mettent à crier et les plus petits se précipitent vers moi ! J’aperçois mon Gabin parmi eux et je vois qu’il ne m’a pas reconnu !

- Joyeux Noël, les enfants ! Ho ! Ho ! Ho !

J’insiste sur ces Ho, en prenant une voix la plus grave possible. Je suis vite emporté par une marée d’enfants surexcités jusqu’au sapin où un grand fauteuil a été installé, près d’une pile de cadeaux préparés par les éducateurs. Je m’assois et fais signe à tout le monde de se calmer. Même les adultes présents ont le sourire aux lèvres, Noël est vraiment une fête magique.

- Les enfants, est-ce que vous avez été sages ?

- Ouiiiiiii ! répondent-ils tous en chœur.

- Est ce que vous pensez que vous allez avoir des cadeaux ?

- Ouiiii ! crient-ils à nouveau tous à l’unisson.

- Alors, c’est l’heure de remettre les cadeaux à tout le monde !

J’aperçois du coin de l'œil un flash rouge et je devine qu’Albane est revenue, elle aussi, dans la pièce principale. J’ai envie d’être près d’elle et quand je vois l’amas de présents derrière moi, j’ai une idée merveilleuse.

- Allez, les enfants ! On appelle le petit lutin qui va m’aider à vous donner les cadeaux ! Albane ! Albane !

Je ris quand les enfants reprennent avec moi mon cri d’appel. Je la vois qui rougit puis se reprend rapidement, tout sourire. Elle est rayonnante et mes yeux ne la quittent pas quand elle s’avance vers nous dans sa merveilleuse robe rouge. Quel beau cadeau ! J’ai tellement envie de le déballer !

- Alors, Papa Noël, que voulez-vous que je fasse ?

- Eh bien, vous me donnez les cadeaux et vous me dites à qui je dois les donner ! Vous savez, à mon âge, ma vue n’est plus ce qu’elle était !

Je prononce ces paroles très sérieusement alors que la situation est plutôt comique. Ce ne sont pas les yeux d’Albane que je regarde en prononçant ces paroles. Non, mon regard est rivé sur son décolleté tentateur et je regrette presque de ne pas avoir lâché sa bouche tout à l’heure, pour faire courir mes lèvres sur sa peau, juste là, sous son cou gracile et parfumé.

- Je crois que vous voyez ce que vous voulez bien voir, Père Noël ! Mais je vais vous aider, oui ! Le lutin est à vos ordres et fera ce que vous voudrez.

Je rêve ou quoi ? Elle joue avec mon désir d’elle. Elle me provoque devant tout le monde ! Son petit discours, qui pourrait paraître si innocent, prend pour moi une tout autre signification, et je me fais violence pour ne pas oublier que je suis entouré de gamins qui n’attendent qu’une chose : leurs cadeaux. Je me racle la gorge et me penche sur la pile de cadeaux.

- Bien, commençons, vous voulez bien me les donner les uns après les autres, charmant lutin ?

Albane acquiesce et commence à me faire passer les cadeaux. Je regrette ces fichus gants blancs, car nos mains se touchent à plusieurs reprises et je préfèrerais grandement un peau à peau. Le spectacle qu’elle me donne cependant, en se penchant pour récupérer les boîtes, est divin. J’ai vraiment bien fait d’accepter sa proposition de faire le père Noël.

Sophie arrive enfin avec Gabin qu’elle tient par la main. J’oublie quelques instants la fée qui se tient à mes côtés pour me concentrer sur mes enfants. Je ne leur ai pas dit que j’allais prendre l’habit du Père Noël et j’ai bien vu que Sophie m’a tout de suite reconnu, ce qui n’est pas le cas du tout de Gabin. Je me demande s’il va comprendre qui se cache sous le costume. Je ne peux pas déguiser mes yeux ou ma voix, même si je m’efforce de la rendre plus grave. Albane me tend la boite pour Sophie. Il s’agit d’un kit avec du parfum. C’est le même pour toutes les adolescentes du CHRS, mais j’admire néanmoins les efforts faits par l’équipe pour offrir des petits cadeaux adaptés à tout le monde.

- Voilà, jeune fille. Joyeux Noël !

- Merci Père Noël !

Elle me dépose un bisou sur la joue, complice, puis attire Gabin, tout intimidé.

- Allez, viens ! Il ne va pas te manger le Père Noël ! Il a un cadeau à te faire !

- Oui, viens bonhomme. Je sais que tu as été très sage, alors tu vas avoir le droit à un gros cadeau ! N’est-ce pas, Albane ?

- Oui, je confirme ! Voilà pour le jeune homme !

Gabin m’a reconnu et je vois ses yeux briller de fierté et d'étonnement. Il se jette dans mes bras et m’embrasse sur les deux joues en passant ses bras autour de mon cou. J’adore mes enfants. Ils me procurent une telle joie ! Nicolas, qui prend des photos depuis le début de la remise des cadeaux, immortalise le moment dans un clic puis dit :

- Allez, on fait une photo souvenir avec ces deux enfants et le lutin, Père Noël et ensuite, on passe aux cadeaux pour les grands !

Mes deux enfants s’installent bien confortablement sur mes genoux pendant qu’Albane, un peu espiègle, s’approche et se colle contre moi. Elle se penche pour m’enserrer entre ses bras qui passent sur mes épaules pour se nouer sur mon torse.

- Cheese !

J’espère que je pourrai avoir une copie de cette photo. Un souvenir de cette soirée magnifique, ça me ferait trop plaisir. Je me lève et me détache des bras de mon petit lutin pour faire le tour des adultes présents et leur remettre à chacun un petit présent. Certaines femmes me demandent une bise que je leur donne avec plaisir. C’est ça aussi, partager Noël. Les cadeaux matériels, mais aussi et surtout la chaleur humaine. Quand je m’approche d’Asma, elle me fait un immense sourire et ouvre ses bras pour me faire un câlin, qui semble un peu trop long au goût d’Albane. Elle intervient rapidement et je sens son agacement dans sa façon de s’adresser à ma voisine :

- Asma, voyons ! Le Père Noël a d’autres personnes à qui il doit faire des cadeaux ! Ne vous l’accaparez donc pas !

Elle émet un petit rire, mais je la sens un poil énervée, presque en colère par les marques de familiarité de la brune qui me lâche à regrets. C’est fou comme ça me fait plaisir de ressentir son envie de ne pas me partager. J’ai presque l’impression qu’elle est jalouse. Voilà qui est très agréable pour mon ego.

Une fois ma distribution terminée, je file enlever mon costume. Cette fois, je suis seul dans la pièce et je ne sais pas si cela me satisfait ou me frustre davantage. Je profite un peu du calme retrouvé pour essayer d’analyser la situation dans laquelle je suis avec Albane. Ces baisers échangés ne sont pas anodins. J’ai envie d’elle comme jamais je n’ai désiré une femme avant. C’est tellement fusionnel avec elle que je me demande comment je vais pouvoir résister à la tentation. Les rapprochements se font naturellement, les gestes sont assurés, tendres et impatients à la fois. Cela fait déjà deux fois que l’on cède. Le risque que l’on prend est énorme. D’ailleurs, en parlant de risque, Nicolas passe la tête par la porte :

- Merci Julien ! Tu as été formidable ! Bravo !

Je ressors et regagne le réfectoire qui s’est déjà bien vidé. Je vois quelques résidents aider les éducateurs qui rangent la salle au son de la Macarena. Albane assure le spectacle en faisant la chorégraphie tout en déposant la vaisselle sur le chariot à ses côtés. Sophie rit sans oser faire de même, alors que Gabin se dandine en tentant de reproduire les gestes, manquant de renverser la poubelle, dans laquelle il tape en se retournant. C’est un tableau magique, simple et joyeux que je grave dans mon esprit. Mes enfants sont heureux, tout simplement, et je ne pensais pas réussir à voir de nouveau leur petite bouille épanouie, encore moins dans ce genre de centre. Quant à Albane, elle semble tellement à l’aise ici, auprès de nous tous, que j’ai du mal à l’imaginer dans un contexte plus personnel. Enfin, de ce que j’ai compris, elle ne fêtera pas Noël avec ses proches, de toute façon. Cette femme est un mystère, elle se dévoile peu même si j’ai pu en apprendre un peu sur elle ce midi.

Quand la musique s’achève et que démarre un Madison qui pousse Nicolas à entraîner Jamila sur la piste, j’interpelle les enfants et m’approche d’Albane.

- Je vous ai préparé un petit cadeau, Albane, mais je n’ai pas trouvé l’occasion de vous le remettre. Vous passerez le récupérer avant de partir ? Là, je dois aller coucher mes deux loustics. L’excitation de la fête a l’air de les avoir épuisés.

Je la vois qui hésite suite à ma proposition. Je ne sais pas ce qui la dérange le plus : le fait que j’ai un cadeau pour elle ? L’idée de venir me retrouver loin de tout le monde ? Mon départ alors que la fête n’est pas encore totalement terminée ?

- Je… Je dois passer au bâtiment récupérer mes affaires et faire le tour avant de partir… On verra à ce moment, oui…

- Très bien. Je compte sur vous, Albane. Ne partez pas sans venir chercher votre cadeau. Je serais trop déçu de ne pas pouvoir vous souhaiter un joyeux Noël à ma façon.

Je prononce ces derniers mots de la manière la plus naturelle possible, mais je ne peux m’empêcher de me dire qu’ils sont remplis de sous-entendus qui entraînent une vague de chaleur dans tout mon être. Vu comment le rouge lui monte au visage, je pense qu’Albane ressent la même chose que moi. J’espère qu’elle viendra bien ce soir.

Une fois les enfants couchés dans leur chambre, après le traditionnel câlin partagé à trois pour se souhaiter une bonne nuit, je m’installe sur mon lit et je regarde la nuit étoilée par la fenêtre. Je me demande si Albane va passer. Peut-être qu’elle sera trop fatiguée pour venir ? Ou qu’elle voudra m’éviter pour ne pas mettre son emploi en danger ? Si elle ne vient pas, oserai-je lui donner son cadeau à un autre moment ? Et comment on va faire pour travailler ensemble, après ces baisers qui ont embrasé tous mes sens ? J’en suis là de mes réflexions quand j’entends trois coups frappés à la porte, discrètement.

Je me précipite vers la porte et l’ouvre en grand. Albane est venue ! Elle a trouvé le courage de me rejoindre ! Mais... Quelle surprise ! Ce n’est pas mon éducatrice préférée que je retrouve sur le palier, mais ma voisine. Je pense qu’elle doit lire la surprise sur mon visage pendant que je la dévisage et que je remarque qu’elle est en simple chemise de nuit.

- Je voulais te souhaiter une bonne nuit, Julien. Et un joyeux Noël.

- Asma… Quelle surprise… Euh… Oui ! Joyeux Noël à toi aussi !

- Ça mérite bien un petit bisou du Père Noël, non ?

Je la regarde et sens bien qu’elle me désire et qu’il suffirait d’un mot de ma part pour me retrouver dans son lit pour la nuit. Je ne sais pas ce qu’il me prend, car elle est vraiment mignonne dans sa petite chemise de nuit bien échancrée. Pourtant, cela ne me fait pas l’effet escompté par la jeune femme. Je lui souris néanmoins, pose mes mains sur ses épaules dénudées, et lui dépose deux chastes baisers sur chaque joue.

- Joyeux Noël, Asma. Bonne nuit et à demain !

Je sens toute sa déception quand je referme la porte sur elle et retourne vers la fenêtre. Que m’arrive-t-il ? Une jolie femme s’offre littéralement à moi dans un cadeau de Noël bien sensuel, et je la repousse ? Si j’avais été plus loin avec elle, j’aurais eu l’impression de tromper Albane. Tromper Albane ? Mais je divague, moi… On n’est même pas ensemble ! Pourquoi je ne profiterais pas un peu de la vie ? Qu’est-ce qui m’empêche d’oublier mes tracas quotidiens avec une femme qui me désire ?

Un grattement discret contre la porte. Tellement discret que je me demande si je suis déjà en train de rêver ou pas. Je me lève et me demande si c’est Asma qui est de retour pour une nouvelle offensive. J’ouvre la porte avec prudence et découvre avec plaisir que cette fois, c’est bien Albane qui est présente. Mon visage s’illumine en la voyant apparaître. Je lui murmure afin de ne pas nous faire entendre par nos voisins :

- Entrez donc, Albane. Ne restez pas sur le palier. Je veux vous voir ouvrir votre cadeau avant de vous laisser partir…

Je m’écarte un peu en ouvrant la porte et lui fait signe d’entrer. Elle regarde autour d’elle dans le couloir, l’air un peu coupable, comme si elle voulait surtout ne pas se faire surprendre par quiconque.

- Vous allez bien, Albane ? J’ai l’impression que vous êtes inquiète…

- Tout va bien, me dit-elle avec assurance, semblant avoir repris son masque d’éducatrice.

Elle entre dans le studio après avoir tout de même jeté un dernier coup d'œil dans le couloir, et reste plantée près de la table, son manteau sur le dos. Irrémédiablement, l’image d’Albane assise sur le rebord du bureau, tout à l’heure, me revient en tête, et je me surprends à rêver de la voir ainsi posée sur ma petite table. Je devrais avoir honte, je mange sur cette table avec mes enfants, mais tout ce que j’imagine, c’est pouvoir me glisser entre ses cuisses et l’embrasser à en perdre haleine, encore. J’ai faim, mais je n’ose m’avouer ce que j’ai envie de dévorer.

- Vous gardez votre manteau ? Vous ne voulez pas l’enlever le temps que je puisse vous offrir votre cadeau ? Et puis, c’est dommage que je ne puisse pas profiter encore quelques instants de votre magnifique robe, Albane.

Et de pouvoir encore plus rêver à la possibilité de tout lui enlever ! Je suis dingue, en fait… Je sens mon désir se réveiller dans tout mon corps. J’espère qu’elle ne va pas capter dans quel état elle me met, bien que je pense être assez transparent…

- Je ne vais pas rester longtemps… Il est tard et je travaille demain. Et je suis venue à pied. Et ce n’est pas une bonne idée, vous le savez aussi bien que moi, balbutie-t-elle.

- J’adore ce type de mauvaise idée, dis-je en reprenant volontairement les mots que j’ai prononcés tout à l’heure avant de l’embrasser.

- Il y en a des meilleures que d’autres…

Albane soupire et enlève son manteau, avant de fouiller dans son grand sac à main pour en sortir trois paquets cadeaux qu’elle dépose sur la table en silence. Je hausse un sourcil et la regarde attentivement, plongeant mon regard dans le sien qui a l’air très troublé.

- C’est pour nous ? Vous faites des cadeaux à tous vos résidents ? Ou juste à ceux que vous trouvez craquants ? Et puis, moi, je n’en ai qu’un pour vous. Trois pour moi, c’est trop !

Je lui fais un clin d'œil, espérant que ce petit trait d’humour pourra l’aider à se détendre. Je lui proposerais presque un massage pour faire diminuer la tension que je ressens chez elle, mais pas sur que ça fasse diminuer la mienne de tension…

- Désolée de vous décevoir, mais je le fais pour tous les résidents dont je suis référente, murmure-t-elle avec un sourire en coin. Ce n’est pas grand-chose, mais j’espère que vous savez lire, sinon ça ne vous servira à rien.

- Si je ne sais pas, vous m’apprendrez, non ? Vous êtes mon éducatrice préférée, cela fait partie de vos missions, je suis sûr ! Je suppose donc que c’est ce paquet là pour moi. J’ai hâte de savoir ce que vous m’avez choisi !

Je prends celui qui ressemble à un livre, pose ma main sur sa hanche et l’entraine avec moi vers le lit, l’invitant à s'asseoir près de moi.

- Mettez-vous à l’aise, Albane, je ne vais pas vous manger ! J’ouvre mon cadeau, vous ouvrez le vôtre, et je vous laisse aller au lit…

- Vous n’aviez pas besoin de me faire un cadeau, Julien, dit-elle en s’asseyant sur le rebord du lit, à une trop grande distance à mon goût.

- J’ai bien fait d’en préparer un, au contraire, sinon j’aurais eu l’air con en ouvrant le vôtre.

Je l’admire à mes côtés, prolongeant ce délicieux moment de silence où nos yeux se rencontrent. Je sens toute sa fragilité à ce moment. Elle se pense en danger, je le ressens au plus profond de moi, et j’ai juste envie de la prendre dans mes bras et de la protéger envers et contre tout. Après un court instant qui m’a semblé durer une douce éternité, je détache mon regard d’elle et commence à déballer mon cadeau.

- Je me demande bien quel livre vous m’avez acheté… C’est en français, j’espère ? dis-je dans un sourire.

- Attendez, Julien…

Elle pose sa main sur la mienne, m’empêchant de terminer de déballer mon cadeau. Le voilà, le peau à peau dont je rêvais tout à l’heure. Je sens comme une décharge électrique au contact de sa main sur la mienne. Je m’arrête immédiatement dans mon déballage et lève mon pouce pour caresser doucement sa peau contre la mienne.

- Promettez-moi que vous n’allez pas vous vexer, d’abord…

- Me vexer ? Contre vous ? Je crois que je ne pourrai jamais vraiment l’être, Albane. Même si je ne vous promets pas de ne pas râler !

Je ne bouge pas la main qui est sous la sienne et c’est donc un peu maladroitement que je continue à déchirer le papier pour découvrir le livre qu’elle m’a offert. Je fronce dans un premier temps les sourcils en lisant le titre. La colère : transformer son énergie en sagesse. Quelle idée, sérieusement ! Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire en relisant le titre, faisant paniquer Albane qui s’approche de moi et pose sa main sur ma bouche pour me faire taire.

- Chuuuut, les enfants !

- Désolé, Albane, mais je ne suis pas encore sage ! Je n’ai pas lu le livre !

Et je ne peux me retenir d’attraper son poignet et de déposer quelques baisers sur le bout de ses doigts. Je sens un petit goût de chocolat qui est resté, rendant cette caresse encore plus délicieuse.

- Merci, je pense que vous avez bien choisi. Je crains que mon cadeau soit moins humoristique que ça, en tous cas…

- Contente que vous ayez perçu l’humour plutôt que de penser que je jouais mon éduc emmerdeuse…

Elle me fait un clin d'œil et récupère le paquet à ses côtés pour l’observer attentivement en le tournant dans tous les sens.

- Je crois que l’éduc emmerdeuse a légèrement inspiré ce cadeau, ma chère, souris-je en la regardant faire.

Elle commence à défaire le paquet méticuleusement, sans arracher le papier comme je l’ai fait. Je ne sais pas si elle s’en rend compte, mais sa manière de faire, pleine de délicatesse, est d’une sensualité folle. On a l’impression que chaque geste est une caresse et je donnerais n’importe quoi pour me retrouver à la place de la toile qui est entre ses doigts. Elle retourne le tableau et je vois ses yeux qui s’écarquillent lorsqu’elle en découvre l’objet. Il s’agit en effet du portrait d’une jeune femme allongée sur une plage de sable fin, devant un coucher de soleil où j’ai fait jouer les teintes de rouge et d’ocre pour créer un effet que j’ai essayé de rendre le plus chaleureux possible. La jeune femme est plantureuse à souhait et on ne devine que sa silhouette et ses jolies formes. Je me demande si elle va se rendre compte que c’est elle qui a servi de modèle pour cette peinture. J’attends de voir sa réaction et de savoir si ça lui plaît, à la fois impatient et angoissé de connaître son avis.

- Mon dieu… C’est… Il est superbe, souffle-t-elle sans quitter des yeux la toile. Vous êtes doué de vos mains, Julien, c’est… Il est magnifique…

- Il vous plaît vraiment ? Vous ne dites pas ça pour me faire plaisir ? Je dois vous avouer que vous êtes la première personne à qui j’offre une de mes toiles… Je n’avais jamais osé jusque là. Mais les enfants ont dit que ça vous ferait plaisir.

- Les enfants ont toujours raison, sourit-elle en levant enfin les yeux vers moi. Je suis sérieuse, cette toile est superbe, merci.

Je suis aux anges. J’étais tellement stressé par l’idée qu’elle n’apprécie pas mon cadeau. Qu’elle trouve mon art trop naïf... Et elle le trouve superbe !

- Il est superbe comme la femme qui me l’a inspiré, Albane, murmuré-je, ne pouvant détacher mes yeux des siens.

Elle s’humidifie les lèvres avant qu’un sourire en coin ne vienne s’y dessiner. Bonté divine, je ne suis pas sûr de pouvoir résister encore longtemps.

- Je serais curieuse de rencontrer votre muse, Julien…

- Je ne suis donc pas un si grand artiste que ça si vous ne reconnaissez pas le modèle que j’ai dessiné sur cette toile. Regardez bien : elle a vos doux cheveux dont j’ai essayé de retranscrire le côté soyeux, elle a votre décolleté qui rendrait amoureux un curé eunuque, elle a vos courbes pour lesquelles même le pape se damnerait…

- Julien ! Pouvez-vous laisser ces pauvres hommes de foi tranquilles ? Je plaisantais pour masquer ma gêne. Les hommes, vous êtes vraiment terriblement longs à la détente ! rit-elle.

A entendre son rire retentir dans ma pièce, je ne peux m’empêcher à mon tour de porter ma main sur sa bouche et de murmurer :

- Chuuut ! Les enfants !

Albane pouffe contre ma bouche, entourant mon poignet de ses doigts. Elle attire doucement ma main et la dépose contre sa joue que je me mets immédiatement à caresser. Je sens la douceur de sa peau sous mes doigts avec lesquels je parcours tout son visage, glissant sur son menton, ses paupières, avant de les passer dans ses jolis cheveux, tendrement. Je remonte une mèche derrière son oreille. On dirait que le temps s’est arrêté, que rien n’existe à part ce contact entre mes doigts et sa peau. Je ressens sa proximité comme jamais avant. J’ai envie de reprendre le baiser interrompu par Nicolas un peu plus tôt dans la soirée, mais je n’ose pas briser la magie de ce moment céleste. La tension entre nous est palpable. Qui va craquer le premier et s’avancer vers l’autre ?

- Albane, est-ce vraiment une bonne idée ?

Elle soupire et son regard se perd sur le mur derrière moi. Je sais que j’ai peut-être brisé la magie du moment, mais elle comme moi savons qu’aller plus loin aura des conséquences. Je ne suis pas certain de pouvoir les assumer et j’ai bien peur qu’elle n’en soit pas plus capable. Pour autant, ni elle ni moi ne semblons vouloir nous résoudre à rompre le contact. Pour preuve, lorsqu’elle plonge à nouveau son regard dans le mien, elle lève la main et la pose sur ma joue avec un sourire tendre qui me donne autant envie de me jeter sur elle que de me mettre à pleurer. Ses doigts jouent avec ma barbe, et tout ce à quoi je pense à cet instant, c’est au bonheur d’être le centre d’intérêt d’une femme, de partager ce genre de moments intimes loin des tracas du quotidien, loin de la tristesse, de la colère. Juste s’abandonner aux sensations et se laisser choyer.

- Je croyais que tu aimais les mauvaises idées ? me dit-elle en se mordillant la lèvre.

Je réalise à cet instant qu’elle partage mon désir. Je devine sous sa jolie robe rouge ses tétons dressés, une vraie invitation à les saisir et les caresser. Mon esprit s’évade et je m’imagine déjà faire glisser cette robe le long de son corps et l’admirer nue. Mais à quoi tu penses, Julien ? Tu te rends compte que c’est ton excitation qui parle ? Pas ton cerveau ! Que tu es en train de faire une belle bêtise ? Mais au diable le cerveau ! Le désir est trop fort. Je me penche vers sa bouche pulpeuse et je m’en empare, sans plus attendre. Tout de suite, elle répond à mon baiser en passant ses mains derrière ma nuque et plus rien n’a d’importance que cette étreinte qui nous réunit. Je positionne mes mains sur ses hanches et la repousse sur le lit afin de me coucher à ses côtés, sans rompre le baiser où nos langues jouent sans retenue. Je parviens enfin à stopper mon assaut et me redresse sur mon coude. Mon regard la dévore et j’essaie de réfréner mon envie de lui arracher sa robe pour enfin la découvrir nue. Un reste de raison s’insinue dans mon esprit embrasé et je lui demande d’une voix un peu rauque :

- Albane, tu es sûre que c’est ce que tu veux ?

- Ce que je veux, c’est arrêter de réfléchir et juste saisir l’instant. Je veux vivre, j’en ai marre de tout anticiper. Et là, tout de suite, tout ce que je veux, c’est lâcher prise… Avec toi…

Albane se redresse dans mon lit et je l’observe prendre les choses en main sans pouvoir, ou vouloir, l’arrêter. Elle tire sur ma chemise pour la sortir de mon pantalon et commence à la déboutonner, le regard fiévreux, les mains tremblantes. Est-ce d’excitation ou bien d'appréhension ? Je ne saurais dire, toujours est-il que lorsque ses mains chaudes se posent sur mon torse nu et commencent à passer en mode découverte, les deux derniers neurones fonctionnels qu’il me restait se télescopent pour un K.O technique. Je la laisse faire, évidemment, mais me redresse à mon tour en glissant une main sur sa cuisse, que je caresse lentement alors que ma bouche part à la découverte de ce cou que je rêve de goûter encore et encore.

Je suis tel un ours qui a trouvé un pot de miel et qui, gourmand et affamé, le dévore sans modération. Mes lèvres se font avides de ce cou qu’elle me tend en gémissant doucement. Ma main sur sa cuisse remonte et j’apprécie la douceur de sa peau. Son souffle s’accélère à chaque fois que ma paume remonte le long de ses cuisses galbées. Je m’empare du lobe de son oreille que j’aspire sensuellement pendant que ma main libre se pose à la naissance de son cou, juste au-dessus de cette poitrine que j’ai envie de découvrir depuis si longtemps. Je la descends entre ses seins et tire sur le nœud qui maintient sa robe fermée et, lentement, doucement, je la déshabille, découvrant centimètre par centimètre sa peau blanche. Ma bouche descend à nouveau dans son cou et vient embrasser la naissance du sein qui apparaît peu à peu. Elle gémit à nouveau sous l’effet conjugué de ma bouche et de mes mains qui se font plus audacieuses. Je repousse les pans de sa robe sur le côté, faisant apparaître une magnifique dentelle noire qui me coupe littéralement le souffle. J’arrête tous mes mouvements pour observer cette splendide créature à moitié nue dans mes bras.

- Albane… Tu es si belle…

Elle détourne les yeux, soudain intimidée alors que ses mains se sont stoppées dans son exploration. Est-ce qu’elle doute de la véracité de mes propos ? Si tel est le cas, elle a un sérieux problème. Cette femme est juste magnifique, et tout ce à quoi je pense, là, maintenant, c’est à lui prouver à quel point elle aurait tort de ne pas me croire. J’attrape son menton entre mes doigts et attire son visage près du mien pour retrouver ses lèvres, même si cela me prive de cette vue divine. Pour le moment du moins. Je la repousse doucement sur le lit avec un sourire que je veux rassurant, et me glisse au-dessus d’elle sans pour autant m’allonger. Une main pressant sa hanche, la découvrant, la caressant, mes lèvres viennent se promener sur son ventre, remontant lentement vers cette poitrine encore couverte que je meurs d’envie de libérer. Je ne sais comment je garde le contrôle, parce que je suis clairement déjà à deux doigts de la rupture, mais Albane semble beaucoup moins sûre d’elle tout à coup et je ne voudrais pas la brusquer. Sa voix n’est qu’un murmure, je l’espère une supplique, lorsqu’elle dit mon prénom, glissant une main dans mes cheveux.

- Julien…

- Chut, Albane. Ce soir, c’est lâcher prise. J’ai envie de toi, je veux te voir nue. Je veux profiter de ce moment avec toi et oublier tout le reste. Donne-toi entièrement à moi.

Je la vois sourire et elle me repousse gentiment pour que je m’éloigne d’elle. Ai-je été trop loin ? L’ai-je perdue en voulant aller trop vite ? Est-ce que je me suis trompé et va-t-elle laisser parler sa raison ? Mais non, elle glisse ses mains dans son dos et dégrafe son soutien-gorge en se mordant la lèvre, me donnant immédiatement envie de l’embrasser à nouveau férocement. J’essaie de contrôler mes instincts bestiaux et continue à l’admirer. Ses tétons apparaissent, tendus, semblant quémander eux aussi mes baisers, alors qu’elle laisse tomber ce petit morceau de tissu en dentelle et sans bretelles au sol avant de poser ses mains chaudes sur les muscles de mon torse.

- Joyeux Noël, Julien. J'espère que ton cadeau te plaira, et celui-là, je ne le fais pas à tout le monde...

Je rêve ! Cette fille à l’apparence si sage est en fait un vrai démon. Ou une Déesse. J’ai peut-être devant moi la réincarnation d’Aphrodite, déesse de l’amour et de la tentation. Elle s’offre à moi. Je sens mon désir pour elle augmenter encore si c’est possible. Sa voix chaude et sensuelle me provoque une folle excitation. Je me débarrasse rapidement de ma chemise qui rejoint le soutien-gorge au sol et je me jette sur elle, comme un forcené qui vient de retrouver la liberté. Mes mains enserrent ses seins et les caressent avidement pendant que ma bouche se pose délicatement sur son téton. Le contraste entre la force de mes caresses et la retenue de mes baisers la fait se cambrer sous moi, m’offrant une vue exceptionnelle sur cette poitrine qui me fait envie depuis si longtemps, ferme et aux proportions idéales pour mes mains, et qu’elle souhaite semble-t-il me voir dévorer.

Je sens ses mains se poser sur ma nuque et me serrer entre ses seins qui sont un vrai festin. Elle exprime son désir de cette façon, attise encore plus mon envie d’elle, mon besoin de la prendre, de lui faire l’amour. Cela fait tellement longtemps que je n’ai pas ressenti le plaisir de caresser une femme… Et quelle femme ! Albane est magnifique et je finis de dénuder ses épaules et fais glisser la robe loin de son corps. Je veux la voir nue et je me redresse donc pour finir de la débarrasser de ce tissu qui a attiré mon œil toute la soirée, aiguisé mon envie d’elle à chacun de ses mouvements. Mes mains courent sur son corps brûlant de désir. Je découvre ses jambes, son ventre plat, ses fesses rebondies, ses seins qui me donnent l’impression de réagir au moindre effleurement. Avide de retrouver son contact et de la découvrir dans le plus simple appareil, je me penche et passe mes doigts entre le tissu de sa culotte et sa peau. Sans attendre davantage, je la lui enlève, le regard sans doute brillant et très à l’étroit dans mes vêtements.

Mes doigts se mettent à la taquiner en glissant sur sa peau, mais j’évite soigneusement désormais aussi bien ses seins que son intimité malgré l’envie que j’ai de m’y plonger. Je veux sentir son désir monter, je veux qu’elle oublie tout sauf la passion qui nous consume. Dès que je sens que la frustration se fait trop forte, je la soulage en déposant mes lèvres sur sa peau. Je commence par son cou et descends lentement, multipliant les baisers sur son épiderme frémissant. Je me retrouve bientôt devant son mont de Vénus et je n’ai qu’une envie : venir y butiner telle une abeille qui vient de découvrir le nectar d’une fleur mystérieuse et délicieusement tentante.

Je hume un instant le parfum enivrant dégagé par l’intimité de la belle femme nue qui se trouve dans mon lit. Je réalise que ces sensations, cette émotion, m’avaient manqué. Je dépose de doux baisers sur son pubis avant de glisser ma langue entre ses lèvres, remontant lentement jusqu’à son petit bouton d’amour que je vois luisant. C’est un véritable appel à la gourmandise et je sais d’ores et déjà qu’il me sera difficile de me passer de ces sensations. Ma langue passe doucement sur son clitoris avant de redescendre et reprendre le même parcours. J’adore son goût, pareil à nul autre. Je me délecte des gémissements qu’elle pousse à chaque fois que ma langue glisse sur son bouton et je ne peux résister à la tentation de plonger délicatement un doigt dans son intimité trempée. Une fois encore, elle pose ses mains sur ma nuque pour me serrer contre elle et j’en profite pour saisir son clitoris entre mes lèvres afin de l’aspirer avant de le sucer, doucement d’abord, puis de plus en plus fort. Ses plaintes se font plus intenses. Je sens qu’elle fait tout pour les étouffer mais mon doigt qui s’est immiscé dans sa fente l’empêche sûrement de pouvoir se contrôler. Je veux la faire jouir et accélère le rythme. Une de ses mains quitte ma nuque pour venir serrer un de ses tétons. Ses hanches répondent au rythme de mes caresses et je me mets à grogner moi aussi dans ma barbe qui frotte entre ses jambes, tellement elle m’excite. Les cuisses d’Albane se crispent autour de mon visage, elle se controle de moins en moins au fur et à mesure qu’elle approche de l’orgasme, et j’adore la sentir perdre pied. Quand tout son corps se tend et que ma bouche se retrouve inondée, je suis aux anges et je lape tout ce divin nectar jusqu’à ce que les tressaillements de son corps se calment un peu. Albane finit par m’attirer à elle. Je me retrouve couché sur cette délicieuse créature qui m’embrasse à pleine bouche, profitant ainsi de son goût dans notre baiser langoureux.