- Que fais-tu, Kerri ? s’enquit l’Empereur auprès de la petite fille.

Il venait de la trouver dans sa chambre, sur son épais tapis, entourée d’un bazar de rouages ternes. Dans ses petites mains se trouvaient une petite horloge cassée d’un autre temps et un outil de précision qui n’était pas du tout adapté à ce type d’objet. Concentrée à l’extrême, elle ne l’avait pas entendu arriver et l’avait accueilli d’un sursaut. Il aurait juré entendre un fort déclic suite à cette réaction.

- Je veux réparer ça ! répondit-elle ensuite avec détermination.

Il esquissa un sourire indulgent. Elle avait définitivement achevé cette pauvre horloge. Même lui doutait pouvoir en faire quelque chose après un tel massacre.

- Je ne crois pas que cela soit possible.

- Toi, tu sais bien le faire alors pourquoi pas ?

- C’est un trop vieil objet et tu n’as pas les bons outils. Certaines choses ne peuvent pas être réparées, tu sais.

- Mais tu as bien réussi avec moi, et c’était encore plus dur ! objecta-t-elle en tapotant sa poitrine, à l’emplacement de son cœur.

Il ne trouva rien à redire. Effectivement, il avait accompli une véritable prouesse et lui avait sauvé la vie, mais il avait eu des matériaux de haute qualité, certains minuscules et délicats, pour pouvoir reproduire la complexité du cœur organique qu’il avait fallu remplacer. Ce n’était pas comme sauver une relique d’un ancien temps. C’était encore plus important, aussi y avait-il mis toute sa volonté et ses efforts. Et il n’avait pas été le seul dans ce sauvetage.

- Pourquoi veux-tu tant la réparer ? préféra-t-il donc demander.

- Je m’entraîne pour devenir experte et comme ça, je pourrais un jour réparer tes jambes !

Il ne baissa pas les yeux sur ces dernières, mortes depuis longtemps et sans espoir de guérison. Il savait depuis longtemps qu’il était infirme jusqu’à la fin de sa vie, et s’était accommodé de ses créations pour se faciliter la vie. Quand l’ensemble arachnéen, qui lui permettait de tenir debout, le fatiguait trop, il optait pour son fauteuil mécanique comme aujourd’hui.

Il avait envie de dire à Kerri de ne pas perdre de temps, que sa cause était perdue, mais il était touchée par sa candeur enfantine. Et par son projet : elle l’estimait, elle voulait l’aider, et c’était bien la première fois que cela lui arrivait, à lui qui avait des millions de sujets à travers son immense Empire.

Son sourire s’agrandit et il se pencha pour caresser les cheveux flamboyants de la petite fille.

- Et si nous la réparions ensemble ?