Adam ne supportait plus la maison qui l’avait vu grandir. Pas qu’il l’avait aimée jusque-là, mais son malaise ne cessait de croître de jour en jour. Ces murs étaient comme une prison d’où suintait l’odeur de vieille bière de son père. Impossible d’oublier, ne serait-ce qu’une minute, la présence de ce bourreau. Même le dessin, sa passion, ne l’aidait à s’évader.

Cette odeur que nul nettoyage et aération des pièces ne parvenaient à dissiper, le bruit de ses pas sur le vieux plancher, sa présence oppressante, la violence de ses coups… Il y avait eu droit toute sa vie. Dessiner n’apportait qu’un maigre réconfort. Il fallait donc inverser la situation. Gommer une oeuvre ratée et la remplacer par quelque chose de plus beau. Effacer son père du tableau pour y peindre un avenir moins sombre.

Le père d’Adam eut un accident peu après. Rien qu’un accident, comme il en arrive tous les jours. Personne ne le regretta, encore moins son fils qui crut pouvoir enfin respirer, aller de l’avant. Pourquoi pas même quitter cette bicoque sinistre ? Tout était à faire, à présent qu’il était libre.

Libre, vraiment ? Dans ce cas, pourquoi entendait-il l’écho de la voix de son père, l’écho de ses pas qui se rapprochaient, l’écho de tous les coups encaissés dont le dernier qui lui avait fracassé la tête ?