Ils étaient là, comme toujours à Venise. Les masques. Que ce soit dans les échoppes, les pièges à touristes, parfois en simple décoration sur les murs des demeures vénitiennes ou parmi d’autres affaires rangées dans des armoires. Ils sont là. Il en a toujours été ainsi, et rien ne changera cela.

Et en cette première nuit de Carnaval, ils sont les visages des fêtards, du plus simple masque blanc à l’oeuvre d’art superbement décorée de plumes, de perles et de cristaux. Qu’ils ne cachent que les yeux, une moitié de visage ou tout le faciés, ils sont toujours là.

Pour ceux qui découvrent la Sérénissime, c’est merveilleux, presque magique, comme s’ils découvraient un autre monde, onirique, lyrique et flamboyant. Pour les Vénitiens, cela faisait partie de la vie. Luciano Caldero n’était donc pas particulièrement émerveillé mais pas complètement impassible non plus. Il aimait les masques, tout simplement parce qu’il aimerait en porter un.

Pas un simple ornement, le temps d’une nuit. Un masque qui lui permettrait de se cacher voire d’être quelqu’un d’autre. Un souhait peu surprenant pour quelqu’un qui ne s’aimait pas, pas plus qu’il n’aimait sa vie.

Pourtant, quelque chose changea en cette nuit de Carnaval, le seizième de son existence. Pour la première fois, il n’était pas seul. Eva était avec lui. Avec l’émerveillement propre à une étrangère, elle s’était prêté au jeu de la fête et avait décidé de se costumer en bonne et due forme. Si Luciano avait opté pour une tenue et un masque sobres, la jeune femme avait préféré quelque chose de beaucoup plus baroque. Malgré son masque scintillant, il avait reconnue son aura flamboyante et son sourire espiègle.

Les masques ne cachaient que leurs yeux et ne couvraient que l’arête du nez. Il ne fut donc pas compliqué d’échanger des paroles, des sourires… un baiser, puis deux.