Raïs ne se souvenait plus de rien. Pour lui, tout avait commencé à l’âge de cinq ans, lorsqu’il s’était réveillé dans une grande maison décrépie, en compagnie d’autres enfants, et qu’on lui avait dit qu’il était un esclave destiné aux arènes. Avant cela, rien, le néant.

Il n’était pas le seul dans ce cas. Ces compagnons d’infortune étaient tous frappés d’amnésie. Dans leur mémoire, rien n’existait avant leur maître à tous et la destinée qu’il leur avait tracée. Le reste était perdu. Alors, ces enfants aux souvenirs perdus firent ce qu’il avait de plus logique : ils s’accrochèrent à leur maître, alors seul guide dans ce vide abyssal dont il était pourtant le responsable.

Rien de mieux que des esclaves sans mémoire, surtout à un si jeune âge. Ils en étaient d’autant plus malléables et le suivaient avec plus de facilités, sans presque jamais rien remettre en question. Sauf Raïs, qui semblait avoir l’indocilité dans le sang, plus forte que tout : la peur, la colère, ou la forte probabilité de se prendre une tarte pour avoir posé trop de questions à un maître qui n’avait aucune patience.

Un maître qu’il s’était mis à détester, à raison. Il avait beau ne pas se souvenir de sa précédente vie, il refusait de suivre quelqu’un qui l’envoyait à la mort dans le seul but de s’enrichir, quelqu’un qui ne cessait de le maltraiter et le rabrouer. Raïs aurait voulu un père, pas un maître, et un nom de famille plutôt qu’une marque au fer rouge gravée sur son flanc.

Ses souvenirs perdus ne pouvaient pas lui manquer : il n’y pensait jamais. Peut-être avait-il eu une belle enfance, peut-être que non. Quelle importance ? Il était dorénavant prisonnier des combats d’arènes, et aucune figure de son passé ne venait l’en sortir. C’était tout ce qu’il constatait, quand certains de ses camarades se demandaient d’où ils venaient et s’imaginaient un passé idyllique.

Raïs, lui, se demandait surtout qui il était et quand il sortirait d’ici.