Il ne savait plus depuis combien de jours il était perdu sur cette île déserte. Il avait perdu le compte, seul restait vivace le souvenir du naufrage. Il était le seul à avoir survécu à l’attaque du dragon des mers qui avait surgi des profondeurs et frappé le navire, L’Amibe, pile au milieu. La bateau s’était coupé en deux sans que l’équipage n’y comprenne quoi que ce soit ni n’ait la moindre chance, et tous avaient fini à l’eau où les attendaient requins, serpents et autres prédateurs aquatiques. Il n’avait survécu que par pure chance.

Et voilà qu’à présent, il croupissait sur cette île où nulle autre âme ne vivait et où aucun navire ne passait. Les premiers jours, le marin avait sincèrement cru qu’il serait repêché par un bateau marchand, puis il s’était contenté d’espérer. À présent, il vivait avec la peur de finir ses jours ici, seul, loin de son épouse et de leurs enfants.

Alors il fit ce que n’importe quel héros des contes de son enfance aurait fait. Il rassembla les quelques vestiges qui, avec lui, avaient échappé à la catastrophe, une bouteille et du papier, et écrivit un appel à l’aide et sa localisation avec son propre sang. Une fois le papier bien à l’abri dans son écrin de verre, il jeta la bouteille à la mer.

Et attendit.

La bouteille dériva loin, bien loin. Elle échappa des serres d’un oiseau attiré par ses reflets lumineux et même de la gueule d’un requin qui attrapa le rapace en plein vol. Elle ne se brisa pas ni ne se fissura, permettant à l’eau d’entrer et de l’entraîner dans ses profondeurs abyssales. Elle traversa des lieues et des lieues, pour finalement tomber entre des mains curieuses.

Le destin était bien cruel en choisissant celles d’une sirène. Une matriarche, qui avait de jeunes demoiselles à former à l’art du chant et de la séduction. Quoi de mieux qu’un marin désespéré pour répondre aux mélodies mortifères des filles de la mer ? Avec un sourire, la cheffe sauta à l’eau et, suivie de son clan, se dirigea avec empressement en direction de l’île déserte.

Jamais premier festin de jeunes sirènes ne fut aussi simple.