Prologue
Premier essai
Supervisé par : Docteur Gradys
Nom de l'opération : Processus du MepriSoi
Jeanna
Qu'est-ce que j'aime chez lui ? Je me le demande toujours. Parce que c'est complètement absurde de tomber amoureuse de son professeur de Mathématiques. Ce n'est pas faisable, c'est inconcevable. Et pourtant, je l'aime en silence, mets mon coeur en dormance sempiternellement, sous son regard qui semble se poser sur moi avec une indifférence qui me tenaille de l'intérieur, me brûle, me ravage.
J'adore ses yeux d'un vert terne, qui s'enfoncent un peu trop dans leurs orbites, qui se plissent sous le soleil, ou lorsqu'il se met à réfléchir. J'adore son sourire qui m'illumine quand il me l'adresse à moi, et pas à quelqu'un d'autre ; un sourire complice qui enjolive son visage rubicond, néanmoins beau et enfantin. J'adore ses manières, ses gestes, ses mains qui s'affairent sur le tableau blanc quand il explique sa leçon, le pli qui barre son front, son regard attentionné qui se pose sur nous, espérant voir la compréhension absolue dans nos regards, souvent hagards et ahuris.
J'aime le fait qu'il aime les nombres, qu'il soit intelligent, cultivé, raffiné. Puis je m'aime moins devant lui, qui, sans doute aucun, ne m'aimera jamais, jamais autant que je l'aime, que je l'adore. C'est inadmissible de me sentir inférieure face à lui, cependant c'est un sentiment que je ne contrôle pas ; que je ne peux facilement annihiler car il est là présent, quelque part, dans les rouages de mon esprit, prêt a rebondir. Comment peut-il juste s'intéresser à une fille aussi pauvre d'esprit que moi, aussi inapte à lui rendre la répartie dont lui fait preuve aussi brillamment ? C'est peine perdue. Je suis rien face à lui, et il est tout face à moi. Ce déséquilibre ne peut apporter du bon.
Je me sens surtout honteuse lorsqu'il se penche sur moi, son dos voûté, ses mains efflanquées et osseuses saisissant un stylo dont il se sert pour gribouiller des réponses, des solutions à ce problème qui m'a tant préoccupé les neurones, alors que je reste subjuguée devant l'aisance avec laquelle, il joue avec les équations, caresse les nombres, donne identité à des inconnus. Je me sens stupide, si stupide que je pense, inévitablement, qu'il rit de moi, en son fond intérieur. C'est bien faux, j'en suis certaine. La seule personne qui rit de moi, c'est moi-même.
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