Chapitre 5

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La mer s’étendait à perte de vue, une vaste étendue mouvante où l’eau scintillait sous les rayons d’un soleil éclatant. Le bateau, petit mais robuste, avançait doucement, bercé par les vagues. Gabriel, assis à l’avant, laissait le vent frais jouer avec ses cheveux. La brise salée caressait sa peau, mais ne suffisait pas à dissiper complètement la tension qui l’habitait depuis plusieurs jours.

Il jetait des coups d’œil discrets à Elias, qui se tenait près du gouvernail, une main posée sur la barre, l’autre dans sa poche. Sa posture décontractée contrastait avec l’intensité de son regard, qui balayait l’horizon comme s’il cherchait un point précis à atteindre. La lumière soulignait les contours de son visage, et ses cheveux ébouriffés capturaient des reflets dorés. Gabriel détourna les yeux, fixant le mouvement hypnotique des vagues pour éviter de se perdre dans cette vision.

Le ronronnement régulier du moteur couvrait leurs respirations, mais il n’y avait rien d’inconfortable dans ce silence. Au contraire, il semblait chargé d’une sorte de complicité silencieuse, comme si la mer elle-même servait de médiateur entre eux.

Au bout d’un moment, Elias coupa le moteur, laissant le bateau dériver doucement au milieu de nulle part. Ils étaient loin du rivage, entourés d’une étendue d’eau infinie, et seules les mouettes brisaient le calme.

— Voilà, dit Elias en s’asseyant près de Gabriel. C’est parfait ici. Pas de bruit, pas de monde… Juste nous et la mer.

Gabriel hocha la tête, son regard fixé sur l’eau scintillante. Le calme ambiant avait une qualité presque magique, mais il sentait toujours une certaine agitation en lui, un écho des pensées qu’il essayait de fuir.

Elias ouvrit une glacière posée à ses pieds, sortant deux bouteilles d’eau et un sachet de chips légèrement écrasé.

— Pas très glamour, désolé, plaisanta-t-il en tendant une bouteille à Gabriel.

— C’est parfait, répondit Gabriel avec un sourire, prenant la bouteille.

Ils partagèrent les chips en silence, chaque craquement brisant le calme avant de disparaître dans le souffle du vent. Elias s’étira ensuite, laissant échapper un soupir satisfait.

— Tu sais, ça me rappelle un vieux projet qu’on avait fait ensemble au collège, dit-il soudain.

Gabriel releva la tête, surpris par le changement de sujet.

— Lequel ? demanda-t-il, son intérêt piqué.

Elias se tourna légèrement vers lui, un sourire nostalgique étirant ses lèvres.

— Tu te souviens du modèle de système solaire qu’on avait construit en cinquième ? Avec des morceaux de polystyrène qu’on avait peints à la main ?

Gabriel éclata de rire, une chaleur agréable adoucissant sa poitrine.

— Oh, oui. Et le "soleil" était tellement énorme qu’il ne rentrait même pas dans la boîte qu’on avait apportée.

— Exactement ! rit Elias, ses yeux pétillant d’amusement. Et le prof nous avait fait refaire toutes les proportions parce que Jupiter était trois fois trop petit.

Gabriel secoua la tête, son sourire s’élargissant.

— Mais tu te rappelles ? C’était toi qui avais insisté pour peindre Uranus en violet parce que, je cite, "le bleu, c’est ennuyeux".

— Bien sûr ! répondit Elias avec un éclat de rire. Et j’avais raison, non ? C’était magnifique.

Leur rire résonna au-dessus des vagues, et Gabriel sentit une partie de son poids intérieur s’alléger. Ces souvenirs, simples mais précieux, étaient comme des ancres, le rappel d’un temps où tout semblait plus facile entre eux.

Après un moment de silence, Elias s’appuya contre le bord du bateau, observant le ciel dégagé avec une expression pensive.

— D’ailleurs, en parlant de projets, reprit-il, tu sais qu’on doit faire un exposé en binôme pour le cours d’histoire ?

Gabriel haussa les sourcils, pris au dépourvu.

— Ah, non… Je ne savais pas.

Elias se tourna vers lui, un sourire malicieux sur le visage.

— C’est parce que tu n’écoutes jamais en classe, répondit-il en croisant les bras. Mais bonne nouvelle pour toi, j’ai demandé qu’on soit ensemble.

Gabriel sentit un mélange d’étonnement et de plaisir se mêler à sa nervosité habituelle.

— Sérieusement ? T’aurais pu choisir quelqu’un de plus organisé, tu sais.

Elias haussa les épaules, son sourire se transformant en une expression plus douce.

— Peut-être, mais avec toi, c’est toujours plus intéressant.

Gabriel détourna le regard, cachant son trouble en jouant avec l’étiquette de sa bouteille d’eau.

— Alors, quel est le sujet ? demanda-t-il finalement.

— Les grandes explorations maritimes, répondit Elias. Ça tombe bien, non ?

Gabriel releva les yeux, et un sourire discret étira ses lèvres.

— Ouais, ça colle plutôt bien avec le thème du jour.

Elias hocha la tête, son expression empreinte de satisfaction.

— On pourrait commencer à bosser demain après-midi, chez moi. Ça te va ?

— Parfait, répondit Gabriel, un peu trop rapidement, avant de se reprendre. Enfin… oui, ça marche.

Elias éclata de rire, mais ne fit aucun commentaire. Il se contenta de se lever et d’attraper le gouvernail.

Le silence retomba, mais cette fois, il était chargé d’une tension douce, presque imperceptible. Gabriel se laissa aller contre le bord du bateau, ses pensées oscillant entre le présent et les souvenirs. Elias, debout près du gouvernail, regardait l’horizon avec une concentration tranquille.

— Tu sais, Gaby, dit-il soudain, sans détourner les yeux de l’eau, j’aime bien ces moments avec toi. Ça me manque, parfois.

Gabriel tourna la tête vers lui, surpris par la sincérité dans sa voix.

— Moi aussi, murmura-t-il après une pause.

Le vent soufflait doucement, emportant leurs mots au large, mais dans cet instant suspendu, Gabriel sentit quelque chose changer en lui. Peut-être, pensa-t-il, qu’il y avait encore de l’espoir pour eux.

Lorsque le bateau accosta au port, le soleil avait déjà entamé sa descente, teintant le ciel de nuances d’orange et de rose. Gabriel aida Elias à amarrer le bateau, ses gestes maladroits mais sincères.

— Merci pour aujourd’hui, dit Gabriel, sa voix basse mais pleine de gratitude.

— Pas besoin de me remercier, répondit Elias avec un sourire. Je savais que ça nous ferait du bien.

Ils restèrent un instant immobiles sur le quai, regardant la mer s’étendre devant eux. Gabriel sentit un nœud se former dans sa poitrine, mélange de tristesse et de réconfort. Il savait que ce moment était éphémère, mais il voulait s’y accrocher autant que possible.

Et tandis qu’ils quittaient le port, marchant côte à côte dans le crépuscule, Gabriel réalisa qu’il ne pourrait jamais se contenter de ces instants volés.

Et dans cette réalité, il y avait aussi Camille.

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