Chapitre 11

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Le soleil commençait à se coucher lorsque Gabriel entendit des coups insistants à sa porte. Il était assis à son bureau, le regard perdu sur son carnet de croquis ouvert, une page blanche criante devant lui. Il savait déjà qui c’était. Les messages sans réponse, les appels ignorés… Elias n’était pas du genre à lâcher prise facilement.

— Gaby, ouvre-moi, s’il te plaît, lança la voix familière d’Elias, légèrement plus forte que d’habitude.

Gabriel hésita, sa main tremblant légèrement alors qu’il se levait. Lorsqu’il ouvrit enfin, il trouva Elias debout sur le pas de la porte, son expression partagée entre l’inquiétude et l’agacement.

— T’as décidé de disparaître ou quoi ? demanda Elias, sa voix emplie d’une tension qu’il ne cherchait pas à dissimuler.

Gabriel baissa les yeux, incapable de soutenir le regard perçant d’Elias.

— J’ai juste… besoin de temps, murmura-t-il, la gorge serrée.

Mais Elias n’en resta pas là. Il entra dans l’appartement sans attendre d’y être invité, refermant la porte derrière lui avec une détermination palpable.

— Du temps pour quoi ? reprit-il, se tournant vers Gabriel. Sérieusement, qu’est-ce qui se passe ? Tu sais que je m’inquiète ? Tu ne réponds plus à mes messages, tu m’évites… Qu’est-ce que j’ai fait ?

Gabriel resta silencieux, cherchant désespérément une réponse qui pourrait apaiser Elias sans dévoiler ce qu’il gardait enfoui. Mais rien ne venait. La vérité était trop brutale, trop lourde à porter.

Elias croisa les bras, son expression s’adoucissant légèrement, mais son ton restait ferme.

— Écoute, je comprends que parfois on ait besoin d’être seul. Mais là, c’est différent. Tu fais comme si… comme si je comptais plus pour toi.

Ces mots frappèrent Gabriel comme un coup de poing. Il releva les yeux brièvement, croisant le regard d’Elias, avant de détourner à nouveau le sien.

— Ce n’est pas ça… murmura-t-il, sa voix brisée par l’émotion.

— Alors quoi ? s’exclama Elias, ses bras retombant à ses côtés dans un geste d’impuissance. Dis-le-moi, Gaby, parce que je comprends rien.

Gabriel sentit les larmes monter, mais il les refoula, mordant l’intérieur de sa joue pour se retenir. Il voulait tout lui dire, lui crier combien il comptait pour lui, combien il souffrait de le voir avec Camille, mais il ne pouvait pas. Ce serait égoïste, injuste.

— Je suis désolé, dit-il simplement, sa voix à peine audible.

Elias secoua la tête, son visage empreint de frustration et de tristesse.

— Désolé de quoi ? Tu t’excuses, mais tu dis rien. Gaby, on était proches. Tu pouvais tout me dire. Pourquoi t’as décidé de te refermer comme ça ?

Le silence s’épaissit entre eux, lourd, presque suffocant. Gabriel serra les poings, sentant la douleur de ses ongles s’enfoncer dans sa paume.

— Parce que c’est trop difficile, lâcha-t-il enfin, sa voix tremblante.

Elias, déconcerté, s’avança d’un pas.

— Trop difficile ? Qu’est-ce qui est trop difficile ?

Gabriel secoua la tête, incapable d’aller plus loin. Les mots restaient bloqués dans sa gorge, étouffés par la peur de perdre Elias pour de bon.

Elias resta immobile un moment, ses traits marqués par une douleur qu’il ne cherchait plus à cacher.

— Si tu veux pas me parler, je peux pas te forcer, dit-il finalement, sa voix plus calme mais empreinte de tristesse. Mais sache que ça me tue de te voir comme ça, Gaby.

Il recula légèrement, ses yeux cherchant encore une explication qu’il savait qu’il ne trouverait pas.

— Quand tu seras prêt à parler, je serai là, ajouta-t-il doucement avant de se diriger vers la porte.

Gabriel le regarda partir, son cœur se brisant un peu plus à chaque pas qu’Elias faisait vers la sortie. La porte se referma doucement, laissant Gabriel seul dans le silence oppressant de son appartement.

Il s’effondra sur son lit, les larmes qu’il avait retenues coulant enfin librement. Il savait qu’il venait de briser quelque chose, mais il ne pouvait s’empêcher de penser que c’était peut-être mieux ainsi.

Parce qu’il ne pouvait pas affronter la réalité : il aimait Elias, mais cet amour était une fracture qu’il ne savait pas comment réparer.

Lorsque la porte se referma, Gabriel resta figé, comme si le monde autour de lui s’était arrêté. Le silence de son appartement était assourdissant, amplifié par le martèlement désordonné de son cœur. Les larmes roulaient doucement sur ses joues, mais il n’essayait même pas de les essuyer. Ses pensées, impossibles à contenir, tournaient en boucle. Et si je lui avais tout avoué ? Chaque fois qu’il se posait cette question, son esprit l’entraînait dans des scénarios aussi douloureux qu’inévitables.

Dans son imagination, Elias fronçait les sourcils, son regard empreint d’une incompréhension douloureuse. "Pourquoi tu dis ça maintenant ? Pourquoi gâcher ce qu’on a ?" Ces mots, bien qu’imaginaires, résonnaient comme une gifle. Gabriel voyait Elias essayer de rester gentil, de ne pas le blesser, mais cette politesse même accentuait la douleur. Ce serait une rupture douce, mais définitive, comme une corde qui se tend jusqu’à céder.

Un autre scénario surgit, encore plus cruel. Elias riait nerveusement, visiblement mal à l’aise. "C’est une blague, pas vrai ? Gabriel, on est amis… juste des amis. Ça ne changera jamais." Dans cette vision, Elias évitait son regard, son sourire gêné marquant une distance irréparable. Gabriel se voyait obligé de faire semblant d’accepter cette réponse, tout en sentant son cœur se briser à l’intérieur.

Enfin, la vision la plus brutale s’imposa à lui : Elias reculant, son visage fermé, ses yeux durs. "Je crois qu’on devrait prendre de la distance." Aucun mot supplémentaire, juste cette phrase glaciale qui résonnait comme une condamnation. Gabriel se voyait seul, abandonné, le vide laissé par Elias plus insupportable que tout ce qu’il avait imaginé jusque-là.

Ces visions, bien qu’imaginaires, avaient un poids écrasant. Elles semblaient s’imprimer dans son esprit, chaque scénario devenant plus réel à mesure qu’il y pensait. Gabriel serra les poings, ses ongles s’enfonçant légèrement dans sa paume. Il avait peur. Une peur viscérale qui l’enchaînait, l’empêchant de bouger ou de penser clairement.

Il murmura, à peine audible dans le silence de la pièce :

— Je peux pas… Je peux pas risquer ça.

Ces mots résonnaient dans sa poitrine comme un aveu d’échec. Il préférait rester dans ce silence douloureux, plutôt que de risquer de tout perdre. Même si cela signifiait souffrir chaque jour en regardant Elias s’éloigner, ce serait toujours mieux que de vivre l’un de ces scénarios terrifiants.

Mais cette stratégie qu’il s’imposait devenait elle-même une torture. Chaque message ignoré, chaque fois qu’il évitait Elias, il sentait une part de lui s’effriter un peu plus. La peur du rejet était paralysante, mais la douleur de son propre silence le consumait tout autant.

Gabriel se leva lentement de son lit, ses mouvements lourds et mécaniques. Il traversa la pièce pour attraper son carnet de croquis, ce carnet dans lequel il avait versé toutes ses émotions les plus sincères au fil des années. Il s’assit à son bureau et le feuilleta doucement, ses doigts glissant sur les pages comme s’il redécouvrait une part de lui-même.

Les dessins d’Elias remplissaient chaque page, chaque trait imprégné d’un amour qu’il n’avait jamais pu exprimer autrement. Gabriel sentit un sourire mélancolique étirer ses lèvres alors qu’il s’attardait sur une illustration particulière : Elias riant, une lumière presque palpable dans ses yeux. Il avait dessiné cette image un soir où ils avaient passé des heures à regarder un film idiot, riant si fort qu’ils avaient eu mal aux côtes.

Mais aujourd’hui, même ces souvenirs heureux semblaient teintés de tristesse. Gabriel tenta de se replonger dans son art, mais son esprit était trop agité. Les scénarios qu’il avait imaginés tournaient en boucle dans sa tête, brouillant ses pensées et ses émotions. Chaque ligne qu’il traçait semblait maladroite, déconnectée, incapable de capturer la complexité de ce qu’il ressentait.

Gabriel ferma finalement le carnet et posa son crayon sur le bureau. Il se laissa tomber sur son lit, fixant le plafond avec une intensité vide. Son amour pour Elias n’était pas un amour réconfortant ou apaisant. C’était un poids, une douleur constante qui le rongeait de l’intérieur.

Il voulait croire qu’il y aurait un jour où cette souffrance s’estomperait, où il pourrait regarder Elias sans ressentir cette boule dans sa gorge. Mais ce jour semblait si lointain, presque irréel. Chaque seconde passée à fuir Elias était une seconde où il creusait le fossé entre eux, mais affronter ses peurs semblait encore plus insurmontable.

Dans le silence de la nuit, Gabriel se murmura à lui-même, comme une prière désespérée :

— Je veux juste qu’il soit heureux… même si ça me détruit.

Et, en cet instant, il réalisa que ces mots, bien qu’honnêtes, n’étaient qu’une autre façon de se mentir à lui-même.

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