Chapitre 13
Le silence dans la pièce était presque oppressant. Gabriel sentait son cœur battre à un rythme affolé, ses paumes moites tandis qu’il évitait le regard d’Elias. Il venait de se livrer, d’exposer la vérité qu’il avait enfouie en lui depuis des années, et maintenant, l’attente le dévorait.
Elias, debout près du bureau, tenait toujours le carnet. Ses doigts effleuraient distraitement les bords des pages, comme s’il cherchait une réponse dans les dessins. Il inspira profondément, sa poitrine se soulevant dans un geste qui semblait contenir tout le poids de ses pensées.
— Je… Je ne sais pas quoi dire, finit-il par murmurer, sa voix hésitante, presque brisée.
Gabriel ferma les yeux, se préparant au pire. Ces mots, bien que prononcés doucement, semblaient trancher dans le silence comme une lame.
— Alors ne dis rien, murmura-t-il, sa voix tremblante. Je comprends.
Mais Elias secoua la tête, posant lentement le carnet sur le bureau avant de s’asseoir sur une chaise en face de Gabriel. Ses mouvements étaient calmes, mais ses yeux, eux, trahissaient le tumulte de ses émotions.
— Non, écoute-moi, dit-il, son ton devenant plus ferme. Je ne veux pas que tu penses que… que je te rejette ou que je te juge.
Gabriel releva légèrement la tête, ses yeux brillants d’un mélange de peur et de tristesse. Elias se pencha en avant, ses coudes reposant sur ses genoux, les mains jointes.
— Gaby, tu comptes pour moi, plus que quiconque, commença-t-il, cherchant ses mots avec une difficulté évidente. Et savoir que tu ressens ça pour moi… c’est…
Il s’interrompit, passant une main dans ses cheveux, un tic nerveux que Gabriel connaissait bien.
— C’est beaucoup à digérer, finit-il par dire. Pas parce que c’est mal ou que ça me dérange. Mais parce que je ne savais pas. Et je me sens… idiot de ne pas avoir vu les choses avant.
Gabriel resta silencieux, les doigts crispés sur le tissu de son pantalon.
— Tu n’es pas idiot, murmura-t-il finalement. Je… Je ne voulais pas que tu le saches. Parce que je savais que ça changerait tout.
Elias releva la tête, son regard croisant celui de Gabriel.
— Peut-être que ça va changer des choses, admit-il doucement. Mais ça ne veut pas dire qu’on va se perdre.
Ces mots firent vaciller Gabriel. Il les avait espérés, mais il avait aussi appris à s’attendre au contraire. Il sentit sa gorge se serrer, et une chaleur réconfortante monta en lui, comme une lueur d’espoir fragile.
— Je ne sais pas ce que je ressens exactement, reprit Elias, sa voix plus douce. Mais ce que je sais, c’est que je tiens à toi. Plus que je ne tiens à n’importe qui.
Gabriel releva les yeux, son cœur battant douloureusement dans sa poitrine.
— Tu veux dire… comme un ami, répondit-il, incapable de cacher une pointe de déception dans sa voix.
Elias secoua la tête, un sourire triste étirant ses lèvres.
— Je ne sais pas, avoua-t-il. Peut-être que oui, peut-être que non. Mais je sais que tu comptes trop pour moi pour que je reste indifférent à ce que tu ressens.
Il marqua une pause, son regard plongeant dans celui de Gabriel.
— Ce que je veux, c’est qu’on prenne le temps d’y réfléchir. Que je réfléchisse. Parce que je ne veux pas te blesser.
Un silence s’installa à nouveau entre eux, mais cette fois, il n’était pas lourd. Il était chargé de possibilités, de ce que l’avenir pouvait offrir, même s’il restait incertain.
Elias tendit une main hésitante et posa doucement ses doigts sur ceux de Gabriel. Ce geste, bien que simple, fit jaillir une vague d’émotion chez Gabriel.
— Promets-moi juste une chose, dit Elias, son regard sérieux. Arrête de te cacher. Arrête de fuir. Parce que je tiens à toi, quoi qu’il arrive.
Gabriel sentit une larme couler sur sa joue, mais cette fois, elle n’était pas empreinte de douleur. Il hocha lentement la tête, ses doigts se resserrant légèrement autour de ceux d’Elias.
— D’accord, murmura-t-il.
Le moment était fragile, mais il portait une promesse, celle d’un avenir où tout ne serait pas noir ou blanc, mais rempli de nuances qu’ils découvriraient ensemble.
Le silence qui s’était installé après leurs aveux commençait à s’atténuer. Elias, toujours assis face à Gabriel, jouait nerveusement avec l’ourlet de son t-shirt, tandis que Gabriel fixait le carnet posé sur le bureau. L’atmosphère, bien que chargée d’émotions, semblait plus légère, comme si une tension invisible s’était dissipée.
— Tu veux que je reste un peu ? demanda Elias finalement, rompant le silence.
Gabriel releva les yeux, surpris, mais hocha lentement la tête.
— Oui… enfin, si tu veux.
Elias sourit doucement, presque avec soulagement, et se redressa.
— Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Tu veux dessiner, parler, ou… regarder un truc ?
Gabriel hésita un instant avant de proposer :
— On pourrait regarder un film ?
Elias fit mine de grimacer en anticipant la suite.
— Tu vas encore me proposer un de ces films d’horreur débiles, hein ?
Gabriel esquissa un sourire, le premier véritable sourire depuis des jours.
— Peut-être, répondit-il, une lueur espiègle dans les yeux.
Quelques minutes plus tard, ils s’installèrent sur le canapé, la lumière tamisée et un vieux film d’horreur des années 80 prêt à être lancé. Elias tenait un bol de pop-corn entre ses mains, déjà sur la défensive.
— Tu sais que je déteste ça, dit-il en lançant un regard accusateur à Gabriel.
— Et pourtant, tu le fais toujours, répondit Gabriel avec un petit rire.
Elias roula des yeux, mais un sourire étirait ses lèvres.
— C’est parce que t’as cette tête de chiot malheureux quand je dis non, répliqua-t-il en enfournant une poignée de pop-corn dans sa bouche.
Gabriel se contenta de hausser les épaules, amusé. Cette habitude qu’ils avaient depuis des années était réconfortante, presque nostalgique.
Le film commença, et dès les premières scènes inquiétantes, Elias se tortilla sur le canapé, visiblement mal à l’aise. Il grogna lorsque la musique inquiétante monta en crescendo.
— Pourquoi ils doivent toujours avoir des musiques aussi flippantes ? marmonna-t-il en se recroquevillant légèrement.
Gabriel sourit, observant son ami du coin de l’œil. Elias faisait toujours cela : râler tout en restant, comme s’il ne pouvait pas vraiment s’éloigner.
Lorsqu’une scène particulièrement effrayante surgit, Elias lâcha un petit cri étouffé avant de se blottir contre Gabriel, son visage à moitié enfoui dans son bras.
— Non, non, c’est bon, je peux pas regarder ça, grogna-t-il, ses mains couvrant ses yeux.
Gabriel sentit son cœur s’accélérer à cette proximité inattendue, mais il resta immobile, trop conscient de chaque mouvement d’Elias.
Elias, toujours caché contre lui, finit par jeter un coup d’œil furtif vers l’écran. Mais son regard croisa celui de Gabriel. Ce moment suspendu, où leurs yeux se rencontrèrent, sembla durer une éternité.
Gabriel sentit une chaleur monter en lui, son cœur battant plus fort. Elias, quant à lui, détourna rapidement les yeux, comme s’il venait de réaliser la proximité qu’ils partageaient. Il recula légèrement sur le canapé, se redressant maladroitement.
— Bon, ok, c’était peut-être une mauvaise idée, lâcha-t-il avec un petit rire nerveux.
Gabriel sourit faiblement, essayant de masquer le tourbillon d’émotions qui l’assaillait.
— Tu veux qu’on arrête ? demanda-t-il doucement.
— Non, non… c’est bon, répondit Elias, mais son ton trahissait une certaine gêne.
Lorsque le film se termina, Elias se leva presque immédiatement, s’étirant comme s’il avait besoin de relâcher une tension qu’il ne savait pas expliquer.
— Bon, je vais y aller, dit-il en récupérant son sac.
Gabriel l’observa, une étrange inquiétude flottant en lui.
— Tu es sûr ? Tu peux rester si tu veux…
Elias secoua la tête, un sourire rapide sur les lèvres.
— Non, ça va, merci. J’ai juste besoin de réfléchir un peu.
Il tapota doucement l’épaule de Gabriel avant de sortir, le laissant seul dans le silence de l’appartement.
Gabriel fixa la porte fermée pendant de longues minutes, le cœur lourd. Ce moment de proximité avait été à la fois merveilleux et troublant, et il ne savait pas quoi en penser. Finalement, il attrapa son téléphone et appela Sofia.
— Gaby ? répondit-elle presque aussitôt.
— Il… il est venu. Et il sait tout, lâcha Gabriel, sa voix tremblante.
— Attends, quoi ? Elias ? Qu’est-ce qu’il a dit ? demanda Sofia, alarmée.
Gabriel inspira profondément avant de tout lui raconter : la découverte du carnet, leurs aveux maladroits, et ce moment étrange devant le film.
— Je crois que je l’ai mis mal à l’aise, finit-il par dire, le souffle court.
Sofia resta silencieuse un instant avant de répondre doucement :
— Gaby, il a juste besoin de temps. Laisse-lui un peu d’espace. Ça ne veut pas dire qu’il ne reviendra pas, d’accord ?
Gabriel hocha la tête, bien qu’elle ne puisse pas le voir. Mais même avec ces mots réconfortants, une pointe d’incertitude persistait en lui, accompagnée d’un espoir fragile.
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