Chapitre 14

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La plage s’étendait à perte de vue, baignée d’une lumière éclatante. Le sable chaud, presque blanc, scintillait sous le soleil de midi. Une légère brise venue de l’océan caressait les visages, apportant avec elle une odeur salée et vivifiante. Gabriel marcha lentement, ses pieds s’enfonçant dans le sable, chaque pas un mélange de douceur et de réticence.

Il pouvait déjà entendre les rires de ses amis au loin. Elias, toujours au centre de l’attention, riait avec Amara et Camille près de leur petit cercle de serviettes colorées. La scène était si ordinaire, si familière, qu’elle aurait dû être réconfortante. Mais pour Gabriel, chaque éclat de rire semblait amplifié, une résonance douloureuse qui lui rappelait leur distance.

La mer, d’un bleu profond, était parsemée de vagues qui scintillaient comme des diamants. Les mouettes planaient au-dessus, ponctuant le calme de leurs cris occasionnels. Gabriel serra légèrement les poings, essayant de se concentrer sur le paysage plutôt que sur le poids dans sa poitrine.

Sofia, à ses côtés, le poussa gentiment de l’épaule, brisant ses pensées.

— Hé, tu comptes rester planté là toute la journée ou quoi ? murmura-t-elle avec un sourire.

Gabriel esquissa un sourire rapide, mais il n’atteignit pas ses yeux.

— Désolé, répondit-il.

— Arrête de t’excuser tout le temps. Détends-toi.

Ils rejoignirent le groupe, installé en cercle sur des serviettes multicolores. Amara, qui semblait incapable de rester assise plus de deux minutes, gesticulait en racontant une histoire, son enthousiasme captant toute l’attention.

— … et là, il glisse sur son plateau de sushis ! Je vous jure, tout le monde dans le restaurant était mort de rire.

Camille éclata de rire, ses lunettes de soleil glissant légèrement sur son nez.

— Je suis sûre que c’est encore toi qui as provoqué ça, lança-t-elle.

Amara leva les mains en signe de protestation.

— Moi ? Absolument pas ! C’est juste que les situations absurdes me suivent, répondit-elle en riant.

Léon, qui écoutait tout en mâchouillant une paille, roula des yeux avec un sourire.

— Si tu arrêtais de provoquer des catastrophes, peut-être que ça s’arrêterait.

Elias, assis à côté de Camille, lança une plaisanterie rapide qui fit éclater le groupe de rire, mais Gabriel n’entendit même pas ce qu’il disait. Son attention était trop focalisée sur les gestes naturels d’Elias, sur ses sourires, sur cette légèreté qui semblait lui échapper depuis plusieurs jours.

Sofia s’installa près de Gabriel et posa une main sur son bras, attirant son attention.

— Tu veux leur parler ou tu comptes rester dans ton coin ? murmura-t-elle.

— Pas maintenant, souffla Gabriel, presque inaudible.

Le groupe continua à discuter, les sujets passant de leurs sorties récentes aux projets pour les semaines à venir. Puis, Sofia, qui semblait toujours avoir un talent pour lancer des remarques à double tranchant, lâcha une phrase qui fit basculer l’ambiance.

— Vous deux, vous êtes comme un vieux couple, parfois, dit-elle en désignant Gabriel et Elias avec un sourire amusé.

Le groupe éclata de rire, sauf Gabriel, dont le cœur sembla s’arrêter. Elias, lui, eut un léger sursaut, ses lèvres s’entrouvrant comme s’il cherchait une réponse.

— C’est vrai, ajouta Amara en riant. Vous avez une telle complicité que c’en est presque mignon.

Camille, visiblement inconsciente de la tension, acquiesça avec un sourire.

— Ils sont inséparables, c’est sûr !

Elias se contenta de sourire rapidement, mais il évitait désormais soigneusement de croiser le regard de Gabriel. Sofia, réalisant sa maladresse, se pencha discrètement vers Gabriel.

— Désolée, je voulais juste plaisanter, murmura-t-elle.

Gabriel hocha la tête sans un mot, mais il sentait la chaleur de l’embarras monter en lui. Cette simple remarque, bien que anodine en apparence, avait touché une corde sensible qu’il essayait désespérément de cacher.

Pour dissiper le malaise, Camille proposa une baignade. Tout le monde accepta avec enthousiasme, et ils coururent vers l’eau. L’océan semblait accueillant, ses vagues venant lécher doucement le rivage.

Gabriel resta légèrement en retrait, flottant plus loin que les autres. L’eau était froide mais apaisante, chaque vague lui donnant une sensation de légèreté qu’il ne trouvait nulle part ailleurs.

Elias, cependant, ne tarda pas à le rejoindre. Gabriel sentit sa présence avant même de le voir, son souffle s’accélérant légèrement.

— Tu vas bien ? demanda Elias, sa voix douce mais incertaine.

Gabriel hocha la tête, incapable de répondre. Une vague plus forte le déséquilibra soudain, et avant qu’il ne puisse se stabiliser, Elias tendit la main pour l’attraper.

Le contact fut bref, mais il sembla durer une éternité. Leurs regards se croisèrent, et Gabriel sentit une chaleur familière monter en lui. Elias, visiblement troublé, recula légèrement après avoir relâché sa main.

— Fais attention, dit-il simplement, sa voix étrangement douce.

Gabriel murmura un remerciement, mais Elias s’éloigna vers le groupe, son air distant marquant clairement son trouble.

Le soleil commençait à décliner, teignant le ciel de nuances orangées. De retour sur le sable, le groupe s’étendit sur leurs serviettes, profitant de cette lumière dorée qui semblait figer le temps.

Gabriel, allongé sur le dos, fixait le ciel, mais ses pensées étaient tournées vers Elias. Ce moment dans l’eau, ce contact, ce regard… Tout cela semblait avoir ouvert une porte qu’il avait tenté de garder fermée.

Elias, assis à proximité, finit par murmurer à voix basse, de manière à ce que seul Gabriel puisse entendre :

— On devrait parler.

Gabriel tourna la tête vers lui, son cœur battant à tout rompre.

— Quand tu veux, répondit-il, sa voix presque étouffée par l’émotion.

Mais avant qu’ils ne puissent continuer, Camille interpella Elias pour une nouvelle partie de volley. Elias hésita, lançant un regard rapide à Gabriel avant de se lever pour rejoindre les autres.

Gabriel resta immobile, le cœur serré. Cette conversation qu’ils avaient laissée en suspens planait désormais comme une ombre entre eux, un poids que ni l’un ni l’autre ne semblait prêt à soulever.

Le soleil se faisait plus doux alors qu’Amara, comme à son habitude, proposait une idée qui sembla enthousiasmer tout le monde.

— Et si on allait chercher des glaces ? lança-t-elle, son sourire radieux trahissant une envie bien calculée.

Camille hocha la tête avec entrain.

— Bonne idée. Mais qui se porte volontaire pour aller jusqu’au stand ?

Amara posa aussitôt son regard sur Elias et Gabriel.

— Vous deux ! Vous êtes parfaits pour ça.

Elias, sans même attendre une réaction de Gabriel, se leva et s’étira avec nonchalance.

— Pas de problème. Gaby, tu viens ?

Gabriel sentit tous les regards se poser sur lui, mais il hocha rapidement la tête.

— Bien sûr.

Ils récupérèrent les commandes rapidement énumérées par le groupe : Camille voulait un sorbet mangue-framboise, Amara opta pour une double boule vanille et caramel, et Léon, fidèle à lui-même, demanda une glace au chocolat avec un supplément de chantilly. Sofia se contenta de sourire malicieusement, lançant simplement :

— Surprenez-moi.

Alors qu’ils marchaient vers le stand de glaces, le silence entre Elias et Gabriel n’était pas pesant, mais il était chargé de cette connaissance implicite qu’ils partageaient désormais. Le carnet de croquis avait ouvert une porte que Gabriel aurait préféré laisser fermée. Pourtant, Elias, fidèle à lui-même, restait naturel. Il semblait observer Gabriel d’un œil nouveau, mais sans brusquerie, comme s’il cherchait à comprendre une dynamique qu’il n’avait jamais envisagée.

Elias brisa le silence en pointant un groupe d’enfants jouant dans le sable.

— Tu te rappelles cette fois où on avait fait un concours pour construire la plus grande tour de sable ?

Gabriel rit doucement, les souvenirs remontant avec clarté.

— Oui. Et ta "tour" s’était effondrée avant même qu’on ait fini de la mesurer.

Elias éclata de rire, secouant la tête.

— Et toi, tu étais tellement fier de la tienne que tu avais insisté pour qu’on la prenne en photo.

Gabriel haussa les épaules avec un sourire.

— C’était une œuvre d’art.

— Une œuvre d’art qui a tenu… quoi, trois minutes avant que la marée l’emporte ?

Gabriel fit mine d’être outré, mais son sourire ne le quittait pas.

Alors qu’ils approchaient du stand, Elias ralentit légèrement le pas, regardant Gabriel du coin de l’œil.

— Tu sais, j’ai beaucoup pensé à ton carnet, dit-il doucement.

Gabriel sentit son cœur s’accélérer légèrement.

— Oh…

Elias s’arrêta brièvement, observant l’horizon.

— Je ne savais pas quoi ressentir au début. C’était… beaucoup à digérer.

Gabriel hocha la tête, ses yeux fixés sur ses pieds.

— Je comprends si ça t’a mis mal à l’aise.

Elias secoua la tête immédiatement.

— Ce n’est pas ça. C’est juste… je n’avais jamais réalisé à quel point tu me voyais.

Gabriel leva légèrement les yeux, croisant brièvement ceux d’Elias.

— Peut-être que je te vois trop, murmura-t-il.

Elias resta silencieux un moment avant de reprendre leur marche vers le stand.

Devant le petit stand niché entre deux palmiers, une file s’étirait. L’odeur sucrée des cornets frais flottait dans l’air, accompagnée par des éclats de rire d’enfants impatients.

— Alors, Camille veut quoi déjà ? demanda Elias, lisant distraitement le menu affiché.

— Sorbet mangue-framboise, répondit Gabriel. Amara, vanille-caramel. Léon, chocolat-chantilly.

Elias leva les yeux vers lui avec un sourire en coin.

— Et toi ?

Gabriel haussa les épaules.

— Choisis pour moi.

Elias commanda tout, choisissant pour Gabriel une glace à la pistache, sachant que c’était son parfum préféré, bien qu’il ne l’ait jamais dit à voix haute. Lorsqu’ils reçurent leurs commandes, leurs mains se frôlèrent brièvement en prenant les cornets, et Gabriel sentit un frisson inexplicable lui parcourir le bras.

Elias le regarda, comme s’il avait ressenti la même chose, mais il n’en dit rien.

Alors qu’ils faisaient le chemin du retour, Elias s’arrêta soudain, observant Gabriel avec une intensité inhabituelle.

— Je tiens à toi, Gaby, dit-il doucement.

Gabriel sentit une chaleur familière monter en lui, mêlée d’un pincement d’incertitude.

— Je sais, murmura-t-il. Mais parfois, je me demande si ça suffira.

Elias fronça légèrement les sourcils, ses lèvres s’entrouvrant comme pour répondre, mais il sembla se raviser.

Ils continuèrent leur chemin en silence, le bruit des vagues accompagnant leurs pas. Lorsque le groupe apparut à l’horizon, la tension entre eux s’était apaisée, mais la question restait suspendue, comme une promesse non tenue.

Leurs pieds laissant des empreintes légères dans le sable humide, Elias s’arrêta soudain, tenant toujours les glaces dans une main. Il regarda Gabriel, une expression indéchiffrable sur le visage, mêlant douceur et intensité.

— Parfois, je me demande si ce que tu ressens pour moi est quelque chose que je peux… mériter, dit-il, sa voix presque inaudible, comme s’il avait parlé à lui-même autant qu’à Gabriel.

Gabriel s’immobilisa, le souffle coupé par la portée de ces mots. Ses yeux cherchèrent ceux d’Elias, mais avant qu’il ne puisse répondre, Elias détourna légèrement le regard et reprit la marche.

— Allez, on va se faire engueuler si la glace fond avant qu’on arrive, ajouta Elias avec un sourire léger, brisant l’ambiance pesante qu’il venait de créer.

Gabriel, troublé, le suivit en silence, ses pensées se bousculant. Les mots d’Elias résonnaient encore dans sa tête, laissant une nouvelle tension planer entre eux, plus ambiguë que jamais.

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