Chapitre 15

7 minutes de lecture

De retour auprès du groupe, Elias et Gabriel distribuèrent les glaces avec un sourire de façade. L’atmosphère légère et joyeuse semblait presque contagieuse. Les rires fusaient alors qu’Amara taquinait Léon sur sa gourmandise, et Camille s’extasiait sur son sorbet à la mangue.

Gabriel, assis sur sa serviette, observait la scène avec une sérénité inattendue. La tension entre Elias et lui semblait s’être légèrement dissipée, comme si l’échange au stand de glaces avait établi une fragile trêve. Elias, assis près de Camille, riait à une blague de Léon, et Gabriel, pour la première fois depuis longtemps, se permit de croire que les choses pourraient évoluer naturellement entre eux.

Mais ce moment de tranquillité fut brisé par une phrase anodine de Camille.

— Alors, Elias, tu viens toujours vendredi soir ? demanda-t-elle en léchant sa cuillère avec insouciance.

Elias hocha la tête, un sourire en coin.

— Bien sûr, je ne vais pas rater ça.

Gabriel, qui mordait distraitement dans son cornet de glace, sentit son estomac se nouer.

— Vendredi soir ? répéta-t-il, tentant de garder un ton neutre.

Camille tourna la tête vers lui, souriante.

— Oui, on organise une soirée karaoké chez moi. J’ai invité quelques personnes de la chorale. Elias a dit qu’il viendrait.

— Ah… d’accord, répondit Gabriel, feignant l’indifférence.

Mais une pointe douloureuse transperça sa poitrine. Il détourna le regard, fixant l’horizon pour cacher la tourmente qui montait en lui.

Tout au long de l’après-midi, Gabriel se replia sur lui-même. Il participait moins aux discussions, évitant de croiser le regard d’Elias. Chaque éclat de rire partagé entre Elias et Camille était comme un rappel cruel de ce qu’il ne pouvait pas avoir.

Sofia, qui observait toujours attentivement, s’assit à côté de lui.

— Qu’est-ce qui se passe ? Tu étais bien, tout à l’heure.

Gabriel haussa les épaules, jouant distraitement avec le sable entre ses doigts.

— Rien.

Sofia roula des yeux, agacée par sa réponse évasive.

— Gaby, tu m’as déjà fait le coup, et je sais que ce n’est pas "rien". Parle-moi.

Gabriel hésita, mais il finit par murmurer :

— C’est juste… Elias. Et Camille.

Sofia fronça les sourcils, cherchant à comprendre.

— Tu penses qu’il se passe quelque chose entre eux ?

Gabriel hocha légèrement la tête, la gorge serrée.

— Je sais que je n’ai pas le droit de… d’être jaloux. Mais je le suis.

Sofia posa une main réconfortante sur son bras.

— Tu as le droit de ressentir ce que tu ressens. Mais peut-être que tu te fais des idées. Tu devrais lui parler.

Ce soir-là, alors que le soleil avait disparu derrière l’horizon, le groupe commença à se disperser. Elias, qui discutait encore avec Léon, croisa le regard de Gabriel. Quelque chose dans son expression le poussa à aller vers lui.

— Hé, tu veux qu’on marche un peu avant de rentrer ? demanda Elias.

Gabriel hésita, mais il finit par hocher la tête.

Ils s’éloignèrent du reste du groupe, le bruit des vagues accompagnant leurs pas. Le silence entre eux était confortable au début, mais Gabriel sentait les mots brûler sur le bout de sa langue.

— Tu as l’air ailleurs, remarqua Elias, rompant le silence.

Gabriel inspira profondément avant de répondre.

— J’ai entendu Camille parler de votre soirée vendredi.

Elias haussa un sourcil, surpris.

— Oui, elle m’a invité. Pourquoi ?

Gabriel détourna les yeux, fixant les vagues sombres qui s’écrasaient doucement sur le rivage.

— Rien. C’est juste que… parfois, j’ai l’impression que tu t’éloignes de moi, répondit-il finalement, sa voix tremblante.

Elias s’arrêta, le regard fixant Gabriel avec une intensité troublante.

— Gaby, je ne m’éloigne pas. Et il n’y a rien entre Camille et moi, si c’est ce que tu penses.

Gabriel sentit un poids se lever légèrement, mais l’incertitude demeurait.

— Alors pourquoi tu passes autant de temps avec elle ?

Elias soupira, passant une main dans ses cheveux.

— Parce qu’elle est gentille, et parce qu’elle m’a invité. Mais toi, tu comptes beaucoup plus pour moi qu’elle ou n’importe qui d’autre.

Gabriel releva les yeux, surpris par la sincérité de ses mots.

— Vraiment ?

Elias hocha la tête, un sourire léger sur les lèvres.

— Oui. Et je suis désolé si je t’ai donné l’impression du contraire.

Ils continuèrent à marcher en silence, mais cette fois, la tension semblait s’être apaisée. Gabriel sentit un léger espoir naître en lui, bien qu’il ne soit pas encore certain de ce que l’avenir leur réservait.

Elias, marchant à ses côtés, finit par murmurer :

— Vendredi, si tu veux venir… ça me ferait plaisir.

Gabriel leva les yeux vers lui, surpris, mais il hocha lentement la tête.

— Peut-être.

Leur marche se termina sous les étoiles, laissant derrière eux une promesse fragile, comme une lumière vacillante dans l’obscurité.

Les jours qui suivirent la conversation sur la plage furent marqués par une étrange normalité. Gabriel et Elias continuaient de se parler, de rire ensemble en présence de leurs amis, comme si rien n’avait changé. Mais sous cette apparente légèreté, Gabriel sentait qu’un tournant avait été pris. Elias semblait plus attentif, comme s’il essayait de combler un vide qu’il n’avait jamais remarqué auparavant. Chaque regard qu’il lançait à Gabriel portait une nuance différente, comme une question silencieuse qu’il n’osait pas encore poser.

Un soir, alors que Gabriel travaillait sur ses croquis, perdu dans ses pensées, un coup frappé à la porte le fit sursauter. Il posa son crayon et alla ouvrir, s’attendant à voir Sofia ou même sa mère. Mais c’était Elias, debout sur le seuil avec un air à la fois nerveux et déterminé.

— Elias ? fit Gabriel, surpris.

— Salut, Gaby, murmura Elias. Je peux entrer ?

Gabriel acquiesça, reculant pour lui laisser le passage.

Elias entra dans le salon et balaya la pièce du regard. Son regard s’arrêta sur la table basse où étaient étalés les croquis de Gabriel. Il s’attarda sur certains dessins qu’il reconnaissait, des moments partagés entre eux, immortalisés avec une précision presque douloureuse.

— Tu continues à dessiner tout ça, hein ? murmura Elias, une pointe d’émotion dans la voix.

Gabriel détourna les yeux, mal à l’aise.

— C’est juste… un moyen de mettre de l’ordre dans mes pensées, répondit-il.

Elias hocha la tête, mais il semblait absorbé par un croquis particulier : une scène de plage où il riait, les cheveux en bataille sous le vent.

— Tu me vois toujours comme ça ? demanda-t-il doucement, levant enfin les yeux vers Gabriel.

— Oui, répondit Gabriel sans hésiter. C’est comme ça que je veux me souvenir de toi.

Elias sembla déstabilisé par la réponse, mais il n’en fit pas mention. Il s’assit sur le canapé, l’air déterminé à parler.

— Écoute, commença Elias, je ne vais pas tourner autour du pot. Ces derniers jours, j’ai beaucoup réfléchi. À toi, à moi, à ce qu’on est.

Gabriel sentit son cœur s’accélérer, mais il resta silencieux, ses mains crispées sur ses genoux.

— Quand j’ai vu ton carnet, ça m’a bouleversé, admit Elias. Pas parce que ça m’a mis mal à l’aise, mais parce que… je ne savais pas que tu me voyais de cette façon.

Gabriel baissa les yeux, le souffle court.

— Je ne voulais pas que tu le saches. Pas comme ça.

— Pourquoi ? demanda Elias.

Gabriel releva la tête, son regard brillant d’une émotion contenue.

— Parce que j’avais peur que ça change tout. Que tu ne sois plus toi, avec moi.

Elias resta silencieux un moment, son regard fixé sur Gabriel.

— Ça a changé quelque chose, admit-il enfin. Mais pas dans le sens où tu l’imagines.

Gabriel fronça légèrement les sourcils, cherchant à comprendre.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

Elias inspira profondément, comme pour se donner du courage.

— Je veux dire que… ça m’a fait réaliser à quel point tu comptes pour moi. Et que peut-être… ce que tu ressens, je pourrais le ressentir aussi.

Gabriel ouvrit la bouche, abasourdi, mais Elias le coupa avant qu’il ne puisse répondre.

— Je ne suis pas sûr de ce que je ressens, Gaby. Mais ce dont je suis sûr, c’est que je ne veux pas te perdre. Alors… si on essayait, toi et moi ? Juste pour voir où ça nous mène.

Les mots d’Elias flottèrent dans l’air, suspendus entre eux. Gabriel sentit son cœur battre à tout rompre, un mélange de peur et d’espoir se disputant en lui.

— Tu veux dire… comme un couple ? demanda-t-il enfin, sa voix tremblante.

Elias hocha la tête, un sourire timide étirant ses lèvres.

— Oui. Je ne te promets pas de tout comprendre tout de suite, mais je veux essayer.

Gabriel sentit les larmes lui monter aux yeux, mais il les retint, esquissant un sourire timide.

— Tu es sûr ? Parce que si tu n’es pas prêt…

Elias posa une main sur son genou, un geste doux mais ferme.

— Je suis prêt à essayer, dit-il doucement. Je veux construire quelque chose avec toi, même si je ne sais pas encore exactement quoi.

Gabriel hocha lentement la tête, son cœur empli d’un mélange de soulagement et de joie.

— Alors… d’accord. Essayons.

Elias éclata d’un rire léger, presque nerveux.

— Merci, murmura-t-il.

Le reste de la soirée se déroula dans une atmosphère étrange mais agréable. Ils parlèrent de tout et de rien, revisitant des souvenirs d’enfance, partageant leurs rêves pour l’avenir. La tension qui avait pesé sur leur relation ces dernières semaines semblait s’être dissipée, remplacée par une lueur d’espoir fragile mais réelle.

Quand Elias partit, il se tourna vers Gabriel avant de franchir la porte.

— Je ne sais pas ce que demain nous réserve, mais je suis content qu’on ait eu cette conversation.

Gabriel hocha la tête, un sourire sincère sur les lèvres.

— Moi aussi.

Alors qu’il refermait la porte derrière Elias, Gabriel sentit une chaleur nouvelle l’envahir. Leur avenir était incertain, mais pour la première fois, il se sentait prêt à affronter ce qu’il pourrait leur réserver.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Podqueenly ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0