Chapitre 21

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La nuit était douce, enveloppée d’un vent léger qui faisait frémir les herbes sur la colline. Le ciel, dégagé et profond, s’ornait déjà des premières étoiles filantes, glissant comme des lueurs éphémères. Gabriel et Elias s’étaient retrouvés là, au sommet, là où tout avait commencé.

Ils étaient assis côte à côte sur une couverture, les jambes croisées, regardant en silence le spectacle céleste. Elias, fidèle à lui-même, semblait calme, mais Gabriel sentait une tension sous-jacente, un poids qui alourdissait l’air entre eux.

— C’est beau, hein ? murmura Elias en rompant le silence, ses yeux suivant une étoile traversant l’horizon.

— Oui, répondit Gabriel, presque machinalement.

Mais même devant cette beauté infinie, Gabriel se sentait déconnecté, comme si quelque chose manquait. Il savait que l’espace entre eux, aussi infime soit-il physiquement, représentait un gouffre qu’ils n’avaient pas encore réussi à franchir.

Elias tourna lentement la tête vers Gabriel, son expression douce mais teintée d’hésitation.

— Tu sais, Gaby… Je sais que ça ne suffit pas de dire que je suis désolé, murmura-t-il.

Gabriel cligna des yeux, surpris par la sincérité dans la voix d’Elias.

— Ce n’est pas seulement à propos de Camille, ajouta-t-il, baissant légèrement les yeux. C’est… tout. Ce que tu ressens, ce que tu doutes, et même ce que je n’ai pas encore réussi à te montrer.

Gabriel inspira profondément, le regard fixé sur les étoiles.

— Tu sais, je ne doute pas de ce que tu ressens, Elias, finit-il par dire. Je doute de moi. Je doute d’être capable de te donner ce que tu attends de moi.

Elias tendit la main, cherchant doucement celle de Gabriel. Le contact était léger, presque hésitant.

— Je n’attends pas que tu sois parfait, Gaby. Je veux juste que tu sois toi. Et… je suis prêt à attendre, aussi longtemps qu’il le faudra.

Gabriel sentit une chaleur familière monter en lui, une larme solitaire glissant sur sa joue. Il hocha doucement la tête, incapable de trouver les mots, mais reconnaissant pour la patience d’Elias.

Alors qu’ils continuaient d’observer le ciel, Elias rompit de nouveau le silence, sa voix plus basse cette fois, presque tremblante.

— Tu sais, j’ai toujours fait semblant d’être sûr de moi, murmura-t-il. Avec les autres, avec toi… Mais ce n’est pas vrai.

Gabriel tourna lentement la tête vers lui, surpris par cette confession.

— J’ai peur, continua Elias. Peur de ne pas être assez pour toi. Peur que… tout ça s’effondre si je fais un faux pas.

Les mots d’Elias résonnèrent profondément en Gabriel, qui vit pour la première fois une vulnérabilité qu’Elias s’efforçait toujours de cacher.

— Moi aussi, j’ai peur, avoua Gabriel, sa voix douce mais ferme.

Leurs regards se croisèrent, et pour un instant, les étoiles semblaient disparaître, éclipsées par l’intensité de ce moment partagé.

Le vent souffla doucement, portant avec lui le parfum de l’herbe humide et le murmure des étoiles. Elias sourit faiblement, serrant un peu plus fort la main de Gabriel.

— On a encore beaucoup à apprendre l’un de l’autre, murmura-t-il. Mais tant qu’on est là, tous les deux, je sais qu’on peut y arriver.

Gabriel ferma les yeux un instant, laissant les mots d’Elias se déposer en lui comme un baume. Quand il les rouvrit, une étoile filante traversait le ciel, rapide et brillante, laissant une traînée lumineuse derrière elle.

— Alors, faisons un vœu, proposa Gabriel doucement, ses lèvres esquissant un sourire.

Elias hocha la tête, fermant les yeux. Dans le silence partagé, leurs pensées restèrent secrètes, mais leurs cœurs semblaient battre au même rythme.

Cette nuit, sous la pluie de météores, ils se promirent sans mots de continuer à avancer, un pas à la fois, main dans la main.

Quelques jours après leur soirée sous les météores, Gabriel et Elias se retrouvèrent à une fête organisée par Sofia. L’ambiance était légère, la musique résonnait dans la maison illuminée par des guirlandes colorées, et les éclats de rire emplissaient l’air. Pourtant, Gabriel n’était pas à l’aise. Les discussions et les sourires forcés lui semblaient presque étouffants, comme si une part de lui redoutait encore la fragilité de ce qu’il partageait avec Elias.

Elias, quant à lui, semblait plus détendu. Il circulait parmi les invités avec son habituel charisme, saluant tout le monde, mais ses yeux revenaient sans cesse à Gabriel. Il le trouva dans un coin de la salle, près d’un canapé, une boisson à la main, le regard ailleurs.

— Tu t’ennuies déjà ? demanda Elias en s’approchant, un sourire doux sur les lèvres.

Gabriel haussa les épaules, tentant un sourire.

— Non… Enfin, un peu. Ce n’est pas trop mon truc, tu sais.

Elias hocha la tête, s’asseyant à côté de lui.

— Alors viens, dit-il en tendant la main. Je veux te montrer quelque chose.

Elias guida Gabriel à l’extérieur, loin de la musique assourdissante et de la foule agitée. Le jardin était plus calme, éclairé par la lumière tamisée des lanternes suspendues. L’air frais de la nuit était une bouffée d’oxygène pour Gabriel, qui se sentait déjà plus léger.

Ils s’arrêtèrent près d’un banc, sous un grand arbre dont les branches semblaient les protéger du reste du monde. Elias se tourna vers Gabriel, ses yeux brillants dans l’obscurité.

— Gaby, je sais que tu doutes encore. Que tu te demandes si tu peux vraiment me faire confiance, commença-t-il doucement.

Gabriel baissa les yeux, triturant le bord de sa veste.

— Ce n’est pas que je ne te fais pas confiance, murmura-t-il. C’est juste… difficile, parfois.

Elias s’approcha légèrement, posant une main sur l’épaule de Gabriel.

— Je comprends. Mais je veux que tu saches quelque chose. Il n’y a que toi, Gabriel. Tu es le seul dans mon cœur, et je vais te le prouver.

Gabriel releva les yeux, surpris par le sérieux dans la voix d’Elias.

— Comment ? demanda-t-il, sa voix presque hésitante.

Elias esquissa un sourire avant de plonger la main dans la poche de sa veste. Il en sortit une petite chaîne en argent, simple mais élégante, avec un pendentif en forme d’étoile.

— Je l’ai trouvée après notre soirée sous les météores. Ça m’a fait penser à toi, avoua Elias, tendant le bijou à Gabriel.

Gabriel resta figé, ému par le geste.

— Elias, murmura-t-il, sa voix tremblante.

— Prends-le, continua Elias. C’est juste un petit truc, mais… je veux que tu le portes, pour te rappeler que je suis là. Que je ne vais nulle part.

Gabriel attrapa la chaîne avec précaution, la tenant comme un trésor précieux.

— Merci, dit-il finalement, un sourire timide éclairant son visage.

Ils restèrent assis là un moment, parlant doucement, loin du tumulte de la fête. Elias s’assura de faire comprendre à Gabriel qu’il n’y avait personne d’autre dans son cœur, aucun doute, aucune place pour Camille ou quiconque.

— Tu sais, je n’ai jamais ressenti ça pour quelqu’un avant toi, dit Elias à un moment, sa voix à peine audible.

Gabriel sentit une chaleur envahir son cœur, dissipant un peu plus les doutes qui l’avaient assailli ces derniers jours.

— Moi non plus, avoua-t-il doucement.

Elias lui lança un regard tendre avant de briser leur moment avec une touche d’humour.

— Bon, on retourne à la fête ? Parce que Sofia va nous tuer si on reste trop longtemps dehors.

Gabriel éclata de rire, un rire sincère qu’il n’avait pas eu depuis longtemps.

De retour à l’intérieur, Gabriel sentit la tension dans son cœur s’apaiser. Il resta près d’Elias pour le reste de la soirée, observant avec un léger sourire la manière dont il interagissait avec les autres, mais aussi la façon dont ses yeux revenaient toujours à lui.

Alors que la fête touchait à sa fin, Elias glissa doucement à son oreille :

— Tu es ma priorité, Gaby. Toujours.

Ces mots résonnèrent en lui alors qu’ils quittaient la fête ensemble, le pendentif serré contre son cœur. Cette nuit, pour la première fois depuis longtemps, Gabriel sentit que leurs promesses prenaient racine, solides malgré les tempêtes qu’ils avaient traversées.

La fête battait son plein, inondant la maison et le jardin d’une énergie vibrante. Les guirlandes lumineuses suspendues entre les arbres diffusaient une lumière douce, tandis que la musique pulsait dans l’air, accompagnée des rires et des discussions animées des invités. Gabriel et Elias, préférant l’apaisement de l’extérieur, s’étaient installés à l’écart, sur une petite table près du jardin. Leurs voix s’élevaient doucement au-dessus du tumulte, entrecoupées de sourires timides et d’échanges sincères.

Tout semblait parfaitement normal jusqu’à ce qu’un cri aigu, suivi d’un éclat de rire bruyant, brise leur tranquillité. Le regard de Gabriel se porta immédiatement vers un groupe de jeunes au centre de la pelouse. L’un d’eux, visiblement trop éméché, agitait un long bâton en bois qu’il faisait tourner maladroitement autour de lui, manquant de heurter les autres à chaque mouvement. Ses gestes désordonnés provoquaient à la fois des rires et des protestations moqueuses de la part des invités qui tentaient de s’éloigner de sa portée.

— Sérieusement ? soupira Gabriel en plissant les yeux. Qui lui a donné ça ?

— Aucune idée, répondit Elias, ses sourcils froncés, son expression passant de l’amusement à l’inquiétude. Ça ne sent pas bon du tout.

Le garçon continuait à faire tournoyer le bâton de manière de plus en plus erratique, ignorant les remarques de ceux qui l’entouraient. Sofia, voyant le danger, tenta de s’interposer, levant les mains pour lui parler calmement. Mais dans son état, il ne semblait pas entendre raison. D’un geste brusque, il pivota sur lui-même, le bâton effectuant un arc large et imprécis.

Le bois fendit l’air avec une brutalité inattendue, et avant que quiconque ne puisse réagir, l’extrémité du bâton frappa Elias en plein visage. Le coup, rapide et violent, n’atteignit pas seulement l’arcade sourcilière : il s’enfonça suffisamment pour griffer l’intérieur des deux yeux, laissant une marque immédiate et brutale.

Elias vacilla en arrière, un cri de douleur déchirant sa gorge alors qu’il portait instinctivement ses mains à son visage. Le sang jaillit aussitôt, coulant le long de ses joues et maculant ses doigts tremblants. Gabriel bondit de sa chaise, son cœur battant à tout rompre alors qu’il attrapait Elias pour l’empêcher de tomber.

— Elias ! Qu’est-ce qui se passe ?! cria-t-il, sa voix tremblante d’effroi.

Elias gémissait, sa respiration saccadée, tandis qu’il tentait de parler.

— Mes yeux… je… ça me brûle, murmura-t-il, ses mots entrecoupés de halètements.

Gabriel observa avec horreur le sang qui continuait de couler en un filet sombre et visqueux. Les invités s’étaient arrêtés net, leurs regards fixés sur Elias et Gabriel au centre du chaos. Sofia, pâle, tenta d’approcher, mais Gabriel ne lâcha pas Elias, le maintenant fermement, cherchant à comprendre l’ampleur des dégâts.

— On va te soigner, Elias. Je te promets qu’on va arranger ça, tenta Gabriel, bien que sa voix trahissait sa propre panique.

Mais les mots d’Elias, prononcés dans un souffle tremblant, gelèrent Gabriel sur place.

— Gaby… je… je ne vois plus rien, balbutia Elias, sa voix brisée par la terreur.

Autour d’eux, la fête, qui quelques instants auparavant vibrait de joie et de légèreté, s’était figée dans un silence étouffant. Les invités, auparavant bruyants et rieurs, restaient pétrifiés, leurs visages déformés par la stupeur et l’incompréhension. Le jeune homme responsable, toujours le bâton en main, avait reculé de quelques pas, son visage blême et ses mains tremblantes.

— Je… Je suis désolé… Je voulais pas ! bredouilla-t-il, mais personne ne l’écoutait.

Sofia reprit ses esprits et cria d’une voix forte, perçant le silence :

— Quelqu’un appelle une ambulance, tout de suite !

Gabriel serrait Elias contre lui, sa chemise se teintant rapidement du sang qui continuait de s’écouler des paupières de son ami. Elias respirait rapidement, son souffle tremblant, et chaque mot qu’il prononçait semblait chargé de désespoir.

— Gaby… qu’est-ce que je vais faire… si je ne revois jamais rien ? demanda-t-il dans un murmure, la voix brisée.

Gabriel sentit son cœur se serrer à un point presque insoutenable. Les paroles d’Elias résonnaient dans son esprit, amplifiées par l’impuissance qui s’abattait sur lui.

— Ne dis pas ça, Elias. Ça va aller, je te le promets, murmura-t-il, mais même ses propres mots lui semblaient vides.

Alors que les lumières de la maison semblaient vaciller au rythme du chaos, Gabriel posa une main ferme sur celle d’Elias. Il pouvait sentir les tremblements de son ami, son corps tout entier parcouru d’une peur viscérale. Mais dans ce moment d’incertitude, Gabriel savait qu’il n’avait pas le droit de flancher.

— Je suis là, Elias. Je ne te laisserai pas seul, ajouta Gabriel, sa voix plus forte, cherchant à couvrir le tumulte de ses propres émotions.

Le monde autour d’eux semblait se dissoudre, les visages des invités devenant flous, les murmures indistincts. Tout ce qui importait, c’était Elias, son souffle irrégulier, ses mains tachées de sang et cette phrase qui continuait de résonner : "Je ne vois plus rien."

Ce moment, brutal et inattendu, marquait un tournant. Leur relation, déjà fragile, allait devoir affronter une nouvelle épreuve, une tempête plus violente qu’ils ne l’auraient jamais imaginée.

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