Chapitre 25

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Le jour où les bandages furent retirés, la pièce semblait emplie d’une tension presque palpable. Elias était assis sur le bord du lit, les mains crispées sur ses genoux, son souffle légèrement tremblant. Gabriel, debout à ses côtés, observait en silence, son cœur battant à tout rompre. Le médecin, avec des gestes mesurés, entreprit de dérouler les longues bandes de gaze qui couvraient les yeux d’Elias.

— Prenez votre temps, Elias. Ouvrez les yeux quand vous vous sentirez prêt, dit doucement le médecin, sa voix résonnant comme une lointaine consolation.

Elias inspira profondément avant de cligner lentement des paupières. Une fraction de seconde passa, puis une autre, mais rien. Aucun éclat de lumière, aucun contour flou. Juste le vide.

— Je… Je ne vois rien, murmura-t-il, sa voix brisée, à peine audible.

Gabriel s’approcha, posant une main sur son épaule.

— Attends, Elias. Peut-être que ça va prendre du temps, dit-il, tentant désespérément de maintenir l’espoir.

Elias cligna à nouveau, puis une troisième fois, mais le résultat était le même. Une obscurité complète, immuable.

— Non, Gaby… C’est fini. Je le sens, dit-il enfin, sa voix étranglée par les sanglots qui montaient.

Le médecin, bien que compatissant, confirma doucement les craintes d’Elias après quelques tests rapides.

— Je suis désolé, Elias. Pour l’instant, il n’y a aucune activité visuelle détectable. Mais nous ne perdrons pas espoir. Parfois, il faut des semaines pour que les nerfs optiques réagissent pleinement.

Elias hocha vaguement la tête, mais ses pensées étaient déjà noyées dans un flot d’émotions contradictoires. Une partie de lui voulait hurler, tout détruire autour de lui. Une autre voulait simplement s’effondrer, disparaître dans le néant qui l’entourait.

Gabriel, debout à côté de lui, était tout aussi dévasté. Mais il savait qu’il n’avait pas le droit de craquer. Pas maintenant. Pas devant Elias.

— On va trouver un moyen, Elias. Je suis là, et je ne vais nulle part, dit-il fermement, bien que ses propres larmes menaçaient de couler.

Elias tourna la tête vers la voix de Gabriel, son regard vide et perdu.

— Mais moi, Gaby… Je ne vois plus rien. Je ne vois plus rien…

Les premiers jours après cette annonce furent une épreuve pour Elias. Il passait des heures à fixer un horizon qu’il ne pouvait plus percevoir, perdu dans ses pensées. Les bruits autour de lui, les voix familières, même les gestes rassurants de Gabriel, tout semblait s’éloigner de lui, comme si le monde se retirait doucement.

Gabriel, malgré ses propres doutes et sa peine, refusa de s’éloigner. Il prenait soin d’Elias avec une patience infinie, l’aidant à se déplacer, à s’orienter dans les nouvelles routines imposées par sa cécité. Mais même avec tout son amour et sa détermination, il sentait qu’il ne parvenait pas à combler le vide qu’Elias ressentait.

Un soir, alors qu’ils étaient seuls dans la chambre, Elias brisa enfin le silence.

— Pourquoi tu fais ça, Gaby ? demanda-t-il doucement. Pourquoi tu restes ?

Gabriel, qui était en train de ranger quelques affaires, se figea.

— Parce que je t’aime, répondit-il simplement, sa voix tremblante.

Elias serra les poings, ses épaules tremblant sous l’effort de retenir ses larmes.

— Mais je ne suis plus… plus rien. Comment tu peux encore… ?

Gabriel s’approcha, s’accroupissant devant Elias.

— Arrête, Elias. Tu es tout pour moi. Et ça ne changera jamais.

Avec le soutien indéfectible de Gabriel, Elias commença lentement à s’adapter à sa nouvelle réalité. Ils s’entourèrent d’une équipe spécialisée pour l’aider à développer ses autres sens et à retrouver une certaine autonomie. Les premiers exercices furent frustrants et parfois humiliants pour Elias, mais Gabriel était toujours là, encourageant et patient.

Un jour, après une séance particulièrement difficile, Elias murmura :

— Je ne pourrais jamais faire ça sans toi, Gaby.

Gabriel lui sourit, bien qu’Elias ne puisse plus voir cette expression.

— Et tu n’auras jamais à le faire seul, répondit-il doucement.

Malgré les épreuves, cette période devint un moment de renforcement pour leur relation. Elias, bien qu’encore fragile, commença à trouver une forme de paix en s’appuyant sur Gabriel. Quant à Gabriel, il réalisa que, malgré les obstacles, leur amour était plus fort que tout ce qu’ils avaient traversé jusqu’à présent.

Sous un ciel qu’Elias ne pouvait plus voir mais qu’il pouvait toujours ressentir, ils avancèrent ensemble, un pas à la fois, prouvant que même dans les ténèbres, l’amour pouvait être une lumière

La tension entre Elias et sa mère, qui n’avait cessé de croître depuis l’opération, finit par atteindre son point de rupture. Ce jour-là, alors qu’Elias était assis sur son lit, les mains crispées sur ses genoux, sa mère entra dans la chambre d’un pas rapide, son visage marqué par l’inquiétude.

— Elias, tu dois arrêter de te morfondre, dit-elle, sa voix pressante. Ce n’est pas la fin du monde. Tu peux encore apprendre à vivre avec ça !

Elias releva la tête, ses lèvres tremblantes de colère.

— Apprendre à vivre avec ça ?! explosa-t-il. C’est toi qui m’as poussé à faire cette opération !

Sa mère recula légèrement, surprise par le ton de son fils.

— Je voulais juste ce qu’il y avait de mieux pour toi, répondit-elle, sa voix teintée d’un mélange de défense et de douleur.

Elias, la mâchoire serrée, pointa un doigt dans sa direction.

— Le mieux pour moi ? Regarde où ça m’a mené ! Je suis aveugle, maman ! Tu as pris cette décision pour toi, pas pour moi !

La pièce fut envahie d’un silence pesant. La mère d’Elias, choquée par ses paroles, sentit les larmes lui monter aux yeux.

— Elias… Je ne voulais que ton bien, balbutia-t-elle.

Mais Elias détourna la tête, son visage fermé.

— Sors d’ici, dit-il froidement.

— Elias, je suis ta mère. Je ne vais pas te laisser…

— Sortez d’ici ! répéta-t-il, sa voix montant en intensité.

Il appuya sur le bouton d’appel près de son lit. Quelques instants plus tard, un infirmier entra, observant la scène avec confusion.

— Faites-la sortir, s’il vous plaît, demanda Elias d’une voix brisée mais ferme.

Sa mère, les larmes coulant sur ses joues, hocha la tête en silence.

— Très bien… Si c’est ce que tu veux, dit-elle avant de quitter la pièce, son visage ravagé par le chagrin.

Gabriel, qui avait assisté à la scène depuis l’entrée de la chambre, sentit son cœur se serrer. Il n’avait jamais vu Elias dans un tel état de colère et de désespoir. Une fois la porte refermée derrière sa mère, il s’approcha doucement de lui.

— Elias… commença-t-il doucement.

— Ne dis rien, Gaby. Pas maintenant, murmura Elias, sa voix tremblante.

Gabriel hocha la tête, respectant son besoin de silence. Mais il savait qu’il ne pouvait pas laisser Elias sombrer davantage. Pendant qu’Elias restait immobile, perdu dans ses pensées, Gabriel se leva discrètement et sortit dans le couloir avec son téléphone.

Il composa rapidement un numéro et attendit que la voix familière de Sofia réponde.

— Gaby ? Tout va bien ? demanda-t-elle immédiatement.

— Pas vraiment, répondit Gabriel, sa voix basse. Elias… il a besoin de nous. Tous. Vous pourriez venir ?

Quelques heures plus tard, le groupe d’amis d’Elias arriva au centre. Sofia, Léon, Amara, et même Camille franchirent les portes avec des sacs remplis de jeux, de snacks, et même une guitare. Leur arrivée bruyante et énergique fit lever les sourcils de plusieurs patients, mais Gabriel ne s’en souciait pas.

Il entra dans la chambre d’Elias, qui était resté silencieux depuis la dispute avec sa mère.

— Tu as des visiteurs, dit Gabriel avec un sourire.

Elias releva la tête, surpris.

— Qui… ?

Sofia entra en premier, un sourire radieux sur le visage.

— Qui d’autre que nous ? lança-t-elle en posant un sac sur la table. On a décidé de t’occuper un peu.

Au début, Elias était hésitant, presque gêné par leur présence. Mais peu à peu, il se laissa emporter par l’énergie de ses amis. Sofia joua quelques accords à la guitare pendant qu’Amara racontait une histoire ridicule qui fit éclater tout le monde de rire.

Gabriel resta en retrait, observant Elias avec un mélange de soulagement et de tendresse. Bien que les ombres de la journée pesassent encore sur lui, il vit un éclat rare dans le sourire d’Elias, une lumière fragile mais bien réelle.

Cette nuit-là, après que tout le monde fut parti, Elias se tourna vers Gabriel.

— Merci, murmura-t-il.

Gabriel hocha la tête, un sourire doux éclairant son visage.

— Je te l’ai dit, Elias. Je suis là. Toujours.

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