Chapitre 30
Le soleil de fin d’après-midi filtrait à travers les grandes baies vitrées de la piscine municipale, projetant des reflets dansants sur l’eau claire. L’ambiance était animée : des rires d’enfants, le bruit des éclaboussures, et le clapotis des nageurs venaient résonner dans l’espace, amplifiés par l’écho des murs carrelés. Elias, assis au bord du bassin, serrait doucement ses genoux contre sa poitrine, son visage trahissant une certaine appréhension.
Gabriel, debout à côté de lui, observait attentivement. Il savait qu’Elias était nerveux. Ce n’était pas tant la piscine qui l’effrayait, mais plutôt l’idée de ne pas pouvoir se repérer ou de perdre le contrôle.
— Tu veux qu’on attende encore un peu ? demanda Gabriel doucement, sa voix un mélange de patience et de sollicitude.
Elias secoua la tête, tentant un sourire, même s’il semblait forcé.
— Non, je veux essayer. Je ne vais pas te laisser tout annuler pour moi, répondit-il.
Gabriel s’agenouilla à côté de lui, posant une main rassurante sur son épaule.
— Tu sais que je ne ferais jamais ça, Elias. Ce moment, il est pour nous deux. Et si tu veux, on prend notre temps.
Après un instant, Elias hocha la tête et se laissa guider par Gabriel jusqu’au bord du bassin. Ses pieds effleurèrent l’eau tiède, et il inspira profondément. La sensation était agréable, mais le bruit ambiant et l’immensité qu’il ne pouvait pas percevoir lui donnaient l’impression d’être submergé avant même d’avoir mis un pied dans l’eau.
— Je suis là, murmura Gabriel en lui tenant fermement la main. Fais-moi confiance.
Avec précaution, Elias entra dans le bassin, l’eau remontant lentement le long de ses jambes, puis de son torse. Il s’agrippa au bord, son souffle légèrement saccadé.
— Ça va ? demanda Gabriel.
— Oui… Enfin, je crois, répondit Elias, tentant de masquer son malaise.
Gabriel, toujours à ses côtés, posa doucement une main sur son dos.
— On va commencer doucement. Juste quelques mouvements, d’accord ?
Elias hocha la tête, même si ses doigts restaient crispés sur le rebord.
Alors qu’ils progressaient lentement, le bruit autour d’eux semblait s’intensifier. Les éclats de rire, les cris d’enfants, et les éclaboussures formaient une cacophonie qui envahissait les pensées d’Elias. Ses mouvements devenaient plus hésitants, sa respiration plus rapide.
— Gaby, murmura-t-il soudain. Je… j’ai du mal.
Gabriel posa une main rassurante sur son épaule.
— Hé, c’est normal. C’est beaucoup à gérer, mais concentre-toi sur moi, juste sur ma voix, dit-il doucement.
Elias hocha la tête, essayant de se recentrer.
— D’accord. Parle-moi, alors. Dis-moi… je ne sais pas, n’importe quoi, demanda-t-il, une pointe d’angoisse dans la voix.
Gabriel sourit, bien que son cœur se serra en voyant Elias si tendu.
— Très bien. Tu te rappelles notre première sortie au lac ? Quand tu m’as défié de sauter depuis ce ponton ridicule ?
Elias rit doucement, malgré lui.
— Et que tu as crié comme un idiot en tombant dans l’eau glacée ? Oui, je m’en souviens.
Après cette première frayeur, Gabriel sortit brièvement du bassin pour revenir avec une paire de brassards rouges et jaunes qu’il avait empruntés. Elias haussa un sourcil en entendant le bruit des bandes velcro.
— Tu veux que je mette ça ? Sérieusement ? demanda-t-il, son ton oscillant entre amusement et embarras.
Gabriel rit doucement en les ouvrant.
— Oui, sérieusement. Et je te promets que personne ne va te juger. En plus, ça va te libérer un peu les mains, et tu pourras te concentrer sur ce que tu ressens dans l’eau.
Elias hésita, puis tendit les bras. Gabriel enfila les brassards avec soin, serrant légèrement pour qu’ils soient bien ajustés.
— Voilà, parfait. Maintenant, on peut vraiment s’amuser, dit Gabriel, satisfait.
Elias testa prudemment les brassards, flottant légèrement sous leur effet. Une étincelle de surprise traversa son visage.
— C’est… pas si mal, admit-il, un léger sourire étirant ses lèvres.
Avec les brassards pour le soutenir et Gabriel toujours à ses côtés, Elias commença à se détendre. Il se permit de flotter sur le dos, les bras écartés, se laissant porter par l’eau. Le bruit ambiant, qui l’avait d’abord oppressé, devint un fond sonore apaisant, comme une mélodie qui rythmait ses mouvements.
— Tu vois ? Je te l’avais dit. Tu gères ça comme un pro, dit Gabriel, marchant à côté de lui dans l’eau.
Elias rit doucement.
— Je suppose que je te dois des excuses pour avoir douté de toi, répondit-il, un sourire sincère éclairant son visage.
Gabriel haussa les épaules.
— Tant que tu es heureux, c’est tout ce qui compte, dit-il en riant.
Ce moment, qui avait commencé dans la nervosité et la frustration, se transforma en une expérience libératrice. Elias découvrit que, malgré ses craintes initiales, il pouvait trouver une forme de liberté dans l’eau, et que les brassards, qu’il avait d’abord perçus comme une humiliation, étaient en réalité une bénédiction.
Le duo continua à évoluer dans le bassin, trouvant des jeux simples pour rendre l’expérience plus amusante. Gabriel guidait Elias en décrivant tout ce qui l’entourait, lui parlant des reflets du soleil sur l’eau, des rires des enfants, et des nuances de bleu qui entouraient le bassin.
— Tu sais, Gaby, dit Elias après un moment de silence, je crois que c’est la première fois depuis longtemps que je me sens… léger. Comme si tout allait bien.
Gabriel, ému par cette confession, s’approcha et posa une main sur son épaule.
— Tu n’as aucune idée à quel point ça me rend heureux de t’entendre dire ça, murmura-t-il.
Elias hocha la tête, un sourire sincère sur le visage.
— Merci, Gaby. Pour tout.
Quand ils quittèrent la piscine, Gabriel passa un bras autour des épaules d’Elias, leur serviette jetée sur le dos.
— Alors, verdict ? On recommence la semaine prochaine ? demanda Gabriel avec un sourire taquin.
Elias réfléchit un instant, puis hocha la tête.
— Oui. Mais seulement si on reprend les brassards rouges. Je crois qu’ils m’ont porté chance, plaisanta-t-il.
Gabriel éclata de rire, ravi de voir Elias détendu et léger.
— Marché conclu, dit-il en resserrant son étreinte autour d’Elias.
Alors qu’ils marchaient sous le ciel teinté de rose et d’orange, ils savaient tous les deux que ce simple après-midi avait marqué un tournant. Ensemble, ils pouvaient transformer chaque défi en un moment de complicité et de joie.
Le ciel teinté de rose et d’orange offrait une toile apaisante alors qu’Elias et Gabriel marchaient côte à côte sur le chemin du retour. L’air frais de fin de journée portait encore l’odeur légère de chlore, rappelant leur après-midi à la piscine. Elias semblait plus détendu, bien qu’un peu fatigué.
— Alors, sérieux, tu veux vraiment garder les brassards rouges ? demanda Gabriel avec un sourire amusé.
Elias rit doucement, secouant la tête.
— Peut-être pas, mais je vais prétendre que c’était une demande ironique, répondit-il. Ils étaient pratiques, je dois l’avouer, même si je me sentais un peu ridicule.
— Ridicule, toi ? Jamais. C’était plutôt mignon, ta façon de flotter comme un pro, taquina Gabriel.
Leur rire léger fut interrompu lorsqu’une silhouette familière se dessina à quelques mètres devant eux. Gabriel fronça les sourcils, reconnaissant immédiatement Jordan, le jeune homme responsable de l’accident d’Elias.
Jordan semblait hésitant, les mains dans les poches de sa veste, son regard fuyant. Quand il s’approcha, il semblait presque s’excuser par sa posture avant même d’ouvrir la bouche.
— Elias, Gabriel… je peux vous parler ? demanda-t-il, sa voix basse mais sincère.
Gabriel, instinctivement protecteur, se plaça légèrement devant Elias, comme un bouclier.
— Qu’est-ce que tu veux ? lança-t-il, son ton plus dur qu’il ne l’aurait voulu.
Jordan leva les mains, un geste de reddition.
— Je voulais juste m’excuser, dit-il rapidement. Je sais que ça ne changera rien, mais je regrette sincèrement ce que j’ai fait. J’étais… stupide, et je n’aurais jamais dû laisser ma colère prendre le dessus, avoua-t-il, la voix tremblante.
Elias resta silencieux un instant, puis avança d’un pas, posant une main sur le bras de Gabriel pour l’apaiser.
— Merci, Jordan. Je ne sais pas si je peux te pardonner complètement, pas encore. Mais… entendre ça, c’est déjà un début, murmura-t-il, sa voix calme mais ferme.
Jordan hocha la tête, les épaules basses comme si un poids énorme venait de tomber.
— Je comprends. Et… si un jour tu veux me parler, je suis là. Encore désolé, Elias, dit-il avant de s’éloigner, le dos légèrement voûté.
Gabriel observa Jordan partir, puis tourna son regard vers Elias, qui semblait pensif.
— Ça va ? demanda Gabriel doucement.
— Oui, répondit Elias après un moment. Je ne m’attendais pas à ça. C’est étrange… Je suis en colère, mais en même temps, je me sens un peu soulagé.
Gabriel passa un bras autour des épaules d’Elias.
— C’est un bon début. Et peu importe combien de temps ça prendra, je serai là pour tout ça, dit-il doucement.
Elias hocha la tête, un sourire fragile mais sincère sur le visage. Ensemble, ils reprirent leur chemin, leurs pas marquant un nouveau départ, non seulement pour Elias et Gabriel, mais aussi pour tout ce qu’ils allaient affronter ensemble.
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