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La pluie qu’il songeait éternelle, la mort de ses sœurs, les cris de Shi-Huan, les tremblements de sa mère et ce monde d’en haut, n’étaient-ce pas là, une punition ? Cette solitude qui lui mordait à vif les os, n’était-ce pas la conséquence de son désintérêt pour ces femmes et ces hommes exploités dont le regard avait croisé le sien ?

Il commençait à y croire, quand son regard se reporta sur les environs. Il y avait du mouvement sur la rive. Suan osa à peine lever la tête et planta ses yeux dans ceux d’une femme. Ils n’étaient pas rouges, mais d’un vert presque blanc. La force magnétique qui en sortait étourdit Suan qui se perdit dans la contemplation de cette inconnue au visage fantomatique. Plus que la surprise, se fut l’attirance qui surgit de lui. Inquiétante, dévorante et déséquilibrante. Son esprit se vida. La femme était d’une telle beauté qu’il aurait pu endurer tous les supplices pour lui susurrer un mot. Son corps ondulait sous les deux tresses que formait sa chevelure brune. Nue, elle avançait sereinement, capturant les émotions qui émanait du jeune homme. Celui-ci se figea à chaque pas qui rapprochait l’étrangère de sa position. Captive de sa seule présence, il ne vit pas l’ombre qui dormait sous l’opacité de l’eau se hisser sur le sol et glisser ses bras décharnés jusqu’à ses pieds. Grenouille tenta de le prévenir à plusieurs reprises. Elle se jeta même sur le visage spectral de la chose, pour repartir un bond en arrière quand la créature ouvrit la bouche dévoilant des piques argentés aussi tranchant que la lame d’une dague. Grenouille revint cependant à l’attaque sans approcher trop près l’être d’outre-tombe. Elle lança des petits cris tout en tirant sur le pantalon de Suan pour le réveiller. Elle s’y acharna, hélas, la chose agrippa la cheville du jeune homme resté statique au contact.

— Il est là-bas, hurla une voix derrière eux. Jeckm n’a pas menti. Son pouvoir serait plus utile face aux oiseaux noirs ! Ma parole. Ne pouvait-elle, t-il, pas voir leur arriver plutôt que celle de ce voyageur ? C’est fou ! Je ne me serai pas douté qu’elle soit un homme. Si tout nos garçons pouvaient lui ressembler !

L’inconnue sous le rideau de brume était une silhouette mal définie qui braillait sans qu’on y comprenne quoi que se soit.

— Trysol, joue de la harpe avant qu’il finisse à l’eau. On a besoin de lui. Il a plus de chance qu’on le soudoie qu’une mère nous laisse un de ses fils.

Enfin, deux jeunes femmes apparurent. L’une d’elle parlait sans cesser, l’autre tenait le silence. Dans les mains de la seconde un instrument d’un vert pur se mouva. Un son strident sortit du pincement qu’elle exerçait sur les cordes. La cacophonie qui jaillit de l’objet était échoïque. Il semblait que jamais cela ne puise s’arrêter. Grenouille fila dans un buisson loin de ce charivari quand elle vit Suan plaquer ses doigts contre ses oreilles. Les créatures replongèrent sous l’eau, là où le son dissonant ne pouvait pas les atteindre.

— Arrête-moi ce truc, Trys ! C’est insupportable. Jack aurait pu prévenir du vacarme que ça produit ! J’espère qu’on ne croisera pas des horreurs tout au long du chemin. La tête finira par exploser avant. D’ailleurs pourquoi on ne l’a jamais utilisé contre les oiseaux noirs ? C’est vrai ça !

— Parce que la harpe ne produit pas le même son en face des hommes. Elle a ressenti la créature. Les oiseaux noirs n’en sont pas, répondit la fille à la cape d’une voix monotone.

Rapidement ses lèvres se fermèrent sur ses mots pour laisser la parole à son amie.

Suan les observa un instant, les reconnues. Un léger haussement d’épaules et il vrilla le regard sur le lac, soupira, puis chercha Grenouille sous les herbes hautes.

— Qu’est-ce que tu cherches garçon d’en bas ? Si je peux te conseiller un truc, reste en retrait de l’eau. Les filles de la Yamabu sont voraces. Si tu entends encore leurs murmures bouches-toi les oreilles.

Suan aperçu Grenouille un peu plus loin dégustant de nouveaux fruits dans des bosquets. Elle n’en finissait pas de se goinfrer. Soulager de l’avoir en vue, il demanda par simple vigilance :

— Qui sont-elles ?

— Des esprits de l’eau. Des ondines qui ont mal finit. Prends garde ! Elles demanderont à manger, si tu n’as personne à tuer, ne t’y approche plus.

— Je ne suis pas un assassin pourquoi ferais-je ça ?

— Je dis ça comme ça. Il y a une croyance qui dit que si on emmène un être mourant ici ou qu’on répand le sang dans le lac, un vœu nous est accordé. Si tu savais tous les parents qui sont venu ici avec leurs enfants agonissant. Leur vœu était souvent le même. Qui leur soit rendu dans l’année.

Analoum s’avança prenant sa voix de conteuse.

— Concernant les ondines, elles n’ont pas toujours été ces créatures cauchemardesque…Enfin, elles ont été comme nous des villageoises. Mais, elles vivaient reculées, dans une maison recouverte de lierre. Une histoire sordide qu’était la leur. Ça date de nos grands-parents. Leur mère était une sorcière du Mont de Grydia.

Elle montra la montagne esquissait derrière la brume.

— Elle volait des enfants en bas âge, les cuisinait pour nourrir ses filles et développer leur pouvoir. Avant qu’on ne la tue, elle avait absous ses crimes en disant que seuls de grands pouvoirs pourraient éradiquer le créateur de cendre. Tu penses bien que les villageois n’ont eu guère satisfaction à ses « excuses ». Ce n’est pas notre combat ni notre royaume. On subit, mais il y a pire à craindre sur nos terres que ce guerrier des terres flottantes.

Analoum ne s’arrêta que lorsque Trysol impatiente de poursuivre leur chemin tapa du pied contre le sol. Elle s’approche de son ami dont la cape grandissait la silhouette et murmura à son oreille.

— Jeckm a dit qu’il possédait le pouvoir d’épier sans se mettre en danger. Il nous sera plus utile que notre vendetta comme nous l’avons conçu en quelques minutes et avec le sang chaud.

— Ses visions ne sont pas fiables. Et ton gars m’a tout l’air dans les choux. Je veux retrouver Maladndy.

Analoum posa la main sur l’épaule de Trysol qui prenait sur elle pour avaler ses émotions.

— Je sais combien il te pèse ce jour où on t’a volé tes trois frères aînés, mais on n’a une chance de savoir ce qui se trame dans le château et ce qu’on fait de nos garçons. Il est ce qu’on attend depuis des années. Laisse-moi gérer.

Analoum replaça une mèche de cheveux roux derrière l’oreille de Trysol et se rapprocha de Suan. Le jeune homme donnait des coups d’œil vers le sentier comme s’il guettait un prochain danger.

— Je n’aime pas votre pays. On n’y voit pas à deux mètres, et j’ai appris de mon père que là où tout demeure invisible, notre ennemi est en place prêt à nous fendre en deux. Je souhaiterais que vous m’emmeniez jusqu’à l’escalier de lierre.

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