Bon, on va pas se le cacher, j'ai la tête dans le saladier. Mais voilà la suite. 

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Il était là, derrière lui. Suan sentait sa chaleur dans son dos, son regard coulant sur ses jambes nues. Que pensait Shealn de lui ? Lui tiendrait-il rancune pour ne pas l’avoir aidé plutôt ?

Suan n’osa pas une seule fois se tourner vers lui, même lorsque Analoum lui bloquait le passage. Elle s’inquiétait du mouvement que provoquait l’eau. Et lui aussi commençait à se demandait d’où provenait toutes ces bulles. Xin-Shen reste mue dans le silence, mise à part pour donner des consignes.

Plusieurs fois, il sentit le corps de Shealn le pousser involontairement. Lui-même était busculé par les suiveurs.

Encore une fois, Analoum s’arrêta envoyant le bras vers son frère et Suan.

— Salvatoum, je n’aime pas ça ! Y’a un truc qu’va pas. T’es d’accord, le maigrelet ?

Devant eu l’eau bougeait plus férocement. Bientôt les torches seraient trop loin pour leur donner plus de visibilité.

— Xin-Shen ne voit rien de particulier.

— Et t’es sûre qu’elle te dit tout ?

Suan resta silencieux, fixa Xin-Shen qui s’était retournée vivement. Elle fusillait Analoum d’un regard sombre. Il était bien certain qu’elle allait lui sauter dessus. Mais qu’aurait-elle bien pu lui faire ? La brune n’aurait rien sentit de ses coups.

— Elle ne nous mettrait pas en danger. Alors marche et tais-toi pour changer.

Suan baissa le bras de la jeune femme, mit de la distance entre eux et continua. La chaleur de Shaeln était toujours bouillonnante derrière son dos.

— Commence à s’imposer le moustique, grommela Analoum en les suivant.

Adaman étouffa un rire, alors qu’un murmure gonfla dans le rang.

— On va s’arrêter longtemps comme ça ? lança une voix chancelante.

Suan se tourna à peine pour voir qui avait dit cela. Il ne vit qu’Analoum hausser les épaules et envoyer sa main chasser des mouches imaginaires. En retrouvant le corps spectral de sa sœur, il se laissa surprendre par la grande main de l’adolescent derrière lui qui se posa sur son épaule.

— Tu m’excuses, j’ai la tête qui tourne avec le changement d’éclairage.

Suan ne dit rien. Juste il hocha la tête.

La culpabilité le rongeait. Il avait été prêt à le laisser mourir, lâchement, et en plus il s’était forcé de croire que Shealn n’était qu’un étranger, qu’un gars rencontrait pendant quelques heures. C’était insignifiant… Il aurait voulu s’en persuader plus fort, mais en vrai, il savait ce que Shaeln avait provoqué en lui. Il savait qu’un désir physique lui mangeait les nerfs et les fantasmes quand il osait fermer les yeux. Il cherchait à l’ignorer mais c’était là, quelque part en lui.

Il respira un long filet d’air, écouta la brasse que formait le groupe dans le liquide quand il remarqua que l’eau avait drastiquement monté. Des genoux, elle englobait ses hanches. Etait-il le seul à le remarquer ?

Il s’arrêta, se tourna encore une fois et avisa chacun. Il était clairement plus petit que tous ses géants.

— Pour’quoi t’arrête ? Y’a encore un truc ?

— Rien. Je voulais juste voir si tout le monde suivait, mentit-il.

Il avança jusqu’à sa sœur et se baissa.

— Xin-Shen comment se fait-il que l’eau ne te noie pas ? murmura-t-il à son oreille.

— Ne pose pas de question et avance.

— Grenouille, pourquoi l’eau monte ? Réponds.

— Il y a un bouchon de cheveux. Il va falloir plonger pour sortir.

Suan ferma les yeux, respira bruyamment.

— Est-ce qu’on est loin du passage ?

— Plus vraiment ?

— D’ici combien de temps, je ne pourrai plus marcher ?

— Moins de dix minutes…

L’idée de nager ne l’enchantait guère. Il n’avait jamais été très bon nageur et depuis qu’il avait failli se noyer dans un troue de boue, il redoutait l’eau et ses pièges.

— Pourquoi tu n’as rien dit ?

— J’avais peur que tu paniques.

— Je n’ai pas le temps de paniquer Xin. J’ai juste envie de sauver ma peau.

—Alors tu ne retournera pas dans le palais ?

Les prunelles de l’enfant scintillèrent.

— Je suis le seul connecté à toi. Je n’ai pas le choix…

Sans qu’il ne comprenne pourquoi une vague de colère souffla en lui. Une voix se forma dans sa tête. Un visage. Trysol.

« Qu’est-ce que c’est cette histoire de bouchon de cheveux ? »

Suan soupira. Il avait oublié son lien à Trysol. Les secrets n’étaient plus permis.

— Ne roule pas les yeux !

— C’est quoi cette tête de desepéré ? Je ne vous emmène pas à l’abbatage. Les cheveux n’attaquent pas dans l’eau. Ils sont paralysés. Ça devrait bien se passer, affirma Xin-Shen.

— Je te fais confiance.

— Pas moi. Elle est certaine de qu’elle avance ta sœur ? Il y a un passage ou pas.

— Evidement qu’il y en a un, sinon, elle ne nous guiderait pas dans ce sens, siffla Suan dans son esprit. Tu te sens obligé d’entrer dans ma tête ? Un peu d’initimité, ça te parle ?

— Parce que tu crois que ça m’enchante d’entendre toutes tes pensées ?

— On dirait que non. Je te serais gré de ne pas m’insulter, je n’y peux rien si on est reliée.

Cette histoire allait en empirant. Ce qui n’était qu’un chuchotement énervant et pas distinct dans sa tête se transforma en voix limpide. Suan avait désormais ses pensées et celles de Trysol à gérer. Sans parler de sa connexion avec sa sœur et Tartanne.

Une douleur à la tempe s’anima. C’était comme si deux pouces appuyaient suffisamment fort pour y laisser leur emprunte.

Il souffla pour temporiser l’étau invisible qui se refermait sur son crâne. En essayant de l’ignorer, il s’aperçut qu’elle avait entendu Xin-Shen à travers lui.

— Un génie, marmonna-t-elle dans sa tête. J’entends tout ce que tu entends. Honnêtement, tu ne nous serais pas utile pour la suite.

— Tu te contredis, Trysol. Tu sais comme moi que je te suis plus qu’utile. N’est-ce pas ? Un Hàng Xiè… Oui, tu peux me contrôler.

Il ne s’habituerait jamais à avoir constamment quelqu’un dans son esprit. Tartanne passait encore. Il n’était pas intrusif. Il gardait ses pensées pour lui, ne les partager à Suan que lorsqu’il y en avait l’utilité.

— C’est mieux pour toi de rester dehors. Tu garderas un œil sur les garçons. S’il y en a qui veulent partir, laisse-les partir. Xin-Shen pourra nous guider à distance, tu n’auras qu’à faire le pont entre nous.

— Le traducteur, plutôt. Tu ne pourras pas lui parler directement. A moins que je prenne possession de toi.

— Tu ne peux pas. Je suis de rang deux. Tu peux m’ordonner, tu peux faire passer ta colère à travers moi, mais pas me posséder. Je suis ton pantin, pas ta marionnette. Les files sont là que pour diriger.

— Hum… c’est vrai. Enfin, peu importe. Pas besoin de toi pour tuer la chose. D’ailleurs, est-ce que Xen-Shen a vu à quoi ça ressemblait.

— Je ne sais pas. Elle est concentrée sur notre trajet pour le moment. Une étape à l’autre. Là, on doit sortir. On pensera à la suite plus tard.

Trysol donna son aval et se tut. Ses pensées redevinrent un chuchotement.

Suan suivit Grenouille. La pénombre était tombée et le groupe progressé de plus en plus lentement.

— On fait attention où on marche lança Suan. Mettez-vous les uns derrière les autres. Vous suivez les mouvements de la personne devant vous. Pas de faux pas. Sinon, on risque de tous le regretter.

Dix minutes étaient passé. Suan n’avait plus pieds. Shaeln le retint par la taille et le souleva d’un coup. Xin-Shen l’avertie que d’ici vingt mètres il faudrait plonger sous l’eau. Suan distingué loin devant une tâche plus claire sous l’eau. Il hocha la tête.

Il analysa la situation. Analoum le dardait du regard.

J’te demanderais pas pourquoi on à de l’eau jusqu’à la poitrine, mais va falloir expliquer la suite des manœuvre, l’maigrelet.

— Va falloir plonger d’ici vingt mètres. Il y a un bouchon de cheveux qui bloque l’évacuation de l’eau.

— Ok. Question con, mais pourquoi tous plonger quand une seule personne peut débloquer le « bouchon ». Les cheveux sont anesthésiés dans l’eau, on est d’accord.

Pourquoi est-ce qu’il n’y avait pas encore pensé ?

— Personne vois ta sœur, t’es le seul à pouvoir y aller. Nous on attend ici, assura Analoum, sans même lui demander s’il le voulait.

Pourquoi est-ce que tout l’acculé tout d’un coup ? Pourquoi il se sentait si lourd dans les bras de Shaeln ? Il aurait voulu dire que Trysol pouvait communiquer avec Xin-Shen, mais …

— Idiot, il faudrait que je passe par toi. On va mettre trop de temps. En plus, je suis trop loin. Arrête de réfléchir deux secondes et termine le travail. Une fois sortie, tu n’auras plus qu’à me guider d’esprit à esprit. Tu ne vas pas te noyer. Sois confiant.

Suan serra ses doigts qu’il avait passé autour de la nuque de l’adolescent. Son visage était si proche du sien qu’il sentait son souffle sur son front. Il le tenait fermement contre lui.

Peut-être était-ce les battement irrégulier de Shaeln qui cognaient contre son corps, mais Suan se sentit fébrile le temps d’un instant. Il n’avait plus le temps de réfléchir, alors il prit sa force à deux mains et s’apprêtait à plonger lorsque le bruit claquant d’un corps contre l’eau brisa le calme.

Tout le monde se retourna vers le son. Un moment de flottement passa ; quand les murs se mirent à trembler. Un mécanisme cliqueta derrière les pierres et sans que personne ni comprenne rien, un mur sortit de l’eau emportant les cris des garçons les plus proches. Un son de succion et d’oses broyés refroidit Suan.

— Salvatoum ! C’quoi s’te merde ! Suan ! cria Analoum vers lui.

— Que personne ne bouge ou on est tous mort ! hurla-t-il comme réponse.

Il le clama pour que tout le monde l’entende, même ceux qui étaient de l’autre côté.

Il entendait clairement Trysol dans sa tête. Elle était mentalement épuisée, à peine avait-elle la force de fourrager ses doigts dans ses cheveux et de venir pincer l’arrête de son nez nerveusement.

— On fait quoi, maintenant. Dis-moi qu’il y a une autre sortie ! souffla-t-elle en lui.

— Je ne sais pas.

— Suan ? gronda Analoum. Est-ce qu’y’a un moyen de lever ce mur ?

Il croisa le regard de sa sœur. Elle secoua la tête.

— J’ai repéré un chemin plus haut tout à l’heure. Mais il y a du passage. Il va falloir qu’ils soient prudents et aussi agiles que des souries, le prévint-elle.

— On va faire en sorte de les guider. On peut rester ici un moment. Le mur nous protège de possibles gardes, non ?

— Mais pas de l’eau, Suan. Elle va monter et avec le bouchon de cheveux, vous allez finir par vous noyer.

Elle s’approcha de lui à la brasse. Xin-Shen avait toujours été un poisson dans l’eau. Il réalisait qu’elle nageait depuis un bon moment maintenant. Ses gestes étaient tellement gracieux et lents qu’il n’y avait pas fait attention.

— Je ne vais pas les laisser de l’autre côté en attendant qu’on sorte.

— Nous pouvons attendre, tu sais. On a encore de la marge nous. Les plus petits monteront sur les plus grands, proposa Shaeln.

Sa voix rauque laissa une traînée de frisson sur la peau de Suan.

— Je… je ne sais pas si on tiendra, chuchota-t-il.

Suan ne parvenait toujours pas à croiser le regard de l’adolescent. Et malgré son manque de visibilité il voyait très bien la musculature de Shaeln sous la tunique sombre qu’il portait.

— Tu es sérieux ! cingla la vois de Trysol. Tu crois que c’est le moment de penser à ça ?

Un rire étouffé s’invita entre eux.

— Il est jeune, il a bien le droit de se trouver troublé par un corps, mafois, bien fait.

— Maintenant, alors que nous risquons notre peau ?

La langue de Trysol claqua.

— Tartanne. Qu’en penses-tu ? Quelle solution te semble la plus judicieuse ?

— Je pense que tu devrais suivre le conseil de Shaeln. Ils sont, pour la plupart, très grand. Cinq d’entre eux dépassent les deux mètres. On en a perdu six. Nous sommes sept de l’autre côté. Vous êtes dix-sept de l’autre versant. Ça veut dire que cinq des plus petits de la troupe pourront montrer sur les cinq plus grand.

— Où est-ce que tu veux en venir, le chat ? s’impatienta la rouquine.

— Je veux dire qu’il n’y aura que moins de sept personnes à nager d’ici vingt minutes environs. L’eau prends trois centimètres par minute.

— Comment sais-tu cela ?

— Cinq milles ans… J’ai une quantité énorme de savoir.

— Bien faisons ça comme ça, trancha Suan.

Il en avait assez de jacasser et de perdre un temps précieux.

Il capta l’attention de sa sœur qui observait terrifier le plafond. Que voyait-elle ?

— Un problème, Xin-Shen ?

Elle s’agrippa à lui.

— Rien qui ne concerne les vivants.

— L’autre chemin comporte-t-il des pièges ?

— Non. Mais j’y ai vu plusieurs gardes. C’est pour ça que j’ai préféré emprunter ce couloir-là. Il était plus près aussi. Je pensais que tout le monde suivrait le pas sans problème. J’ai eu tort.

Le jeune homme attrapa le menton de sa sœur et le releva.

— Tu es en train de sauver des vies. Si tu as jugé bon de prendre ce chemin c’est qu’il y avait une raison. Ne culpabilise pas parce qu’un garçon s’est évanoui.

La fillette glissa ses doigts sur le poignet de son frère.

— Tu as changé, Suan. Maintenant, c’est moi qui veut partir et toi qui me montre ce qu’on accomplie.

— Changé ? Peut-être bien… C’est bien malgré ma volonté. Mais tu avais raison. J’ai toujours cherché autre chose. J’ai toujours peur, pourtant je parviens à me maîtriser.

Moi ou les autres… songea-t-il presque aussitôt.

— Il faut qu’ils fassent demi-tour.

— Hum…J’ai mémorisé le trajet. Jusqu’où doit-on aller ? S’imposa la voix de Tartanne.

Il s’adressait à Xin-Shen. Suan avait l’impression de trop de monde dans sa tête. Est-ce qu’un jour il retrouverait une intimité.

— Tu penses encore à des choses très utiles, Suan, critiqua Trysol. Ton intimité n’est pas une urgence.

Suan soupira. Son esprit ne lui appartenait clairement plus. Il l’accepta pour le moment, mais savait pertinemment que ça le gaverait pour la suite.

— Je vous laisse discuter ensemble. On dirait bien que je suis devenu une passerelle.

Comme si ça ne suffisait pas d’être une créature monstrueuse et d’avoir retrouvé la mémoire de ses vies antérieures, il fallait qu’il serve en plus de parloir. Il songea à ce qu’avait dit Tartanne : « Tomna t’aidera ». Qui qu’elle soit, il avait hâte de la retrouver. Une lumière se forma dans son esprit, loin devant lui et des visages de Trysol et Tartanne qui dialoguait avec Xin-Shen. Il la fixa, la sentit. Le temps de quelque instant, il s’oublia attiré par la chevelure argenté d’Adom. Son premier lui s’avança et bientôt, il se posta devant lui.

Il se rendit compte, qu’il n’entendait plus la voix des autre dans sa tête.

— Qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi je… ?

— Parce que je fais rempart. Quand tu auras besoin de calme, de solitude, je serai là. Personne ne passera mon corps à part ta guerrière quand elle t’ordonnera.

— Tu ne peux pas m’en apprendre plus sur comment me défaire de Trysol ou comment maîtriser le Hàng Xiè.

— Pas vraiment. Mais Tomna le peut. Si tu dois la chercher, elle se trouve dans la zone des remords.

Suna hocha la tête, sans trop savoir où cette zone se trouvait en lui, puis la voix de Trysol réapparu.

— Suan, je t’ordonne de répondre !

Adom disparut avec un sourire compréhensif sur le visage.

— Répondre à quoi ?

— Est-ce qu’Analoum et Adaman vont bien ?

— Bien ? On est dans l’eau à attendre que vous soyez hors d’atteinte. Analoum est curieusement calme. Son Frère ne dit rien, comme le reste du groupe. Certains on commençait à se monter dessus, d’ailleurs. Soit gentille, reste focaliser sur ce que te dis ma sœur, t’occupes pas d’autre chose.

Il sentit la fureur monter dans le corps de Trysol. Elle avait envie de le tuer.

— Gère mieux tes émotions. Je n’ai pas envie de me transformer en monstre, ici.

— Je te boufferais un de ses jours.

— Bien le plaisir te fasse. Fais gaffe que ce ne soit pas moi qui te mange. J’ai cru comprendre que je pouvais me délier de toi.

La querelle se stoppa. Trysol s’arrêta, tout comme Tartanne. L’inquiétude grandit dans le cœur de la rouquine.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Suan.