Tout le monde s’était figé à l’arrivée de Tampo. Analoum avait tremblé comme une feuille, les soldates s’étaient reculées, et la femme au masque avait eu un frémissement dans les doigts.

En parvenant à lire les pensées de Suan, Tartanne avait compris que Trysol contrôlait le gros tas de chair devant lui. La créature s’était placée entre Analoum et les femmes-machines pour préciser qu’il détenait l’avantage. Un mouvement et il dégusterait un bon repas.

La rouquine le tint en laisse à distance, heureusement.

Elle devait être consciente de ce qui se jouait ici.

Le chat se gratta l’oreille tout en se demandant si ce n’était pas plus simple de laisser Tampo s’occuper de tout. Il était l’une des bestioles les plus solide à la connaissance du matou. Mais bon, il n’oubliait pas ce qu’avait dit les gamins : Jim aurait le don des mots. Puis il y avait Suan. Le danger de mort était trop présent.

Jim écoutait la proposition que lui faisait Analoum. C’était complétement fou, mais ça pouvait fonctionner. Après tout rien ne pouvait être pire.

— Füjin pourrait être notre seule chance de sauver le royaume et votre sœur. J’ai bien dans l’idée de tuer la reine, mais vous ne me laisserez pas faire, pas vrai ?

— Exact. Je te tuerai avant.

Jim s’approcha. Quatre pas seulement. Juste pour avertir qu’elle ne craignait personne.

— Et comment vas-tu me récupérer ce Dieu ?

— Ça, je le garde pour moi.

— Bien. Apprends que ce Hàng Xiè est un véritable trésor. Ses yeux sont doublés. Il y a une membrane qui pourrait le protéger du regard de Füjin. Meave a cette même capacité. Cette membrane.

Elle surprit Analoum qui chercha à contenir son émotion.

C’est bien ce qui me semblait, pensa le chat. Voilà pourquoi seuls les reptiles ne sont pas changés en pierre.

— Je sais ce qu’est un Hàng Xiè, merci. Pour se qui est de mes consignes.

Analoum se racla la gorge. Jim croisa les bras. Il y avait quelque chose de trop facile dans ce couloir. Pourquoi personne ne mourait ?

— Je t’écoute.

— Jusqu’à c’qu’on vous ramène le dieu des cendres, vous promettez de ne plus voler nos gamins. Vous humidifierez les cheveux de votre sœur pour les paralyser. Ça évitera le saccage de pauvres gens. Creuser une trancher autour du palais et protéger les terres de lianes. Il suffit d’eau pour contenir ce problème. J’comprends pas pourquoi vous laisser faire ça ! Nous n’avons rien à voir avec votre souffrance vous êtes au courant ? Commencez à réinstaurer une civilisation et rassurer la population. Vous ne savez pas comme nous vivons à cause des cheveux et des oiseaux noirs.

— Vous êtes aussi immoral que votre roi.

— Immoral ? Et pourquoi le sommes-nous devenu ? s’énerva la brune.

— Je me moque de la souffrance des lianissiens. Mais, je ferais comme vous le demandez.

Jim mentait. Tartanne le sentait dans tout son corps. Ses longs siècles lui avaient appris bien des choses, à commencer par la nature humaine. Pas tous se valent.

— Je vous le rapporterai quoi qu’il m’en coûte.

Elles avaient toutes les yeux braqués sur Tampo. Tartanne savait de Suan que Trysol regarder la scène. Elle n’était pas convaincue. Tout lui paraissait trop facile à elle aussi.

— Trois mois est le temps que je réclame pour monter, chercher, trouver et revenir.

— Un mois, rectifia Jim.

—On ne connait pas les hauteurs du Mont Grydia, trois mois.

— C’est vous qui m’avait proposé le chercher Füjin, mais c’est moi qui est encore le carte en main.

— Vous avez autant besoin de moi que j’ai besoin de ce temps. Ne voulez-vous pas sauver votre sœur ? À moins que vous ayez une sorcière sous le coude qui pourrait retirer la malédiction ?

Analoum venait de toucher un point sensible. Jim se raidit. C’était de là que venait l’impression de facilité. Elle avait effectivement besoin d’aide.

— Trois mois, c’est encore trop peu. Monter sur le mont Grydia n’est pas sans danger, et le chemin est long. Le temps qu’on trouve une tactique pour emprisonner Fujin et surtout le temps qu’on l’analyse, les semaines seront déjà égrenées. On parle d’un Dieu. D’un être qui change les gens en pierre. Faudra qu’on trouve un moyen de le combattre sans le regarder. Tampo ne pourra pas faire tout le travail. Il est encore novice, tout comme sa guerrière.

Elle gagnait du temps pour éviter à la population de diminuer davantage.

— Parce que tu crois que j’arriverais à tenir le mal avec de l’eau ? Il faudrait de la pluie et des inondations pour le paralyser. Mais il subsistera toujours un cheveux plus sec que les autres et plus malin pour tuer. Il faut du sang pour le calmer.

— Du sang ? L’odeur du sang est partout ici. N’y en a-t-il pas assez pour le satisfaire ?

— Du sang neuf.

— Femme et homme y compris ?

— Du sang, répéta Jim.

— Bien. Alors, tu iras le plus au nord de nos terres pour renouveler ce sang neuf. Pas d’hommes, mais des femmes. Nous sommes encore nombreuses. Au nord, il y a les pires de nous. Les tribus : Lotus, Griffe et Perle. Vous prendrez le nombre suffisant pour trois mois et partirez.

Analoum venait de jeter en pâture trois clans, sans une once de fébrilité. Ce n’était pas compliqué à deviner la rancœur qui troublait sa voix.

— Intéressant. Des concurrentes ? demanda Jim sarcastique.

— Non. Des êtres odieux et répugnants.

— Pas comme toi ?

Analoum baissa les yeux.

— Pire que moi, ajouta-t-elle, avec remord. Marché conclue ?

Eh, bien, tu m’apportes une solution, du sang… Mais je vais être honnête avec toi. Tu mourras avant d’avoir trouver Füjin. Je ne crois pas que tu réussiras à sauver ton royaume. J’aime, cependant, la détermination dans ton regard. Ça me plait. Je ne tuerai pas ma sœur. Et nous vivrons encore longtemps exilé de notre propre royaume.