Chapitre 2 - Une idée lumineuse
Pierre ne cessait de tourner en rond sur le palier, comme un lion, ou plutôt comme un ours en cage. La première cigarette qu’il avait allumée depuis plus d’un an avait un goût amer et la fumée, dont il avait perdu l’habitude, le faisait tousser.
Malgré la fraîcheur de l’air automnal, il ne décolérait pas. Depuis maintenant une bonne année, tout allait de mal en pis dans sa vie. Son travail de comptable où son nouveau chef ne le prenait pas au sérieux, lui qui était dans la boîte depuis dix ans. Ses relations avec ses enfants, tendues et distantes. Sa vie de couple, émaillée de conflits pour des broutilles de plus en plus insignifiantes. Depuis combien de temps n’avaient-ils plus fait l’amour, Julie et lui ?
Et maintenant, pour couronner le tout, ce maudit costume qui refaisait surface. Comment était-il réapparu dans sa penderie, ce truc-là ? Sans doute que l’un des enfants l’y avait remisé pour s’en débarrasser après l’avoir emprunté pour une farce quelconque. Après tout, il s’en fichait complètement, du comment. Ce qui lui importait, c’était que ce machin aurait dû se trouver ailleurs que dans leur maison.
Quelquefois, il ne pouvait s’empêcher de croire que cette horreur lui portait la poisse, même si l’irrationnalité de cette hypothèse lui sautait aux yeux. Mais c’était un fait : depuis qu’il l’avait portée pour ce funeste Carnaval, sa vie se dégradait, d’une manière lente mais régulière.
A qui pourrait-il bien le refiler ? Il avait déjà fait tout le tour de ses connaissances l’an dernier, lorsqu’il avait essayé de s’en débarrasser par ses propres moyens.
Il prit un instant pour y réfléchir pendant que sa clope finissait de se consumer. Y avait-il quelqu’un de nouveau dans le paysage auprès de qui il pourrait tenter sa chance cette fois-ci ?
Il allait abandonner ses investigations et rentrer pour le dîner familial lorsque l’illumination lui vint :
- Mais oui ! Mon imbécile de nouveau chef, ce péteux de Gauthier ! Ça lui irait à merveille !
Il écrasa son mégot dans le pot de fleur déserté qui lui servait de cendrier et rit sous cape en imaginant Gauthier, avec ses airs précieux et son snobisme à peine dissimulé, revêtu de sa peau de bête factice. Il ne savait pas exactement pourquoi, mais il était persuadé que dans l’intimité, c’était exactement son style.
Le sourire aux lèvres, toute colère évanouie, il se hâta de rejoindre le reste de la famille qui était passé à table et s’impatientait.
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