Depuis lors, je fais d'horribles cauchemars. Je me réveille en pleine nuit, je sais que c'est la nuit car ils éteignent la lumière. Je me réveille, hantée par ce cri déchirant.

Je sais que ça n'est pas ma faute et pourtant, je ne peux m'empêcher de ressentir de la culpabilité.

Je ne sais pas quand, ni même si je sortirai un jour d'ici, mais il est clair que je ne serai plus jamais la même. Ma douce innocence est morte, brisée. Alors je pleure, encore et toujours.

Ce sont des petites claques qui me sortent de mon sommeil ce matin là. J'entends un soupire de soulagement quand je m'anime. C'est Cécile qui s'occupe de me changer mes sondes. Lorsque je gémis de douleur, elle s'excuse de son côté brusque en me disant, d'un ton monocorde, qu'elle est désolée, que l'infirmière c'est Charlotte, qu'elle est à la cuisine habituellement. Je tente d'en savoir plus mais en vain. Cécile est beaucoup moins loquace que sa prédécesseuse.

Une fois qu'elle a fini sa mission, elle me demande, sur la même tonalité, de rester en vie car sinon Cerise devra encore consoler le Maître.

Je reste là. Sans comprendre. Qui est Cerise ? Et surtout, qui est ce Maître ? Comment ça le consoler ? Et évidemment que je vais rester en vie !

Cécile me donne l'impression d'être un zombie. Elle a toujours ce même timbre de voix détaché. Alors un soir, après avoir mangé, je lui demande ce qu'elle fait auprès de ce couple de fous. Elle me répond qu'elle aussi a été à ma place mais que, contrairement à Charlotte, elle n’enfreint pas les règles. Elle se plie à tout ordre qu'ils lui donnent.

Si je pouvais écarquiller les yeux, ils le seraient probablement. Elle m'avoue qu'elle a pratiquement grandi avec eux puisqu'ils l'ont "adopté" à l'âge de sept ans. Cela fait dix ans qu'elle est à leur service, continue-t-elle en me brossant les dents. Bien sûr elle a eu droit elle aussi aux coups mais c'était au début, quand elle essayait de se rebeller. Depuis qu'elle avait compris que si elle obéissait, tout se passerait bien, elle s'était assagie.

Je suis là, estomaquée. Ils l'ont formatée ! me hurle une petite voix dans ma tête. Lorsque je lui demande pour ses parents, elle réagit en s'exclamant que eux ou des autres, c'est du pareil au même, que dans le fond ils l'ont éduquée.

Je suis effarée de constater à quel point leur lavage de cerveau a prit sur elle. D'un côté cela me fait peur et de l'autre je l'envie.