Chapitre 30 : Exposée
Marc s’efface doucement sur le côté, un simple mouvement, à peine perceptible, qui me laisse la possibilité d’entrer, une invitation muette à franchir ce seuil, à pénétrer dans son espace, à abandonner derrière moi ce qui pourrait encore me rattacher à l’extérieur, à ce monde fait de règles et de raison, à tout ce que j’étais encore avant de me tenir devant cette porte.
Je n’hésite presque pas, ou peut-être que si, une fraction de seconde,mais mes jambes, elles, avancent, me portent d’elles-mêmes à l’intérieur de cette chambre où la lumière tamisée projette des ombres douces sur les murs, où l’air est légèrement chargé d’un parfum discret, boisé, où chaque détail semble pensé pour créer un cocon d’intimité, un piège dans lequel je tombe sans résister, sans même chercher à comprendre si je pourrais encore faire marche arrière.
La porte se referme derrière moi dans un claquement, et dans cet espace soudain réduit à lui et moi, il n’y a plus rien d’autre que cette attente insupportable, ce silence lourd de promesses non dites, cet instant suspendu où je devine déjà qu’il va parler, où je sens déjà que ses mots vont me heurter, me déstabiliser, me plonger encore plus loin dans cet état second où ma volonté n’est plus tout à fait la mienne.
Et puis, il parle.
Trois mots, pas un de plus.
— Montre-le-moi.
Une décharge électrique me traverse, fulgurante, incontrôlable, et si mon corps se fige un instant sous le choc, si mes doigts se crispent imperceptiblement contre mes cuisses, il n’y a pourtant aucun doute sur ce qu’il attend de moi, aucun flou, aucune ambiguïté, juste cet ordre déguisé en demande.
Il sait.
Mon ventre se noue sous la pression, ma respiration se fait plus courte, mon cœur cogne trop fort contre mes côtes, et lorsque mes yeux cherchent les siens, tentent d’y déceler un éclair d’hésitation, une faille, une possibilité de détourner cette situation, je ne trouve rien d’autre que cette patience absolue, ce calme déconcertant, ce contrôle implacable qui me laisse comprendre qu’il ne me laissera pas fuir, qu’il n’a pas besoin d’insister parce qu’il sait déjà que je vais obéir.
Alors, lentement, sans chercher d’excuse ni d’échappatoire, je me redresse légèrement, je tourne le dos au bureau, j’inspire profondément comme pour mieux absorber cette vague d’adrénaline qui pulse dans mes veines, et mes doigts, avec une précision presque mécanique, viennent saisir le tissu de ma jupe, le tirent doucement vers le haut, dévoilent la peau nue de mes cuisses, puis la fine dentelle noire de mon string, exposent sans retenue ce qu’il savait déjà, ce dont il n’avait jamais douté.
Je ressens son regard avant même d’oser le croiser, un poids invisible qui glisse sur moi, qui explore chaque centimètre dévoilé, qui s’attarde avec une lenteur insoutenable sur ce que je lui révèle sans un mot, et lorsque sa voix brise enfin le silence, posée, calculée, dénuée de toute émotion apparente, c’est pire encore.
— J’aime beaucoup ton choix de lingerie.
Mon souffle s’accélère.
— Tu évolues.
Et cette remarque, plus encore que la précédente, m’ébranle d’une manière que je ne comprends pas totalement, parce qu’elle ne parle pas simplement du tissu que je porte, ni de la couleur que j’ai choisie, ni même du fait que je me tiens devant lui dans cette position, mais bien de tout le reste, de ce qui n’est pas dit, de ce qu’il devine, de la façon dont je suis en train de changer, dont je glisse vers quelque chose que je n’identifie pas encore complètement.
Je frémis légèrement lorsqu’il tend la main, lorsqu’il saisit les fines bandes de tissu qui reposent sur mes hanches, lorsqu’il exerce une pression infime, imperceptible, juste assez pour que mon corps comprenne avant même mon esprit ce qu’il s’apprête à faire, et lorsqu’il commence à descendre lentement mon string, millimètre après millimètre, avec une lenteur presque cruelle, presque calculée pour exacerber mon attente, je retiens mon souffle, incapable de faire le moindre mouvement.
J’ai chaud.
Je me sens brûlante sous son regard.
Le tissu glisse le long de mes jambes, il atteint mes chevilles, et dans un réflexe silencieux, j’obéis, je lève un pied, puis l’autre, laissant mon string s’éloigner définitivement de moi, entre ses mains.
— Tu n’en as pas besoin ce soir.
Sa voix est calme, tranchante, une évidence qu’il énonce sans attendre de réponse, et l’idée qu’il puisse simplement disposer ainsi de quelque chose qui m’appartient, qu’il décide pour moi de ce que je peux porter ou non, me trouble d’une manière que je n’ose pas encore analyser.
Il replie le tissu avec une lenteur presque nonchalante, le glisse dans la poche intérieure de son veston, un geste précis, maîtrisé, qui ne laisse place à aucune négociation, aucune contestation. C’est un détail, une chose insignifiante en apparence, et pourtant, c’est un territoire qu’il s’approprie, une emprise qu’il renforce, un fil invisible qu’il tisse entre lui et moi, un rappel silencieux que, même en quittant cette pièce, même en retournant à ma vie, quelque chose de moi restera avec lui.
Et puis, sans me laisser le temps de m’attarder sur cette pensée, sans me donner l’occasion d’en ressentir pleinement la portée, sa main revient sur moi.
Ses doigts effleurent ma peau avec une lenteur calculée, une caresse à peine perceptible qui suit la courbe de ma hanche avant de descendre plus bas, frôlant l’intérieur de ma cuisse, remontant ensuite, frôlant à nouveau sans jamais vraiment toucher, éveillant chaque nerf sous ma peau, imprimant une attente insupportable qui me fait frissonner.
Ses doigts effleurent la base du bijou, un contact à peine perceptible, une pression infime qui fait frémir ma peau et accélère mon souffle, il ne se contente pas de caresser, il l’attrape du bout des doigts, le saisit avec une précision exaspérante, un contrôle total, comme s’il s’appropriait chaque parcelle de mon corps, chaque sensation qu’il déclenche en moi sans le moindre effort, sans la moindre hésitation.
Et puis, il tire.
Lentement.
Pas pour le retirer,Juste assez pour que je le ressente, juste assez pour qu’il bouge en moi, qu’il s’ancre différemment, qu’il envoie une onde brûlante le long de ma colonne vertébrale, qu’il me fasse suffoquer sous cette tension insupportable qui me laisse pantelante, suspendue entre le besoin de plus et la terreur qu’il arrête.
Un soupir m’échappe, incontrôlable. Mes doigts se crispent légèrement sur le bureau derrière moi, cherchant un appui que je ne trouve pas, tentant de contenir le frisson qui me secoue de l’intérieur.
Il ne dit rien immédiatement, il se contente d’observer, de jauger la réaction qu’il provoque en moi, et ce silence est pire que tout, ce silence me fait brûler, ce silence me fait imploser.
Puis, enfin, il parle.
— Tu aimes le porter ?
Sa voix est basse, posée, presque douce, mais il n’y a rien d’innocent dans cette question, rien d’anodin dans ce moment suspendu entre nous, dans ce jeu qui n’en est plus vraiment un, dans cette attente qu’il fait durer avec une maîtrise cruelle.
Je déglutis difficilement.
Je suis incapable de mentir.
Je le sais. Il le sait.
— Oui…
Le mot sort dans un souffle.
Faible.
Presque tremblant.
Terriblement excitée.
Mais sincère.
Le simple fait de le dire, de l’admettre à voix haute, en face de lui, avec ses doigts toujours là, me fait chavirer un peu plus, me fait sentir plus exposée encore, plus vulnérable, et pourtant, plus vivante que jamais.
Ses doigts resserrent légèrement leur prise sur le bijou, exercent une traction un peu plus marquée, et cette fois, mon corps réagit sans filtre, un spasme subtil qui me trahit, qui lui hurle combien je le ressens, combien c’est insoutenable, combien c’est délicieux.
— Je l’adore…
C’est sorti tout seul.
Comme une prière.
Comme une confession que je ne peux plus retenir.
Marc laisse passer un battement de silence, une seconde interminable où je sens mon cœur cogner trop fort dans ma poitrine, où mon ventre se tord sous l’excitation pure, sous cette chaleur insatiable qui pulse entre mes cuisses, sous ce désir qu’il entretient avec une facilité déconcertante, sans même forcer, sans même me toucher comme je le voudrais, comme j’en ai désespérément besoin, et pourtant, il me tient déjà au bord du gouffre, me laisse suspendue dans cette attente insoutenable, jusqu’à ce que, d’un mouvement à la fois lent et résolu, sa main quitte la base du bijou et glisse plus bas.
Je n’ai pas le temps d’anticiper, pas le temps de respirer, que ses doigts frôlent déjà l’intérieur de mes cuisses, remonte le long de ma peau hypersensible, jusqu’à atteindre cet endroit précis où mon corps le réclame, cet endroit trempé d’une envie que je ne peux plus nier, une évidence qui s’étale sous ses doigts alors qu’il appuie franchement, qu’il effleure la moiteur qui l’attendait, qu’il explore sans barrière, sans tissu pour entraver son contact, sans hésitation, comme s’il savait exactement ce qu’il trouverait, comme si cela ne faisait aucun doute.
Un spasme me traverse immédiatement, mon bassin cherchant instinctivement à suivre son mouvement, un soupir étranglé m’échappant avant même que je puisse le retenir, avant même que je puisse comprendre à quel point cette caresse est brutale, à quel point elle me percute, à quel point elle anéantit ce qu’il me restait de lucidité.
Il effleure.
Puis il appuie.
Un frisson incontrôlable me secoue.
Mon sexe est brûlant sous ses doigts, engorgé d’un désir insupportable, une tension que je sens vibrer jusque dans mon ventre, jusque dans mes jambes qui menacent de flancher, et je sais qu’il le sent aussi, je sais qu’il perçoit mon état avec une précision exaspérante, je sais qu’il devine combien je suis trempée, combien mon corps a déjà capitulé, combien il suffirait d’un peu plus, d’une simple pression supplémentaire, d’un seul mouvement plus profond pour me briser entièrement.
Mais il n’insiste pas.
Il n’offre rien de plus.
Il laisse juste ses doigts recueillir la preuve de mon abandon total, le témoin silencieux de l’état dans lequel il m’a mise, puis il se retire.
D’un geste lent.
Délibéré.
Cruel.
L’air froid s’engouffre instantanément là où il était, là où j’avais besoin qu’il reste, et le vide est un choc, un manque si violent que je suffoque presque, une frustration qui me brûle autant que l’excitation elle-même, une privation qui me laisse tremblante, suspendue à un besoin inassouvi, un besoin qu’il a exacerbé pour mieux me l’arracher.
Puis il parle.
Comme si rien ne s’était passé.
Comme s’il ne venait pas de laisser son empreinte sur ma peau, sur mon souffle, sur mon corps entier.
— Tu devrais retourner travailler.
Les mots me percutent de plein fouet.
Je cligne des yeux, hagarde, déconnectée de la réalité pendant une fraction de seconde, incapable de comprendre, incapable d’accepter cette sentence qu’il prononce avec tant de calme, avec tant de détachement, alors que moi, je suis encore là, en suspens, en feu, incapable de redescendre, incapable d’accepter ce qu’il est en train de faire, ce qu’il me fait.
Je veux protester.
Lui dire que ce n’est pas suffisant.
Lui dire que c’est cruel.
Mais je ne dis rien.
Parce que je comprends.
Parce que je sais que c’est voulu.
Parce que je sais que c’est exactement ce qu’il cherche.
Alors, dans un effort surhumain, je ravale mon trouble, je rabaisse ma jupe d’un geste mécanique, mes doigts tremblants effleurant la peau encore marquée par son absence, tentant de retrouver une contenance, de reprendre le contrôle sur mon propre corps, de contenir cette brûlure insoutenable qui continue de me ronger de l’intérieur, cette moiteur persistante qui s’accroche à moi, témoin silencieux de ce qu’il m’a fait, de ce qu’il m’a refusé, de ce qu’il a gravé sous ma peau sans même avoir eu besoin d’aller plus loin.
Je me redresse sur mes jambes vacillantes, lutte contre cette faiblesse étrange qui m’envahit, cet état de manque qui pulse au creux de mon ventre, cette envie brutale de rester, de lui dire que je ne suis pas prête à partir, que je veux plus, que j’ai besoin de plus, que s’il me laisse partir maintenant, il ne fait que me condamner à une attente insoutenable, un désir suspendu qui ne s’éteindra pas.
Mais je sais que c’est ce qu’il veut.
Je sais qu’il le fait exprès.
Alors je serre les dents, inspire profondément et fais un pas vers la porte, puis un deuxième, chacun plus difficile que le précédent, chacun luttant contre cette part de moi qui voudrait se retourner, reculer, lui demander de me reprendre, de ne pas me laisser dans cet état.
Ma main trouve la poignée, mes doigts s’y referment avec une hésitation que je déteste, et je pousse lentement la porte, laissant l’air frais du couloir s’engouffrer contre ma peau encore brûlante, contrastant violemment avec la chaleur qui m’habite toujours, avec cette tension électrique qui ne s’estompe pas, qui vibre encore entre mes jambes, qui me rappelle ce qu’il vient de me faire.
Je franchis le seuil, mais à la dernière seconde, incapable de partir totalement, incapable d’accepter cette séparation, je me retourne, mon regard cherchant instinctivement le sien, comme pour lui dire que je sais, que je comprends, que j’ai conscience du jeu qu’il est en train de mettre en place, de la façon dont il tisse cette toile autour de moi, dont il resserre lentement son emprise sans que je ne cherche à y échapper.
Il est là, immobile, le visage toujours aussi impassible, mais son regard ancré au mien, lourd, intense, vibrant de cette tension silencieuse qui nous enlace encore, comme un fil invisible qui nous relie, qui me retient alors même que j’ai déjà un pied hors de la pièce.
Il ne dit rien.
Il n’a pas besoin.
Son silence est une promesse.
Une menace.
Un ordre muet.
Je referme la porte derrière moi.
Et dans le couloir désert, les jambes tremblantes, le souffle court, la peau marquée par lui, je prends enfin conscience de ce que je suis en train de devenir.
Je suis à lui.
Et je sais qu’il viendra me réclamer.
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