Chapitre 47 : Refuge
Je suis assise sur le canapé, une couverture sur les genoux, encore en pyjama – un vieux t-shirt de Gabi qui sent son parfum à la vanille. Les derniers jours ont été un brouillard, un arrêt de travail forcé après cette nuit sur le parking, mais ce matin, je me sens plus légère, comme si un poids s’était un peu allégé. Gabi est dans la cuisine, affairée avec des mugs, et une odeur de café frais flotte jusqu’à moi, mêlée au bruit de ses pas légers sur le parquet.
Elle revient, deux tasses fumantes en main, et s’arrête devant moi, ses yeux verts scrutant mon cou. La marque violette a pâli, une ombre diffuse sous la peau que ses doigts ont caressée avec soin ces derniers jours. Elle me tend un mug, un sourire en coin aux lèvres.
— Tiens, bois ça, dit-elle, sa voix douce mais ferme. Et juste pour info, j’ai pris une semaine de congé. Je reste avec toi pendant ton arrêt.
Je prends le café, mes doigts frôlant les siens, et fronce les sourcils, surprise.
— Pas la peine, Gabi, je vais bien maintenant, dis-je, ma voix encore un peu rauque.
Elle s’assoit à côté de moi, croise les jambes sous elle, et me fixe avec un regard qui ne laisse aucune place à la négociation.
— C’est pas une demande, Cloé, c’est une affirmation. L’hôtel se débrouillera sans moi. T’as besoin de moi ici, et je veux pas te laisser seule avec tes conneries dans la tête.
Ses mots me frappent, simples et directs, et une chaleur monte dans ma poitrine, un mélange de gratitude et de trouble. Je baisse les yeux sur mon café, un sourire tremblant aux lèvres.
— Merci, murmuré-je, et elle hausse les épaules, comme si c’était rien, avant de poser une main sur mon épaule, un geste tendre qui me fait frissonner.
Les jours s’écoulent dans une douceur inattendue, un refuge tissé par sa présence. On reste au lit ou sur le canapé, des heures à regarder "Brooklyn Nine-Nine", nos rires éclatant sous la couverture qu’on partage. Elle se blottit contre moi, son bras autour de mes épaules, et je m'engouffre dans sa chaleur, ma tête reposant sur sa clavicule alors qu’elle caresse distraitement mes cheveux, ses doigts glissant dans mes mèches avec une tendresse qui me fait fermer les yeux. On parle de tout, de mon premier job minable, de trucs idiots qui nous font rire jusqu’à en avoir mal au ventre. Un soir, alors que je grimace en bougeant, elle pose une main légère sur mon cou.
— Viens là, dit-elle, me tirant doucement pour que je m’assoie face à elle.
Ses doigts effleurent la marque, encore sensible, et elle masse doucement, ses paumes chaudes soulageant la tension qui s’y cache. Je soupire, mes épaules s’affaissant sous son toucher, et elle murmure :
— T’as trop porté là-dedans, Cloé. Laisse-moi enlever un peu de ça.
Je hoche la tête, les yeux mi-clos, et cette proximité me réchauffe plus que je ne veux l’admettre.
Un matin, je me lève, les jambes plus sûres, et me plante devant le miroir de la salle de bain. La marque violette n’est plus qu’une ombre pâle, presque effacée, et je passe mes doigts dessus, un sourire timide naissant sur mes lèvres. Je me sens mieux – pas guérie, pas encore, mais vivante, avec une énergie qui revient doucement. Gabi est dans la cuisine, et je décide de lui faire plaisir, un merci silencieux pour tout ce qu’elle a fait. Je prépare une soupe – carottes, gingembre, un truc simple mais réconfortant – et quand elle entre, une lueur de surprise traverse ses yeux.
— T’as cuisiné ? dit-elle, un sourire amusé aux lèvres alors qu’elle s’appuie contre le comptoir.
— Pour toi, ouais, dis-je, versant la soupe dans deux bols. Merci… pour tout.
Elle me prend dans ses bras, une étreinte rapide mais ferme, et murmure "Idiote" contre mon oreille avant de s’asseoir pour manger.
Les jours passent, et Vincent revient. Mon téléphone vibre sans cesse – des appels que je rejette, des SMS que je laisse en non-lus : "Cloé, faut qu’on parle", "Je comprends pas". Je l’ignore, mais un soir, alors qu’on regarde un épisode, Gabi pose son portable sur la table, son regard sérieux croisant le mien.
— Il m’a appelée, dit-elle, sa voix douce mais ferme. Vincent. Il fait pitié, Cloé. Il a l’air perdu, il arrête pas de demander après toi. Peut-être que tu devrais lui parler… juste pour être tranquille après.
Je fronce les sourcils, mon cœur se serrant à l’idée de rouvrir cette porte, mais ses yeux me fixent, pleins de compréhension et d’encouragement.
— Tu crois ? murmuré-je, mes doigts jouant avec un fil de la couverture.
— Ouais, dit-elle, posant une main sur la mienne. Il t'as fait de la peine, mais toi, t’as besoin de clore ça. T’en penses quoi ?
Je prends une inspiration, les images de Vincent – son regard troublé au bar, sa voix hésitante – dansant dans ma tête. Elle a raison, comme souvent, et je sens une détermination fragile naître en moi.
— OK, dis-je, ma voix tremblante mais résolue. Je vais le faire. Je vais lui parler.
Elle sourit, un éclat tendre dans ses yeux, et serre ma main un peu plus fort.
— T’es plus forte que tu crois, Cloé, murmure-t-elle, avant de tirer la couverture sur nous, nos corps proches alors que l’écran reprend ses blagues absurdes.
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