« Oui, bonjour, je ne connais pas votre numéro, je ne rappelle jamais dans ces cas là. J’ai écouté hier votre message, que savez vous de moi, et vous voulez quoi exactement ? Je raccroche si vos explications ne me vont pas. Rien  à foutre de vos histoires. »
    « Si vous avez suivi le message du répondeur, vous avez dû comprendre que je ne cherche que des renseignements sur Marie Cécile que vous avez connu quelques temps. Je sais ce que vous faites et vendez, ce n’est pas mon problème. Tout est à titre personnel, je ne suis ni flic, ni détective. Je ne cherche qu’a savoir qui est cette personne. De toute façon, je vous aurais oublié après cet appel ? C’est bon comme ça ? »
Je sentais que la personne réfléchissais, mais je comptais sur sa curiosité, parce que tous ceux qui l'ont approché, ne sont jamais resté indifférents.
    « Elle a fait quoi Marie Cécile ? Vous savez, j’avais bien vu qu’elle n’était pas comme la plupart des gens que je connais. Elle a des problèmes ? Quoique, elle a disparu d’un coup, je sentais un truc pas net, mais je n’ai jamais compris quoi. »
    « Non, non, je suis surtout à la recherche d’une personne qu’elle a connu. Un problème familial pour être précis. Donc votre histoire pourrait peut être m’aider a savoir si elle l’a croisé, et quand. Si vous pouviez me donner des détails de votre rencontre, et quand elle est partie, ça m’aiderait beaucoup. Après, vous n’entendrez plus parler de moi. »
    « Bon, d’accord, je vais vous raconter, mais ça date de trois ou quatre ans au moins. »

Je viens souvent le dimanche matin, au marché St Aubin, c’est assez Bobo, ça m’amuse de regarder les vieux beaux qui se déguisent pour faire croire qu’ils n’ont pas de tunes, à la limite, je m’en fou. Quand j’ai salué la plupart des gens qui vendent et exposent, j’en connais pas mal, je m’installe au Café St Aubin pour prendre l’apéro, dès que je trouve une place dehors, je commande.
La particularité de ce bar, c’est que tu te mets là ou une chaise est libre. Tu peux donc te retrouver aussi bien à coté d’étudiants, que de personnes qui se posent ou bien de retraités qui viennent faire des emplettes, tu discutes, et c’est là le truc, de tout avec n'importe qui. Je me suis retrouvé quelques fois, à parler de philo, de théâtre, de musique, ou voyages, ce n'est pas forcement de mon niveau, mais j'apprends et j'écoute, c'est la magie du lieu d'un des derniers marché de la ville de Toulouse.
J’ai même rencontré des acteurs, des écrivains et des musiciens connus, mais personne les fait chier, on est dimanche matin, la plupart sont encore dans leur nuit du samedi, c'est selon les états, un drôle de brassage hétéroclite. Nous sommes tous là, parce que c’est l’heure de l’apéro, et moi pour vendre quelques petites choses, comme mon voisin de table, qui lui a du tabac à refourguer depuis son retour du Pas de la Case, on se connait un peu, on se salue de loin, comme tous ceux qui sont là.
J’étais assis en face d’une jolie blonde assez classe, qui buvait son café, je l’avais repéré, et je jetais de temps en temps un coup d’œil à son physique, mais sans plus, je ne l'avais jamais vue.
Un musicien à l’intérieur du café, commence son show, il vient tous les dimanches, engagé par le patron pour mettre un peu d’ambiance, c’est assez agréable et typique, tous les habitués le connaissent il est venu m'embrasser en arrivant, deux trois mots pour chacun avant de s'installer.
La fille en face se met à murmurer des mots sur le morceau qu’elle entend.
    « J’adore cette chanson, mais je n’arrive jamais à me souvenir des paroles. »
C’est une manière comme une autre d’engager la conversation, je ne pense à rien de spécial, j’ai juste envie de parler. Qu’elle me réponde ou pas, ce n’est pas important, j’ai dû dire ça  sans la regarder, comme si je devise à voix haute.
    « Ça me rappelle des tas de souvenirs d’une époque, c’est pour ça que je la connais. Mais je ne vais pas raconter, sinon on y passe la journée. »
Elle se met a rire.
    « C’est bien ici, la première fois que je viens. Avant j’allais à St Sernin chercher des livres d’occasion, mais il y a trop de monde. On m’avait parlé de celui ci, plus petit, mais plus sympa. »
On a parlé des avantages et inconvénients de ce petit marché, notre conversation a démarré ainsi.
De temps en temps, des gens que je connais, viennent me saluer, une poignée de main pour certains, la bise pour d’autres un peu plus intimes de mes ventes.
    « Salut Jy, tu vas bien ? Tu as des trucs pour moi ? »
    « Salut Manu, tout à l’heure si tu veux, je bouge pas . »
J’ai su qu’elle s’appelle Marie Cécile, parce qu’il se penche pour lui faire la bise, pensant certainement qu’elle est avec moi.
    « Bonjour, moi c’est Manu, tu as dû l'entendre. »
    « Bonjour, moi c’est plus long, Marie Cécile. »
Mon pote est reparti comme il est venu, je le verrais sans doute après.
    « Tu t’appelles Jy ? »
    « Non, c’est juste mon surnom. La contraction de Jean Yves. »
    « Tu as l’air de connaître du monde dans le coin, tu viens souvent ? »
    « C’est ça ou la messe, je préfère l’apéro le dimanche. «
Elle se remet à rire, j’adore son tain de voix, j’ai l’impression de l'intéresser, mais sans doute juste  parce que j’en suis à mon troisième apéro.
J’ai l’estomac qui gargouille, je commence à avoir faim, juste à coté se trouve un traiteur qui sert des tapas et des vins. Sa boutique est voisine du bar, on pouvait commander et se faire servir à nos places, c’est tout bénéfice pour les deux commerçants. J’en parle à Marie Cécile, et lui demande si ça la tente, et puis de toute façon j'ai faim, tout ce qu'on met sur la table, est à disposition de ceux qui sont autour, ça marche comme ça ici.
    « Non, pas vraiment, je picorerais si jamais, je n’ai pas faim. »
J’ai donc commandé un peu de tout comme d’habitude. Un peu de charcuterie, quelques cœurs d'artichauts, et des calamars à l’huile, que du léger quoi ! Le tout dans des barquettes avec des piques pour piocher.
Plusieurs dimanches de suite, on se retrouve presque par hasard, à force de discuter, j'en apprend un peu plus, mais je ne cherche rien, on s'échange tous nos vies, je crois que beaucoup mentent et enjolivent, on n'est pas des intimes juste des connaissances, à la limite on s'en fou, c'est l'heure de l'apéro on habille le temps.
Je lui raconte que je travaille dans le domaine d’un Monsieur de Quelque chose prés de Toulouse, et comme il est souvent absent, je m’occupe de ses animaux, de l’entretien général. Des chevaux aux oiseaux, en passant par des chèvres naines, des nandous et de la volaille, tous à soigner et nourrir, mais j’adore ça, j’habite et je vis à la campagne juste à coté du Château. Je lui ai promis, mais bon, un peu dans le vague, de l’emmener visiter le domaine en l’absence des propriétaires un jour prochain, la proposition est gratuite.
De son coté, elle me raconte être arrivé dans le coin depuis quelques années avec son mari -  là, je coince un peu, tant pis -, qu’il occupe une très bonne situation, mais n’est jamais présent, ni pour sortir, ni quoique que soit, et encore, quand il n’est pas en déplacements.
    « A propos, quand pourras tu me faire visiter le Château et voir les animaux ? »
    « Le Château ? Je n’ai jamais dit ça, c’est chez eux, par contre le parc et les animaux c’est possible. Ils sont justement absent pendant quelques jours, je rentre tout à l’heure pour nourrir et rentrer les poules à cause des renards et des rats. »
«Tu me racontes des blagues ? »
    « Pas du tout, mais c’est surtout les jeunes qui risquent, c’est déjà arrivé plusieurs fois avec ceux qui s’échappent. Si tu veux venir, il n’y pas de soucis. »
    «D’accord, j’ai du temps. Je te suis jusque ta voiture pour voir ou tu es, et je vais chercher la mienne, je te donne mon numéro, comme ça si je te perd de vue . »

Je suis pris sur le fait, pas que ça me dérange, mais je n'ai même pas pensé qu'elle accepte.

On s’est garé dans la cour de chez moi, tout en bas du Château, pour ne prendre qu’une voiture et nous sommes entré dans la propriété.
    « Je vais commencer par les chevaux, de l’eau, un peu de grain et du foin, juste ce qu’il faut, sinon ils ballonnent.»

J'essaie autant que possible d'expliquer ce que je fais, j'adore mon travail, j'adore les animaux, j'aime qu'on s'y intéresse.
Dés que je suis arrivé, ils connaissent le bruit de mon véhicule, les chevaux sont venus nous voir. Marie Cécile pousse des petits cris de joie comme une petite fille, elle veut absolument les toucher.
    « Ne t’approche pas trop, surtout par derrière, ils ne te connaissent pas et risquent de faire un mouvement brusque, ce sont des animaux de chasse à courre, ils sont assez nerveux. »
J’ai complété ce qu’il y avait à faire, et nous sommes parti voir les poules plus loin dans le domaine.
Là, c’était moins physique, il suffisait de mettre des graines dans l’enclos, et elles arrivent à  toute vitesse en un joyeux caquetage. Des jaunes, des noires, des bleus, en duvets, sans plumes, d’autres juste aux pattes, tout ravissait Marie Cécile, le temps de les compter, j’ai refermé les cages pour les mettre à l’abri pour la nuit.
    «  Je vais rentrer les nandous, et c’est fini. »
    « Tu fais ça tous les jours ? C’est fantastique. »
    « Que le matin quand Monsieur et Madame sont là, sinon j’entretiens le domaine le reste du temps, et il y a beaucoup à faire. »
Nous sommes arrivé aux nandous, j’en ai couché un en appuyant à la base du cou pour qu’elle le chevauche gentiment, ils ont l'habitude avec moi, J’ai éclaté de rire, elle n’a pas voulu s’approcher.
    « J’ai peur, il a un gros bec, il va me picorer. »
Le soir approchait, nous sommes revenu chez moi, je crois qu’elle a beaucoup aimé cette sortie champêtre, moi, c’est mon habituel.
    « Tu restes prendre un café  ou l’apéro ? Après je fais à dîner, si ça te dit, tu pourras rentrer pas trop tard. »
Elle est restée pour un café, me demandant des tas de détails sur les animaux et mon travail, je crois qu’il n’y a que moi qui ait parlé.
Elle m’a fait la bise en promettant de me rappeler, elle voulait en voir plus, les chèvres, la volière, et tout ce qu'elle n'avait pas pu.
Drôle de bise, j’ai eu l’impression que ses lèvres ont légèrement glissé sur la commissure des miennes.
Elle a repris sa petite voiture, en me remerciant de ce que je lui avais montré.
Je ne savais quoi penser de cette fille, elle n'est pas de mon monde, mais pourquoi pas si l’affaire est à prendre.
      « Coucou, Jy. C'est Marie Cécile, tu me dis quand je peux venir finir la visite, à moins que tu ne sois occupé. «
Nous avons un peu parlé de sa dernière visite, on en riait encore, et convenu que demain après midi serait bien, ça me laisserait le temps de faire un peu de rangement et le ménage, j'en avais besoin.

Elle est arrivé vers quatorze heures, j'étais en train de charger la voiture avec de l'outillage, elle me fait la bise, normale cette fois, dommage j'avais cru, mais elle est venue comme promis.
      « On se prend un café avant d'y aller ? Je vais te passer des bottes et une veste, je devrais retrouver les affaires de ma fille, on risque de devoir aller dans les taillis pour les chèvres. »
      « Tu as une fille ? Elle ne va rien dire ? «
      « T'inquiètes, elle a déménagé depuis longtemps, mais elle m'a laissé tout un bordel. »
Ainsi affublés, nous avons pu traverser les chemins de ronces et des orties pour arriver à l'enclos des chèvres naines.
      « Ne touche pas, c'est électrifié, sinon elles s'échappent. Je déplace l'enclos tous les mois, comme ça elles nettoient une parcelle. Si elles étaient en liberté, je ne pourrais pas les retrouver, et elle risqueraient de dévorer les fleurs de Madame. »
Elle a pu les caresser en faisant attention, elle semblait en extase devant ces mini cabris qu'elle comparait à des animaux d'appartement.
  « Peu de chances, ça bouffe tout ces bestioles."
La volière est un enchantement pour ses yeux, toutes sortes de couleurs volettent dans tous les sens, le temps que je change l'eau et remette des graines. Par contre le bruit devient vite infernal si on reste trop longtemps, ce que me dit Marie Cécile qui commençait à se boucher les oreilles en se repliant vers la sortie.
Nous avons un peu tourné dans le domaine autour du Château, visité les ateliers et nous sommes rentré, l'après midi a été bien remplie.  

    « Café ? Comme la dernière fois ? »     

    « Ce que tu veux, même l'apéro, j'ai du temps, comme ça tu pourras encore m'en raconter, j'adore tes histoires d'animaux.»   

    « Je prépare le repas, et pour la digestion une petite cigarette à ma façon, laisse moi faire, j'ai l'habitude. »
Je lui demande avant si elle connaît, on ne sait jamais, certains ne supportent pas.
Elle a commencé à me parler de son mari, de sa liberté surveillée, je n'en demande pas tant, elle devient intarissable, je crois que ma production locale la rend bavarde, je n'arrive presque pas à placer deux mots à la suite.       

    « Tu sais, il me permet de sortir quand je veux, même pour dormir dehors, mais il ne veux pas que je sois avec un mec. On n'arrête pas de s'engueuler pour tout. Ça me fait respirer de ne plus le voir.»            

    « Il te laisse sortir sans rien dire ? Il n'a pas peur ?»   

    « Peur de quoi ? Je fais ce que je veux, je lui raconte n'importe quoi, je suis sûre qu'il fait semblant de me croire. Il doit bien se douter, il n'est pas con, il sait bien que s'il insiste trop, je me barre. Mais ça me fait chier quand même, on a plein de trucs ensemble. Mais je m'emmerde avec lui, il n'y a plus rien depuis longtemps. Je ne souhaite pas qu'il disparaisse, mais presque. »       

    « Ben dis donc, drôle de vie. Pourquoi tu ne te sépares pas ? »

    « Je me méfie quand même. C'est un pervers, j'en suis certaine. Il n'a pas encore levé la main sur moi, mais à chaque fois, c'est limite. »
  « Je rigole un peu pour ton histoire, mais c'est pas rigolo. Tu as un mot signé pour être ici ? »
Elle se lève de sa chaise, s'approche de moi, les sourcils froncés et me frappe la cuisse.   

    « Ton tabac me fais raconter plein de bêtises. Je ne sais pas pas si je suis en état de conduire. C'est ta faute, tu vas être obligé de me garder, le temps que je sois en forme. »

    « Pas de soucis, il y a de la place. Je me lève à six heures, je ne vais pas trop tarder aussi. »

    « Six heures ? Ça me va si tu me réveilles. J'envoie un message pour dire que je suis pas en état de conduire, et c'est la vérité. »
Je suis en train de virer les affaires du lit de ma fille, quand elle entre.

    « Pas la peine, je viens avec toi pour être sure d'être levée à l'heure. Mais ne pense pas à autre chose, j'aime sentir une présence quand je dors, sauf celle mon mari. »
Je suis en train de penser qu'elle n'a pas froid aux yeux, mais je ne vais sûrement pas refuser, je lui montre la salle de bain, je tente tant bien que mal d'arranger la couche de mon lit.
Quand j'en sors après elle, elle est déjà sous la couette, j'aperçois ses vêtements pliés sur une chaise, je crois qu'elle s'est endormie, roulée en boule les yeux clos, tournée vers l'extérieur, tant pis, j'avais cru, je me déshabille et j'éteins la lumière.
Dès que je suis dans le lit, elle se tourne, je la sens complètement nue quand elle se plaque contre moi.   

    « Penses à autre chose maintenant. »
Je n'ai rien fait, les initiatives viennent d'elle, je suis en train d'exploser de partout avec une petite bourgeoise complètement déjantée, je n'ai presque pas dormi, tant son corps affolait mes sens.
Elle est partie au matin, juste une bise passagère du bout des lèvres, elle avait l'air gênée, je ne l'ai pas rappelé, je ne savais pas ce qu'il s'était passé.

Je suis retourné dimanche au marché, je me suis mis à guetter comme un collégien, j'ai vendu ce que j'avais à vendre, je crois que j'ai un peu trop abusé d'apéros, à surveiller et attendre. Je suis arrivé chez, moi, sa voiture était là, j'en suis à un tel point de saturation d'alcool, que je me suis précipité vers elle. Je ne suis pas en demande, pourtant, elle me plaît cette bourgeoise que j'embrasse.
Nous sommes allé, après certaines effusions, nourrir les animaux, peu de mots se sont dit, elle toujours aussi enfantine et ravie. Nous sommes rentré le soir, mangé, fumé, elle m'a encore raconté.
J'ai écouté plus sérieusement cette fois là, de ce que j'ai compris, il est assez violent, pas à la frapper, mais à la bousculer, il se vengeait sur elle d'une vie de platitude, pas qu'ils n'aient de moyens, mais d'un mariage atone, sans relief, il ne voulait sûrement pas divorcer pour partager des biens.

    « Je n'y connais rien, mais prends un avocat pour t'aider. »

    « Une fois j'ai tenté, nous avons un compte commun, il s'en est aperçu et je suis restée une semaine enfermée. Il m'avait coupé les vivres. Tu ne peux pas comprendre ce que c'est de ne pouvoir sortir, pas d'argent, pas d'amis. Juste à attendre qu'il rentre pour enfin parler, voir, même si c'est lui. Non, je ne peux rien faire. Il me répète sans arrêt que nous avons signé un contrat à vie. »

    « Je ne comprends pas, tu peux sortir, comme la dernière fois quand tu es restée. »

    « Quand il est en déplacement, comme cette semaine. Il ne téléphone jamais pour vérifier, je dois être là quand il rentre sinon ça risque de mal se passer. Mais je ne tente pas. »

    «Tu peux rester si tu veux, ça ne me gêne pas. J'ai quelques amis qui ont fait du droit et d'autres choses. Je peux demander. »

    « Si tu veux, mais j'ai déjà les réponses. Je suis resté plus de vingt ans avec lui, sans travailler, il ne voulait pas. J'ai droit à la moitié de tout, et c'est un minimum . »

    « Je pense que tu as raison de réclamer, mais tu vois comme je vis, j'ai une approche différente. Mais je te comprends. Un peu plus m'irait bien, mais le peu me suffit. »

    « Il faudrait qu'il s'en aille au diable, qu'il disparaisse pour me laisser. J'ai trop souffert d'un manque de vie. »
Elle est restée la semaine, un peu amusée de ma vie rugueuse, semblait surprise de tout, du silence de la nuit, des repas impromptus quand les potes débarquent, de nos discussions, nos soirées à jouer aux cartes, à fumer ou à boire, une vie à la campagne tout simplement.
Elle est revenu plusieurs fois encore, certains de mes amis sont au courant de ses histoires, on en avait discuté, sans plus.   

    « Des problèmes de riches »

, disaient ils,

    « On comprend, mais pourquoi ne pas rester simple, il y a tant de choses à s'occuper.»
Je commençais à bien l'aimer, elle était toujours volontaire, toujours aussi gentille, dès qu'elle pouvait, en l'absence de son mari, une nuit ou une semaine, elle restait avec moi, soignant les animaux, réparant des clôtures, portant la nourriture, approchant les nandous dont elle se méfiait encore.
Je sentais bien que quelque chose la rongeait, j'avais l'impression de ne pas lui donner les bonnes réponses, qu'elle attendait autre chose, mais ce n'est que mon avis. Plusieurs fois je lui ai demandé de rester pour de bon, et qu'on aviserait, je devenais accroc, elle perdait son enveloppe de bourgeoise, du moins je le croyais.

    « Il me doit quelque chose, sinon je perds ma vie. »
C'était sa seule réponse.
Un jour, je n'ai plus eu de nouvelles, au marché non plus, plus d'appels, pourtant, j'ai tenté plusieurs fois. »

    « Voilà, vous savez tout. L'histoire a durée presqu'un an, j'ai longtemps attendu, je suppose que son mari a dû la coincer, mais je ne sais rien de plus, je n'ai jamais su où chercher, et ce n'est pas mon genre à faire des histoires. »

    « Merci beaucoup. Juste une précision. Sur le marché ou ailleurs, a t'elle rencontré des gens que vous ne connaissiez pas ? Juste les saluer par exemple. »

    « Non, je n'ai aucuns souvenirs de ça. De toute façon, je sors très peu, juste le marché comme vous avez compris, ou chez des potes du coin. »

    « Une dernière chose et je vous laisse tranquille. Sa voiture, vous avez l'immatriculation ? »

    « Non, pas du tout, je n'ai pas fait attention, une petite voiture jaune, mais je n'y connais rien. »

    « Bien, je vais vous laisser, si j'ai des nouvelles, je vous appelle, vous avez été patient. Merci . »